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03/05/2018 | FRANCE | N°16VE01783

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 03 mai 2018, 16VE01783


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Société BONHOM SAS a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la restitution de sa cotisation à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos au

31 décembre 2012 à hauteur de 6 971 632 euros.

Par un jugement n°1411642 du 14 avril 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 juin et 15 décembre 2016, la société BONHOM SAS, représentée par Me N

ouvion, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de prononcer la restitution de l'impos...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Société BONHOM SAS a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la restitution de sa cotisation à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos au

31 décembre 2012 à hauteur de 6 971 632 euros.

Par un jugement n°1411642 du 14 avril 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 juin et 15 décembre 2016, la société BONHOM SAS, représentée par Me Nouvion, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de prononcer la restitution de l'imposition litigieuse ;

3° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle est fondée à déduire de son résultat imposable de l'exercice clos le

31 décembre 2012 l'abandon de créance d'un montant de 19 312 000 euros consenti le

31 mai 2012 à la société espagnole Frans Bonhomme Espana s.l.u. dont elle détient 100% du capital ; cet abandon de créance remplissait les conditions de déduction prévues par la jurisprudence ancienne et constante du Conseil d'Etat antérieure à la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 ; l'apport a été comptabilisé au crédit du compte courant de la société requérante dans la société espagnole et a permis d'apurer par compensation le report à nouveau négatif de la société espagnole ; il s'agit d'une aide à fonds perdus qui n'a pas modifié le montant du capital social et n'a pas donné lieu à émission de titres ; l'abandon de créance n'a pas augmenté le montant de sa participation dans la société espagnole dès lors que la situation nette de cette dernière à la date de clôture de l'exercice est négative ; les dispositions de l'article 17 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 qui ont exclu des charges déductibles les aides consenties à d'autres entreprises sans caractère commercial ont porté à son droit au respect de ses biens une atteinte contraire à l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; la déduction d'une perte du résultat s'analyse comme une " espérance légitime " constitutive d'un " bien " au sens de cet article ; à la date de l'abandon de créance litigieux, la société disposait d'une espérance légitime de bénéficier de la déduction fiscale, eu égard à la jurisprudence ancienne et constante du Conseil d'Etat à cette date ; l'atteinte portée au droit au respect des biens par la loi de finances rectificatives pour 2012 du 16 août 2012 n'est justifiée par aucun motif d'intérêt général ;

- les dispositions de la loi du 16 août 2012 de finances rectificatives pour 2012 méconnaissent l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; les dispositions de l'article 18 de la loi relatives aux moins-values de cession de titres résultant d'apports de créance qui prévoient qu'elles ne s'appliquent qu'aux opérations réalisées à compter du 19 juillet 2012 respectent le droit au respect des biens des entreprises concernées.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chayvialle,

- et les conclusions de Mme Belle, rapporteur public.

1. Considérant que, par décision du 31 mai 2012, la société BONHOM SAS a consenti à la société Frans Bonhomme Espana s.l.u., établie en Espagne, dont elle détenait 100% du capital, un abandon de créance dont la société indique qu'il n'a pas de caractère commercial d'un montant de 19 312 000 euros ; qu'elle a réintégré cette somme à son résultat fiscal pris en compte pour la détermination du résultat d'ensemble du groupe fiscal intégré dont elle est la société mère au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2012, conformément aux dispositions de l'article 39 du code général des impôts dans sa rédaction issue de l'article 17 de la loi du

16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 excluant des charges déductibles les abandons de créance sans caractère commercial ; que, par réclamation du 13 février 2014, elle a demandé la restitution de l'impôt sur les sociétés acquitté au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2012 à hauteur de 6 971 632 euros correspondant à la déduction de son résultat de l'abandon de créance litigieux, au motif que la loi du 16 août 2012, qui a remis en cause la déductibilité de ce dernier, a porté à son droit au respect de ses biens une atteinte contraire à l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par décision du 13 octobre 2014, l'administration fiscale a rejeté cette demande ; que la société BONHOM SAS relève appel du jugement du 14 avril 2016 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande tendant à la décharge de l'imposition litigieuse ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation " ; qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international./ Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. " ; qu'une personne ne peut prétendre au bénéfice de ces stipulations que si elle peut faire état de la propriété d'un bien qu'elles ont pour objet de protéger et à laquelle il aurait été porté atteinte ; qu'à défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir une somme d'argent doit être regardée comme un bien au sens de ces stipulations ;

3. Considérant que la société requérante fait valoir que l'article 17 de la loi du

16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 l'a privée de l'espérance légitime de déduire l'abandon de créance consenti le 31 mai 2012 de son résultat imposable à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2012 ; que si la jurisprudence du Conseil d'Etat résultant notamment de la décision de plénière du 30 avril 1980 n°16253 autorisait une société qui avait apporté son aide à une filiale en difficulté, avec laquelle elle n'entretenait aucune relation commerciale, à déduire cette aide de son résultat imposable à la condition que la situation nette de cette filiale soit négative, il a toutefois été précisé, par la décision du

31 juillet 2009, n°297274, que cette dernière condition devait être appréciée à la date de clôture de l'exercice de la société mère au cours duquel l'aide a été consentie qui est celle du fait générateur de l'impôt ; qu'ainsi, le bénéfice de cette jurisprudence ne pouvant être regardé comme suffisamment certain et établi à la date à laquelle elle a consenti cet abandon de créance, la société requérante ne disposait donc à raison de la jurisprudence du Conseil d'Etat d'aucune espérance légitime de pouvoir déduire l'abandon de créance litigieux de son résultat imposable ; que, par suite, en excluant des charges déductibles du résultat imposable les abandons de créance consentis à d'autres entreprises et dépourvus de caractère commercial, l'article 17 de la loi du

16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 n'a privé la société requérante d'aucune espérance légitime au sens de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a, par suite, pas porté atteinte à un droit garanti par ces stipulations ; que ne pouvant se prévaloir d'un bien dont le respect serait garanti par ces stipulations, la requérante ne peut utilement invoquer celles de l'article 14 de la même convention, qui prohibent les discriminations dans la jouissance des seuls droits et libertés que cette convention reconnaît ;

4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions chiffrées de la requête que la société BONHOM SAS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société BONHOM SAS est rejetée.

2

N° 16VE01783


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE01783
Date de la décision : 03/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net.

Droits civils et individuels - Convention européenne des droits de l'homme - Droits garantis par les protocoles - Droit au respect de ses biens (art - 1er du premier protocole additionnel).


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMHOLTZ
Rapporteur ?: M. Nicolas CHAYVIALLE
Rapporteur public ?: Mme BELLE
Avocat(s) : CABINET NOUVION

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-05-03;16ve01783 ?
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