La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/05/2018 | FRANCE | N°16VE01399

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 24 mai 2018, 16VE01399


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...D...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 1er octobre 2014 par laquelle la secrétaire générale de la Haute Autorité de santé a prononcé son changement d'affectation, d'enjoindre à la Haute Autorité de santé, à titre principal, de la réaffecter dans le poste qu'elle occupait antérieurement, dans un délai d'un mois à compter du jugement, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de l'affecter à un poste à temps plein assorti de

réelles attributions et correspondant à sa qualification et de mettre à la charge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...D...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 1er octobre 2014 par laquelle la secrétaire générale de la Haute Autorité de santé a prononcé son changement d'affectation, d'enjoindre à la Haute Autorité de santé, à titre principal, de la réaffecter dans le poste qu'elle occupait antérieurement, dans un délai d'un mois à compter du jugement, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de l'affecter à un poste à temps plein assorti de réelles attributions et correspondant à sa qualification et de mettre à la charge de la Haute Autorité de santé le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1410851 du 11 mars 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés respectivement les 10 mai 2016, 5 septembre 2016 et 23 octobre 2017, Mme D...représentée par Me Grésy, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3° d'enjoindre à la Haute Autorité de santé de produire diverses pièces relatives à la situation de deux autres agents ;

4° d'enjoindre à la Haute Autorité de santé de la réaffecter dans son précédent poste dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

5° de mettre à la charge de la Haute Autorité de santé le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- son changement d'affectation modifie substantiellement la nature de ses fonctions et sa situation administrative ; il entraîne une perte très sensible de responsabilités et un déclassement, comme l'établissent, notamment, la comparaison du nombre et de la nature des tâches effectuées, le niveau de diplôme requis et la circonstance que ses missions ont été finalement refondues dans un ensemble bien plus large à l'occasion de son affectation sur l'emploi de chargé de mission, de catégorie 2, par une décision du 28 septembre 2017 ; il s'agit d'une " mise au placard " ou d'une sanction déguisée, la mesure n'étant pas justifiée par l'intérêt du service mais par la volonté de la sanctionner à raison de prétendus manquements à ses obligations professionnelles ;

- la décision du 1er octobre 2014 n'est pas motivée en fait et en droit ;

- cette mesure a été prise en considération de la personne de sorte qu'elle devait être mise à même de demander la communication de son dossier en application de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle révèle un détournement de procédure.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

- le décret n° 2003-224 du 7 mars 2003 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Camenen,

- les conclusions de Mme Mégret, rapporteur public,

- les observations de MeB..., substituant Me Grésy, pour Mme D...et celles de MeC..., substituant MeE..., pour la Haute Autorité de santé.

1. Considérant que Mme D...a été recrutée en qualité d'agent contractuel à temps complet pour une durée indéterminée afin d'exercer les fonctions de secrétaire, à compter 1er juillet 1999, puis d'assistante de gestion, à compter du 15 mars 2003, par l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé ; qu'elle a été transférée dans le personnel de la Haute Autorité de santé à la suite de la création de cette dernière par la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie et a été affectée, jusqu'au mois d'octobre 2014, au sein du pôle formation ; qu'à la suite de difficultés relationnelles persistantes, constatées notamment dans un courrier de la secrétaire générale de la Haute Autorité de santé du 28 février 2014, Mme D...a été reçue en entretien par cette dernière ainsi que par le responsable du service des ressources humaines et par une représentante du personnel le 3 septembre 2014 ; qu'à la suite d'un courrier de la Secrétaire générale du 1er octobre 2014, Mme D...a fait l'objet d'un changement d'affectation, celle-ci étant dorénavant affectée au poste d'assistante de gestion ressources humaines, en charge du suivi administratif des déclarations d'intérêts des agents permanents et de la déontologie ; qu'elle a contesté la légalité de la décision portant changement d'affectation devant le Tribunal administratif de Montreuil qui a rejeté sa demande comme irrecevable par un jugement du 11 mars 2016 dont elle relève appel ;

