Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...B...a demandé au Tribunal administratif de Versailles de condamner la commune de Montigny-le-Bretonneux à lui verser les sommes de 41 664,96 euros au titre de la diminution de moitié de ses revenus des mois de janvier 2011 à janvier 2014, de 59 000 euros au titre du préjudice financier lié à son déménagement et de 20 000 euros au titre du préjudice moral résultant du harcèlement moral subi à l'occasion de l'exercice de ses fonctions jusqu'en 2005.
Par un jugement n° 1202087 du 17 juillet 2015, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de MmeB....
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 18 septembre 2015, MmeB..., représentée par Me Poulain, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de condamner la commune de Montigny-le-Bretonneux à lui verser une indemnité d'un montant de 41 664,96 euros au titre de la diminution de moitié de ses revenus des mois de janvier 2011 à janvier 2014, de 59 000 euros au titre du préjudice financier lié à son déménagement et de 20 000 euros au titre du préjudice moral résultant du harcèlement moral subi à l'occasion de l'exercice de ses fonctions jusqu'en 2005 ;
3° de mettre à la charge de la commune de Montigny-le-Bretonneux le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la prescription quadriennale ne peut lui être opposée ;
- elle a subi des faits de harcèlement moral, matérialisés notamment par des dénigrements de la part de la responsable du service petite enfance à la mairie, et d'autres fonctionnaires ; ses compétences ont été remises en cause et elle a fait l'objet d'un rapport administratif négatif dont elle n'a pas obtenu communication ;
- en raison du stress subi dans l'exercice de ses fonctions, son état de santé s'est fortement dégradé, ayant pour effet des problèmes cardiaques, un état dépressif ainsi qu'une situation d'obésité morbide ; l'imputabilité de sa dépression au service a été reconnue par la commune ;
- son avenir professionnel est compromis et elle a été dans l'obligation de vendre sa maison pour s'éloigner de ses sources d'angoisse ;
- la commune ne lui a jamais fait bénéficier de la protection prévue par l'article 11 de la loi du 13 janvier 1983 et aucune mesure n'a été prise pour mettre fin aux diffamations et aux dénigrements dont elle a fait l'objet ;
- le préjudice subi se monte au total à la somme de 120 664,96 euros et porte sur la perte de revenus subie par la diminution de ses salaires entre janvier 2011 et janvier 2014, par le préjudice financier lié à son déménagement et par le préjudice moral subi.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription quadriennale ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pilven,
- les conclusions de M. Errera, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., de la SELAS Confino, pour la commune de Montigny-le-Bretonneux.
1. Considérant que MmeB..., fonctionnaire de catégorie A de la commune de Montigny-le-Bretonneux depuis 1985, a été affectée le 24 mars 2004 en qualité de directrice de la crèche Les Prés ; qu'elle a été placée en congé de maladie ordinaire puis en congé de longue maladie du 25 mai au 24 novembre 2004 puis à compter du 5 septembre 2005 et n'a plus repris par la suite ses fonctions ; que Mme B...a adressé le 29 juillet 2011 à la commune de Montigny-le-Bretonneux une demande préalable d'indemnisation des divers préjudices qu'elle estime avoir subis du fait du harcèlement moral dont elle aurait été victime dans l'exercice de ses fonctions ; que cette demande ayant été implicitement rejetée par la commune, Mme B...a demandé au Tribunal administratif de Versailles la condamnation de la commune de Montigny-le-Bretonneux à lui payer les sommes de 41 664,96 euros au titre de la diminution de moitié de ses revenus des mois de janvier 2011 à janvier 2014, de 59 000 euros au titre du préjudice financier lié à son déménagement et de 20 000 euros au titre du préjudice moral ; que, par un jugement en date du 17 juillet 2015, le tribunal administratif a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions indemnitaires :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. / Les dispositions du présent article sont applicables aux agents non titulaires de droit public " ;
3. Considérant, d'une part, qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
4. Considérant, d'autre part, que, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ; qu'en revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui ; que le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé ;
