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15/03/2018 | FRANCE | N°16VE00267

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 15 mars 2018, 16VE00267


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de condamner l'Etat à lui verser la somme de 43 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de fautes commises par l'administration dans le traitement de sa situation.

Par un jugement n° 1411134 en date du 27 novembre 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement le 27 janvier 2016 et le 31 janvi

er 2018, M.A..., représenté par Me Guillon, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de condamner l'Etat à lui verser la somme de 43 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de fautes commises par l'administration dans le traitement de sa situation.

Par un jugement n° 1411134 en date du 27 novembre 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement le 27 janvier 2016 et le 31 janvier 2018, M.A..., représenté par Me Guillon, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 26 486,12 euros en réparation du préjudice moral résultant de la situation de harcèlement moral dont il a été victime, de l'atteinte à sa réputation et du préjudice financier résultant de l'illégalité fautive de son changement d'affectation ;

3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il a été victime d'actes de harcèlement moral ; en effet, il a été la cible d'accusations mensongères de la part d'élèves et de rumeurs de la part de l'adjointe de la principale du collège où il était affecté ; la principale a également proféré des accusations à son encontre auprès de l'inspecteur d'académie ; il a, en outre, fait l'objet d'accusations mensongères de harcèlement moral de la part d'un collègue et d'agression verbale de la part de plusieurs collègues qui ont rédigé un rapport à la demande de la principale ; il a fait l'objet de pressions afin qu'il demande un changement d'affectation ; ce changement d'affectation doit être regardé comme une sanction disciplinaire déguisée, constitutive d'un acte de harcèlement moral ; il en est de même du rejet de sa demande de protection fonctionnelle ; enfin, des pièces ont été retirées de son dossier administratif ; il est fondé à solliciter la somme de 15 000 euros en indemnisation du préjudice moral résultant de ce harcèlement ;

- dès lors qu'il a été porté atteinte à sa réputation, il est fondé à solliciter une somme de 5 000 euros à ce titre ;

- il a fait l'objet d'une mutation constitutive d'une sanction déguisée et n'a pas bénéficié des garanties procédurales auxquelles il avait droit ; en effet, il n'a demandé sa mutation que parce qu'il lui a été enjoint de le faire ; il n'a pas été invité à consulter son dossier en méconnaissance de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 ; la mutation n'a pas été décidée dans l'intérêt du service ; l'arrêté n'a pas été signé et, en tout cas, ne l'a pas été par une personne justifiant d'une délégation de signature ; il a subi du fait de ce changement d'affectation un préjudice financier correspondant à la perte de l'indemnité de sujétion spéciale au titre de son affectation en zone d'éducation prioritaire, soit la somme de 6 486, 12 euros.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l'exercice 1905, et notamment son article 65 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Van Muylder,

- les conclusions de Mme Mégret, rapporteur public,

- et les observations de Me Guillon, pour M.A....

Vu la note en délibéré, enregistrée le 22 février 2018, présentée pour M.A....

1. Considérant que M.A..., professeur d'éducation physique et sportive, était affecté depuis 2006 au collège Henri Wallon à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne) ; qu'il a sollicité, le 25 mai 2011, sa mutation et a été affecté à compter du 1er septembre 2011 au lycée Marx Dormoy à Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne) en affectation principale et au lycée Hector Berlioz à Vincennes (Val-de-Marne) en affectation secondaire ; qu'il a adressé le 24 juillet 2014, au ministre de l'éducation nationale puis au recteur de l'académie de Créteil, le 10 juillet 2015, une demande indemnitaire préalable, estimant avoir subi des actes de harcèlement moral, une atteinte à sa réputation et une mutation d'office ; qu'il relève appel du jugement en date du 27 novembre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité en réparation des préjudices résultant du harcèlement moral, de l'atteinte à sa réputation et de la mutation illégale dont il soutient avoir fait l'objet ;

Sur les conclusions tendant à la réparation des préjudices résultant d'un harcèlement moral :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 susvisée portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction alors applicable : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés (...). " ;

