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12/06/2018 | FRANCE | N°16VE02495

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 12 juin 2018, 16VE02495


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société AIR FRANCE a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision en date du 27 mai 2015 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a infligé une amende de 5 000 euros pour avoir débarqué sur le territoire français une ressortissante camerounaise dépourvue de visa.

Par un jugement n° 1506477 du 1er juin 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 2 août 2016, la société

AIR FRANCE, représentée par Me Gravé, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement et la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société AIR FRANCE a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision en date du 27 mai 2015 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a infligé une amende de 5 000 euros pour avoir débarqué sur le territoire français une ressortissante camerounaise dépourvue de visa.

Par un jugement n° 1506477 du 1er juin 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 2 août 2016, la société AIR FRANCE, représentée par Me Gravé, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement et la décision du ministre de l'intérieur du 27 mai 2015 ;

2° à titre subsidiaire, de ramener le montant de l'amende à la somme de 500 euros ;

3° de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la substitution de motifs demandée par le préfet en première instance, et retenue par les premiers juges, relative à la faute d'orthographe dans le mot allemand " Schengener Statten " où il manque le " e " du milieu, n'est en rien fondée, dès lors que l'agent de la police aux frontières (PAF) lui-même n'avait pas remarqué cette faute d'orthographe ;

- la décision est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 625-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car les éléments relevés, décrits par le ministre, n'étaient pas visibles à l'oeil nu et que d'ailleurs les services de la PAF ont procédé à des agrandissements, en format A4, des documents de voyage litigieux ;

- l'administration ne précise pas ce qui aurait du être observé, en termes d'irrégularité, sur l'hologramme litigieux et ce type de vérification dépasse largement ce qui peut être demandé à un agent d'embarquement au moment du contrôle ;

- les autres éléments relevés, à savoir le manque de netteté des guillochis, des lettres de sécurité " EUR " ne sont pas davantage manifestes, ni décelables sur une photocopie, comme d'ailleurs les éléments relevés pour l'hologramme, l'administration ayant été contrainte de produire un agrandissement X 10 ;

- contrairement à ce que soutient l'administration, elle a contesté les termes du courrier de projet d'amende daté du 20 avril 2015 dans le délai d'un mois qui était imparti, puisqu'elle a produit ses observations le 7 mai 2015 ;

- ses agents sont dûment formés au contrôle de la fraude documentaire ;

- à titre subsidiaire : l'amende doit être réduite car d'une part les conditions d'embarquement rendent très difficile le travail de contrôle qui est demandé aux agents de la compagnie et d'autre part, sa bonne foi est avérée.

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des transports ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Moulin-Zys,

- et les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public.

1. Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 6421-2 du code des transports : " Le transporteur ne peut embarquer les passagers pour un transport international qu'après justification qu'ils sont régulièrement autorisés à atterrir au point d'arrivée et aux escales prévues " ; qu'aux termes du 1er alinéa de l'article L. 625-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Est punie d'une amende d'un montant maximum de 5 000 euros l'entreprise de transport aérien ou maritime qui débarque sur le territoire français, en provenance d'un autre Etat, un étranger non ressortissant d'un Etat de l'Union européenne et démuni du document de voyage et, le cas échéant, du visa requis par la loi ou l'accord international qui lui est applicable en raison de sa nationalité. Est punie de la même amende l'entreprise de transport aérien ou maritime qui débarque, dans le cadre du transit, un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne et démuni du document de voyage ou du visa requis par la loi ou l'accord international qui lui est applicable compte tenu de sa nationalité et de sa destination " ; qu'aux termes de l'article L. 625-2 du même code : " Le manquement est constaté par un procès-verbal établi par un fonctionnaire appartenant à l'un des corps dont la liste est définie par décret en Conseil d'Etat. Copie du procès-verbal est remise à l'entreprise de transport intéressée. Le manquement ainsi relevé donne lieu à une amende prononcée par l'autorité administrative compétente. L'amende peut être prononcée autant de fois qu'il y a de passagers concernés. Son montant est versé au Trésor public par l'entreprise de transport. / L'entreprise de transport a accès au dossier et est mise à même de présenter ses observations écrites dans un délai d'un mois sur le projet de sanction de l'administration. La décision de l'autorité administrative, qui est motivée, est susceptible d'un recours de pleine juridiction. / L'autorité administrative ne peut infliger d'amende à raison de faits remontant à plus d'un an " ; enfin, qu'aux termes de l'article L. 625-5 du même code : " Les amendes prévues aux articles L. 625-1 (...) ne sont pas infligées : (...) 2° Lorsque l'entreprise de transport établit que les documents requis lui ont été présentés au moment de l'embarquement et qu'ils ne comportaient pas d'élément d'irrégularité manifeste " ;