5. Considérant qu'à la suite de sa prise de fonctions comme directrice de la crèche Les Prés, Mme B...a fait part au directeur des ressources humaines de la commune, dans un rapport établi le 10 mai 2004, d'un sous-effectif en personnel, ne permettant pas à la crèche d'accueillir les enfants dans des conditions satisfaisantes ; qu'elle soutient qu'à la suite du signalement de ces difficultés, les relations avec sa hiérarchie se sont dégradées, qu'elle a fait l'objet de dénigrements ainsi que d'une campagne de discrédit et de dévalorisation de son travail par sa hiérarchie et par certains employés, remettant en cause ses compétences professionnelles et sa capacité à assumer des fonctions de direction, et lui faisant grief de ne pas consacrer assez de temps à son travail en passant une partie de ses horaires de travail à recevoir des soins ; que Mme B...produit, à cet effet, une note du 27 mai 2004, dans laquelle la responsable du service petite enfance de la mairie porte des critiques multiples sur la requérante, en faisant valoir que cette dernière n'assume pas ses fonctions et qu'elle est entrée dans une logique d'affrontement, et déplore ses absences, sa volonté de nuire et sa tendance à amplifier les difficultés ; que, toutefois, ce document, même s'il tend à discréditer l'action de MmeB..., ne permet pas, à lui seul, d'établir que des actions de dénigrement auraient eu un caractère répétitif ; que, par ailleurs, la requérante ne produit aucun document ou témoignage indiquant que d'autres personnes que la responsable du service petite enfance auraient commis de tels agissements visant à remettre en cause de manière très critique son travail ; qu'il ressort au contraire des pièces du dossier que l'absence de personnel a été prise en compte par la commune de Montigny-le-Bretonneux, tel que cela ressort d'une note du 27 mai 2004, et que des réunions ont été organisées entre la requérante et ses supérieurs hiérarchiques en avril et mai 2004 pour établir un bilan des difficultés en personnel rencontrées au sein de la crèche et que la commune a décidé de procéder à des recrutements en urgence de personnel pour permettre à la crèche de retrouver un fonctionnement normal ; qu'en outre, si la requérante fait mention d'un rapport défavorable à son encontre adressé à son médecin expert le 19 août 2005, il ressort des pièces du dossier que la commission d'accès aux documents administratifs a émis à un avis défavorable à la communication de ce document en raison des nombreuses appréciations portées sur des tiers ; que la circonstance que la requérante ait connu une dégradation de son état de santé, qui a été reconnue imputable au service par la commune de Montigny-le-Bretonneux par courrier du
9 janvier 2007, ne suffit pas à établir que cette dégradation aurait pour cause des faits de harcèlement moral alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B...aurait fait l'objet de mise à l'écart, d'une privation de ses moyens de travail ou d'un dénigrement répété par ses supérieurs hiérarchiques ou par ses collègues ; que, dès lors, il n'est pas établi, au vu des pièces produites, que la requérante aurait fait l'objet d'agissements qualifiables de harcèlement moral au sens de de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté (...) " ;
7. Considérant, comme mentionné au point 5, qu'en l'absence d'agissements qualifiables de harcèlement moral à son encontre, Mme B...ne peut se prévaloir d'une absence d'action de la commune visant à y mettre fin, alors que, par ailleurs, la commune a pris des mesures permettant de faire face au déficit en personnel de la crèche Les Prés à compter de mai 2004 ; que sa demande de réparation des préjudices subis qu'elle impute à des faits de harcèlement moral ne peut ainsi qu'être rejetée ;
8. Considérant qu'en outre, le préjudice lié à la perte de revenus à compter de son placement à mi-traitement à compter de septembre 2010 n'est que la conséquence de son placement en congé de longue maladie à partir du mois de septembre 2005 ; que, par ailleurs, si sa maladie a été reconnue imputable au service par la commune, Mme B...ne présente aucune pièce justificative établissant un lien de causalité entre son état de santé et le déménagement qu'elle a effectué entre Montigny-le-Bretonneux et sa nouvelle résidence dans le sud de la France ; qu'enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier, et au vu des éléments mentionnés au point 5, que Mme B...ait subi un préjudice moral imputable à la commune, en l'absence de faute de cette dernière ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'exception de prescription quadriennale opposée par la commune de Montigny-le-Bretonneux, que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes tendant à l'indemnisation des préjudices subis pour un montant total de 120 664,96 euros ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que la commune de Montigny-le-Bretonneux n'étant pas la partie perdante, les conclusions de Mme B...tendant à ce qu'une somme soit mise à sa charge sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B...une somme à verser à la commune de Montigny-le-Bretonneux en application de ces
dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Montigny-le-Bretonneux tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 15VE02978