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07/06/2018 | FRANCE | N°18VE00262-18VE00263

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 07 juin 2018, 18VE00262-18VE00263


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...a demandé au Tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler les décisions par lesquelles le PREFET DES YVELINES a porté le délai de son transfert vers la Belgique à dix-huit mois, a refusé de lui délivrer une attestation de demande d'asile et a refusé d'enregistrer sa demande d'asile en " procédure normale ", d'autre part, d'enjoindre au préfet de la convoquer aux fins d'enregistrement de sa demande d'asile et de lui délivrer l'attestation prévue par les dispositions de l'articl

e L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'as...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...a demandé au Tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler les décisions par lesquelles le PREFET DES YVELINES a porté le délai de son transfert vers la Belgique à dix-huit mois, a refusé de lui délivrer une attestation de demande d'asile et a refusé d'enregistrer sa demande d'asile en " procédure normale ", d'autre part, d'enjoindre au préfet de la convoquer aux fins d'enregistrement de sa demande d'asile et de lui délivrer l'attestation prévue par les dispositions de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de trois jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, enfin, de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, Me B..., la somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1706118 du 8 décembre 2017, le Tribunal administratif de Versailles a, d'une part, annulé la décision par laquelle le PREFET DES YVELINES a " implicitement " porté le délai de transfert vers la Belgique de Mme A...à dix-huit mois et refusé d'enregistrer sa nouvelle " demande d'admission au séjour au titre de l'asile ", d'autre part, enjoint à l'autorité préfectorale d'enregistrer cette demande dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et de délivrer à l'intéressée une attestation de demande d'asile en application des dispositions de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, enfin, mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil, Me B..., de la somme de 1 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 22 janvier 2018 sous le n° 18VE00262, le PREFET DES YVELINES demande à la Cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif.

Il soutient que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que Mme A...ne pouvait être considérée comme ayant pris la fuite au sens des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; en effet, l'intéressée doit être regardée comme s'étant soustraite de manière intentionnelle et systématique à son transfert à destination de la Belgique.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. d'Haëm a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que les requêtes susvisées n° 18VE00262 et n° 18VE00263, présentées par le PREFET DES YVELINES, sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt ;

Sur la requête n° 18VE00262 :

2. Considérant que MmeA..., ressortissante chinoise et originaire du Tibet, née le 11 mai 1987 et entrée en France, selon ses déclarations, le 2 novembre 2016, a présenté, le 29 novembre 2016, une demande d'asile auprès des services de la préfecture des Yvelines ; que la comparaison du relevé décadactylaire de ses empreintes, effectué le même jour, avec le fichier Eurodac a établi qu'elles avaient déjà été relevées le 14 août 2014 par les autorités belges ; que l'autorité préfectorale a saisi, le 19 décembre 2016, ces autorités d'une demande de reprise en charge qui a été acceptée le 21 décembre 2016 ; que, par deux arrêtés du 16 février 2017 notifiés le 28 février suivant, le PREFET DES YVELINES a ordonné le transfert de l'intéressée vers la Belgique et l'a assignée à résidence ; que Mme A...ne s'étant pas présentée le 4 avril 2017 auprès des services de la police aux frontières en réponse à la convocation qui lui avait été adressée à cet effet, l'autorité préfectorale, estimant que l'intéressée avait pris la fuite, a informé, le 14 avril 2017, les autorités belges de ce que le délai prévu à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 était porté à dix-huit mois ; que le PREFET DES YVELINES relève appel du jugement du 8 décembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a annulé sa décision portant prolongation de ce délai de transfert et refusé d'enregistrer sa nouvelle " demande d'admission au séjour au titre de l'asile " ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Le transfert du demandeur (...) de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue (...) au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation (...) de la requête aux fins de (...) reprise en charge de la personne concernée (...). / 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de (...) reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite (...). " ;

4. Considérant que la notion de fuite au sens des dispositions précitées doit s'entendre comme visant notamment le cas où un ressortissant étranger se serait soustrait de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative dans le but de faire obstacle à l'exécution d'une décision de transfert le concernant ; que si le fait pour l'intéressé de ne pas déférer à l'invitation de l'autorité administrative de se présenter aux services de la police aux frontières en vue de l'exécution de cette mesure d'éloignement constitue un indice d'un tel comportement, il ne saurait suffire à lui seul à établir que son auteur ait pris la fuite au sens des dispositions précitées ;

5. Considérant qu'il est constant que MmeA..., assignée à résidence dans les Yvelines et hébergée à Conflans-Sainte-Honorine, ne s'est pas présentée le 4 avril 2017 auprès des services de la police aux frontières, situés à Saint-Cyr-l'Ecole, en réponse à la convocation qui lui a été adressée par une lettre du 27 mars 2017 ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme A...n'a reçu ce courrier que la veille de ce rendez-vous, soit le 3 avril 2017 ; qu'en outre, l'intéressée a fait valoir, sans être contestée sur ce point, que, ne comprenant pas l'objet de cette lettre rédigée en français, langue qu'elle ne maîtrise pas, elle s'est adressée, le 5 avril 2017, à un travailleur social qui lui en a expliqué la teneur et lui a conseillé d'attendre de recevoir une nouvelle convocation afin d'y répondre ; que, de surcroît, il ressort des pièces fournies par le préfet que ce travailleur social a pris attache dès le 6 avril 2017, par téléphone et par courriel, avec les services de la police aux frontières afin de leur faire part de la situation de Mme A... et, en particulier, de ses craintes, en cas de remise aux autorités belges, d'être renvoyée dans son pays d'origine ; que, par ailleurs, l'intéressée n'a fait l'objet ultérieurement d'aucune autre convocation auprès des services de la police aux frontières, ni d'aucune autre diligence de l'administration pour procéder à son transfert vers la Belgique ; qu'enfin, il n'est pas davantage contesté que Mme A..., dont le lieu de résidence effective était connu de l'administration et qui a, au demeurant, respecté les obligations de pointage liées à son assignation à résidence, s'est présentée, le 20 avril 2017, auprès des services de la préfecture des Yvelines afin de faire renouveler son attestation de demande d'asile qui expirait le lendemain, renouvellement qui lui a été refusé ; que, dans ces conditions et alors même que l'intéressée a indiqué, à plusieurs reprises, ne pas vouloir retourner en Belgique, Mme A...ne peut être regardée comme s'étant soustraite de manière intentionnelle et systématique à la décision de transfert la concernant ; que, par suite, en l'absence de tout comportement de fuite de sa part au sens des dispositions précitées, l'autorité préfectorale ne pouvait légalement porter à dix-huit mois le délai prévu pour l'exécution de ce transfert ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DES YVELINES n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a annulé sa décision portant le délai d'exécution du transfert de Mme A...vers la Belgique à dix-huit mois et refusant de reconnaître la France comme Etat responsable de la demande d'asile de l'intéressée, et lui a enjoint de délivrer à Mme A...une attestation de demande d'asile ;

Sur les conclusions de la requête n° 18VE00263 à fin de sursis à exécution :

7. Considérant que la Cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête n° 18VE00262 du PREFET DES YVELINES tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de sa requête n° 18VE00263 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet ; qu'il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête n° 18VE00262 du PREFET DES YVELINES est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 18VE00263 tendant au sursis à l'exécution du jugement n° 1706118 du 8 décembre 2017 du Tribunal administratif de Versailles.

2

N° 18VE00262...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE00262-18VE00263
Date de la décision : 07/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Rudolph D'HAËM
Rapporteur public ?: Mme MEGRET

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-06-07;18ve00262.18ve00263 ?
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