Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'ETAT DE KOWEÏT a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 à 2013, ainsi que des intérêts de retard correspondants d'un montant total de 1 753 713 euros.
Par un jugement n° 1603799 du 10 juillet 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 8 septembre 2017 et 12 février 2018, l'ETAT DE KOWEÏT, représenté par Me B...et MeA..., avocats, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de prononcer la décharge des impositions litigieuses et des intérêts de retard correspondants ;
3° de prononcer la restitution totale de ces impositions et pénalités d'un montant total de 1 753 713 euros au titre des années 2010 à 2013 ;
3° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
L'ETAT DE KOWEÏT soutient que les revenus retirés de sa participation dans la société civile immobilière (SCI) des Champs proviennent d'une activité civile de gestion d'un patrimoine immobilier qui n'est pas de nature commerciale et ne peuvent donc être regardés comme provenant de l'exercice d'une activité lucrative au sens du 1. de l'article 206 du code général des impôts dès lors qu'en exerçant son activité, il poursuit, par définition, une gestion désintéressée ;
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention signée le 7 février 1982 entre la France et le Koweït en matière d'impôts sur le revenu, sur la fortune et sur les successions modifiée ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Campoy,
- les conclusions de Mme Belle, rapporteur public,
- et les observations de Me B...pour l'ETAT DE KOWEÏT.
1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société civile immobilière (SCI) des Champs dont l'ÉTAT DE KOWEIT détient 99,99% du capital, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012 ; qu'à l'issue de ce contrôle, l'ETAT DE KOWEÏT a été assujetti à l'impôt sur les sociétés au titre des années 2010 à 2012 à hauteur respectivement de 1 049 412 euros, 888 993 euros et 1 197 247 euros, à proportion de la part de ses droits dans le capital de cette SCI, l'administration ayant estimé que les revenus qu'il percevait de cette société participaient de l'exercice d'une activité lucrative taxable en France en vertu des dispositions combinées des articles 8, 164 B, 206, 209 et 218 bis du code général des impôts ainsi que des stipulations de l'article 5 de la convention fiscale susvisée du 7 février 1982 ; que ces impositions ont été assorties des intérêts de retard à concurrence de 81 252 euros et de la majoration de 10 % prévue par l'article 1728 du code général des impôts d'un montant de 104 522 euros, ultérieurement dégrevée ; que le service a, par ailleurs, procédé à un contrôle sur pièces à la suite duquel l'ETAT DE KOWEÏT a également été assujetti à l'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2013 à hauteur de 614 945 en droits et de 12 299 euros à titre de pénalités de retard, à raison de sa quote-part des résultats de la SCI des Champs pour cette même année ; que l'ETAT DE KOWEÏT relève appel du jugement du 10 juillet 2017 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'ensemble de ces impositions et pénalités ;
Sur l'application de la loi fiscale :
2. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 206 du code général des impôts : " (...) sont passibles de l'impôt sur les sociétés (...) les établissements publics, les organismes de l'Etat jouissant de l'autonomie financière, les organismes des départements et des communes et toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif. " ; qu'il résulte ces dispositions qu'une activité exercée en France par une personne morale de droit public étrangère n'est pas passible de l'impôt sur les sociétés si cette activité ne relève pas, eu égard à son objet ou aux conditions particulières dans lesquelles elle est exercée, d'une exploitation à caractère lucratif ; que la gestion d'un patrimoine immobilier par une telle collectivité peut constituer une opération à caractère lucratif, même si elle n'a pas de caractère commercial, sans qu'y fasse nécessairement obstacle le caractère, en principe, désintéressé de la gestion de cette collectivité ;
3. Considérant qu'il n'est pas établi, ni du reste allégué, que l'activité consistant à louer des locaux nus à usage de bureaux qu'exerce la SCI des Champs, même si elle procède de la volonté de l'ETAT DE KOWEIT de faire fructifier ses excédents budgétaires et ses biens dans un but d'intérêt général, traduirait l'exercice d'une quelconque activité de service public à caractère administratif, ni même l'exercice, par ce dernier, de prérogatives de puissance publique ; que les conditions dans lesquelles la SCI des Champs effectue ces prestations qui sont, de la sorte, de la nature de celles que d'autres entreprises privées poursuivant un but lucratif sont susceptibles de fournir, ne font pas apparaître que l'ETAT DE KOWEIT aurait entendu se placer en dehors du cadre d'une exploitation à caractère lucratif ; qu'il n'est pas, en particulier, contesté que la location à laquelle se livre la SCI est réalisée dans des conditions similaires à celles dans lesquelles des entreprises privées exercent leur activité, avec des prix pratiqués correspondant aux prix du marché et vis-à-vis d'une clientèle composée de sociétés commerciales ;
4. Considérant que l'Etat du Koweït est ainsi passible de l'impôt sur les sociétés en France à raison des revenus qu'il tire de l'exploitation à laquelle se livre la SCI des Champs, sur le fondement des dispositions précitées du 1 de l'article 206 du code général des impôts ;
Sur l'application de la convention signée le 7 février 1982 entre la France et le Koweït :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la convention précitée : " 1. Au sens de la présente convention, l'expression " résident d'un Etat " désigne : (...) b. en ce qui concerne Koweït, toute personne physique qui est domiciliée à Koweïtet toute société qui y a son siège social et son siège de direction effective, y compris l'Etat de Koweït, ses collectivités locales et ses institutions gouvernementales. " ; qu'aux termes de l'article 5 de cette convention : " 1. Les revenus qu'un résident d'un Etat tire de biens immobiliers (...) situés dans l'autre Etat sont imposables dans cet autre Etat. 2. L'expression " biens immobiliers " a le sens que lui attribue le droit de l'Etat où les biens considérés sont situés. (...) 5. Lorsque la propriété d'actions, parts ou autres droits dans une société ou une autre personne morale donne au propriétaire la jouissance de biens immobiliers situés dans un Etat et détenus par cette société ou cette autre personne morale, les revenus que le propriétaire tire de l'utilisation directe, de la location ou de l'usage sous toute autre forme de son droit de jouissance sont imposables dans cet Etat. " ;
6. Considérant qu'il résulte de ces stipulations que les revenus que L'ETAT DE KOWEIT tire de ses droits dans la SCI des Champs qui exploite des biens immobiliers au sens de la législation fiscale française et qui sont situés en France, doivent être imposés dans ce pays ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ETAT DU KOWEÏT n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'ETAT DE KOWEÏT est rejetée.
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N° 17VE02900