2. Considérant qu'il résulte tant de ces dispositions, adoptées en vue de donner leur plein effet aux stipulations de l'article 26 de la convention de Schengen signée le 19 juin 1990, que de l'interprétation qu'en a donnée le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 92-307 DC du 25 février 1992, qu'elles font obligation aux transporteurs aériens de s'assurer, au moment des formalités d'embarquement, que les voyageurs ressortissants d'Etats non membres de la Communauté économique européenne, devenue l'Union européenne, sont en possession de documents de voyage leur appartenant, le cas échéant revêtus des visas exigés par les textes, non falsifiés et valides ; que si ces dispositions n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de conférer au transporteur un pouvoir de police aux lieu et place de la puissance publique, elles lui imposent de vérifier que l'étranger est muni des documents de voyage et des visas éventuellement requis et que ceux-ci ne comportent pas d'éléments d'irrégularité manifeste, décelables par un examen normalement attentif des agents de l'entreprise de transport ; qu'en l'absence d'une telle vérification, le transporteur encourt l'amende administrative prévue par les dispositions précitées ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction et, notamment, du procès-verbal dressé le 25 juillet 2014 à 16h00 par un officier de police judiciaire que MmeA..., de nationalité camerounaise, a débarqué le 25 juillet 2014 sur le territoire français à l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle du vol n° AF 901, en provenance de Yaoundé ; que le procès-verbal dressé dans le cadre du refus d'entrée sur le territoire français, mentionne notamment que la voyageuse est " démunie de visa, le visa présenté étant manifestement contrefait " ;

4. Considérant que la décision du 27 mai 2015 infligeant l'amende litigieuse à la société AIR FRANCE, mentionne, s'agissant des éléments permettant d'avérer la contrefaçon du visa, que l'hologramme n'est pas réactif et ses guillochis manquent de netteté et d'autre part, les lettres de sécurité " EUR " manquent de détail ; que ces éléments sont visibles à l'examen dudit visa, qui a été produit sous forme d'un scan en couleur devant le tribunal administratif ; qu'ainsi le caractère manifeste des éléments frauduleux est établi, les premiers juges n'ayant en outre retenu cette substitution de motifs qu'à titre surabondant ; que la circonstance que l'administration ait souhaité, dans le cadre de la première instance, ajouter la description d'un élément supplémentaire relatif à une faute d'orthographe dans le mot " Schengener " apparaissant dans le titre du visa, est donc sans incidence sur la légalité de cette décision ; et que, dans ces conditions, c'est sans erreur d'appréciation que le ministre de l'intérieur a considéré que la société AIR FRANCE avait méconnu les dispositions de l'article L. 625-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et lui a infligé l'amende prévue au titre des manquements énoncés dans les dispositions des articles précités ;

5. Considérant que si la société AIR FRANCE fait encore valoir que, contrairement à ce que mentionne la décision litigieuse du 27 mai 2015, elle a bien contesté cette décision dans le délai d'un mois qui lui était imparti, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la décision en litige, uniquement fondée sur le caractère manifestement frauduleux du document de voyage présenté par la passagère débarquée par AIR FRANCE ; que d'ailleurs et en tout état de cause, le ministre a précisé qu'il a bien pris connaissance de ces contestations mais, a estimé qu'elles n'étaient pas de nature à remettre en cause l'amende infligée ;

6. Considérant, en dernier lieu, qu'il appartient au juge administratif, saisi d'un recours de pleine juridiction contre la décision infligeant une amende sur le fondement des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de statuer sur le bien-fondé de la décision contestée et de réduire, le cas échéant, le montant de l'amende infligée en tenant compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce ;

7. Considérant que, compte tenu du caractère aisément décelable des irrégularités relevées sur le visa Schengen en question et de l'absence toute autre circonstance particulière, la société AIR FRANCE n'est pas fondée à demander la réduction du montant de l'amende qui lui a été infligée par la décision contestée ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société AIR FRANCE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué n° 1506477 du 1er juin 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que l'ensemble de ses conclusions doit être rejeté ainsi que, par voie de conséquence, celles tendant au versement d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société AIR FRANCE est rejetée.

2

N° 16VE02495


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE02495
Date de la décision : 12/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

49-05-15 Police. Polices spéciales. Police des aérodromes (voir : Transports).


Composition du Tribunal
Président : Mme BESSON-LEDEY
Rapporteur ?: Mme Marie-Cécile MOULIN-ZYS
Rapporteur public ?: Mme ROLLET-PERRAUD
Avocat(s) : AARPI VATIER et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-06-12;16ve02495 ?
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