2. Considérant que les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours ; qu'il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent perte de responsabilités ou de rémunération ; que le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination, est irrecevable ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, en particulier de la fiche d'évaluation de Mme D...pour l'année 2014, que le changement d'affectation de l'intéressée résultant du courrier du 1er octobre 2014 vise à apaiser le climat de tension existant au sein du pôle formation de la Haute Autorité de santé et constitue une mesure prise, dans l'intérêt du service, en vue de mettre fin à des difficultés relationnelles persistantes avec sa supérieure hiérarchique directe ; qu'ainsi, la nature des faits qui ont justifié cette mesure et l'intention poursuivie par l'administration ne révélant pas, contrairement à ce qui est soutenu, une volonté de sanctionner la requérante, ce changement d'affectation ne présente pas le caractère d'une sanction disciplinaire déguisée ;

4. Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que Mme D...était employée jusqu'au 1er octobre 2014 en qualité d'assistante de la responsable du pôle formation, notamment chargée du suivi administratif et logistique des actions de formation de la Haute Autorité de santé ; qu'elle occupait alors un emploi relevant de la catégorie 3 du décret du 7 mars 2003 fixant les règles applicables aux personnels contractuels de droit public recrutés par certains établissements publics intervenant dans le domaine de la santé publique ou de la sécurité sanitaire, catégorie qui regroupe les agents assurant la mise en oeuvre des orientations et programmes d'établissement ou participant, sous la direction des personnels administratifs, scientifiques et techniques, à l'exécution des travaux confiés à ces derniers ; qu'il n'est pas établi que cet emploi relevait, en réalité, d'une catégorie supérieure notamment aux motifs que Mme D... a obtenu un master 2 en droit social et management au cours des années ayant précédé ce changement, qu'elle aurait assuré l'intérim de sa responsable en cas d'absence de cette dernière ou que les dossiers de formation auraient été répartis entre elles par thèmes ; que le poste d'assistante de gestion ressources humaines chargée du suivi administratif des déclarations d'intérêts des agents permanents et de la déontologie, auquel Mme D...a été affectée à compter du 1er octobre 2014, relève de la même catégorie que celui qu'elle occupait jusque là et ne comporte ainsi aucun déclassement, contrairement à ce que soutient l'intéressée ; qu'en outre, Mme D...ne saurait déduire l'existence de la perte de responsabilités qu'elle invoque de la seule comparaison du nombre des tâches à accomplir dans chacun de ces deux postes, résultant du courrier du 1er octobre 2014 et de la fiche qu'elle produit ; qu'elle ne saurait davantage se prévaloir de la circonstance qu'elle a remplacé un agent à mi-temps thérapeutique pour établir qu'elle subirait une véritable " mise au placard " ; que, par ailleurs, il n'est pas établi que ses nouvelles fonctions seraient sans réel intérêt et ne l'occuperaient pas plus de deux à trois heures par jour lors des pics d'activités ; qu'elles ont en réalité nécessité une adaptation, Mme D... ayant sollicité des formations à cet effet ; qu'enfin, dans un contexte où le respect des règles déontologiques s'avère indispensable pour garantir la qualité des expertises conduites par la Haute Autorité de santé, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette affectation sur le poste d'assistante de gestion ressources humaines privait la requérante de réelles perspectives d'évolution alors, d'ailleurs, qu'elle a été nommée à compter du 1er octobre 2017 dans l'emploi de catégorie 2 de chargée de mission auprès du déontologue ; que, dans ces conditions, son changement d'affectation au 1er octobre 2014, dont il n'est ni démontré ni même soutenu qu'il traduirait une discrimination, n'a entraîné pour MmeD..., ni diminution de ses responsabilités, ni perte de rémunération et est intervenu sans que soit porté atteinte aux droits statutaires ou aux droits et libertés fondamentaux de la requérante ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, alors même que cette mesure de changement d'affectation de MmeD..., a été prise pour des motifs tenant au comportement de celle-ci, elle présente le caractère d'une mesure d'ordre intérieur, qui ne fait pas grief et n'est donc pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il y ait lieu de prescrire avant dire droit la mesure d'instruction sollicitée par MmeD..., que cette dernière n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande comme irrecevable ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ; que, dans les circonstances de l'espèce, les conclusions de même nature présentées par la Haute Autorité de santé peuvent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la Haute Autorité de santé au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

N° 16VE01399 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE01399
Date de la décision : 24/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Affectation et mutation - Affectation.

Procédure - Introduction de l'instance - Décisions pouvant ou non faire l'objet d'un recours - Actes ne constituant pas des décisions susceptibles de recours - Mesures d'ordre intérieur.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Gildas CAMENEN
Rapporteur public ?: Mme MEGRET
Avocat(s) : RABBE

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-05-24;16ve01399 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award