3. Considérant, d'une part qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

4. Considérant, d'autre part, que, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ; qu'en revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui ; que le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé ;

5. Considérant, en premier lieu, que M. A...fait valoir qu'il a été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de la part de la principale du collège Henri Wallon où il était affecté, laquelle a rédigé un rapport adressé à l'adjointe au directeur des ressources humaines du rectorat de l'académie de Créteil en date du 28 avril 2011 relayant des accusations mensongères proférées à son encontre et mentionnant un incident avec deux élèves qui était pourtant clos ; qu'il soutient avoir également été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de la part de collègues, de la gestionnaire et de la principale adjointe du collège ;

6. Considérant, toutefois, que si le rapport de la principale du collège daté du 28 avril 2011 mentionne que deux élèves se sont plaintes, le 1er février 2010, de ce que M. A...entrait dans les vestiaires des filles sans frapper à la porte préalablement, il précise cependant que M. A...et les deux élèves ont immédiatement été reçus, qu'il est apparu qu'il s'agissait d'un malentendu et que l'incident a été clos ; que, par ailleurs, il résulte de l'instruction et, notamment, de ce rapport ainsi que des comptes rendus qui y sont annexés, qu'un professeur s'est plaint le 6 avril 2011 de subir de la part du requérant un harcèlement moral constant ; que la circonstance que la principale du collègue ait fait état de cette plainte dans des termes au demeurant réservés et mesurés, n'est pas constitutif d'un acte de harcèlement moral ; que, par ailleurs, M. A...n'apporte aucun élément permettant de remettre en cause le caractère probant et concordant des témoignages de la gestionnaire du collège et de la principale adjointe concernant des propos à connotation sexuelle qu'il aurait tenus ; que, de même, l'attestation de deux professeurs présents lors du repas de fin d'année ne permet pas de tenir pour mensonger le témoignage d'un professeur qui s'est senti agressé verbalement par le requérant ; qu'eu égard aux termes et aux mentions de son rapport et alors qu'il lui incombait d'informer sa hiérarchie des difficultés survenues dans l'établissement, la principale du collège n'a pas excédé ses pouvoirs en relatant à l'adjointe au directeur des ressources humaines du rectorat l'ensemble de ces témoignages révélant des difficultés relationnelles de M. A...avec une partie du personnel du collège alors même que plusieurs professeurs, une association de parents d'élèves et le personnel du gymnase municipal attestent du sérieux et des qualités relationnelles du requérant ; que la principale du collège n'a pas plus excédé son pouvoir hiérarchique en informant l'inspecteur d'académie, inspecteur pédagogique régional, le 30 novembre 2010 lors de l'inspection de M.A..., des relations tendues qui existaient entre le requérant et sa hiérarchie ; qu'enfin, les échanges sur un réseau social entre des collègues de M.A..., qui ne mentionnent pas son nom, ne peuvent être regardés comme constitutifs d'un agissement de harcèlement moral à son encontre ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que M. A...fait valoir qu'il a subi des pressions pour présenter une demande de mutation lors d'un entretien tenu le 23 mai 2011 au rectorat en présence de la principale du collège, de l'inspecteur d'académie et de l'adjointe au directeur des ressources humaines du rectorat ; que, toutefois, il ressort des termes mêmes de la demande de M. A...datée du 25 mai 2011 que ce dernier a décidé de " demander " une nouvelle affectation pour l'année scolaire 2011/2012 quand bien même il a indiqué n'avoir guère d'autres choix eu égard aux tensions régnant dans le service ; que, si la demande de mutation de M. A...a pu être regardée par tous comme une solution d'apaisement pour l'ambiance de travail au sein du collège, il ne résulte pas en revanche de l'instruction que M. A...aurait subi des pressions telles que sa demande de mutation ne pourrait être regardée comme ne résultant pas de sa propre décision ;

8. Considérant, enfin, que M. A...soutient qu'un document annexé au rapport de la principale du collège aurait été retiré de son dossier individuel ; que, toutefois, à supposer que ce document, qui aurait contenu un témoignage défavorable à son encontre, ait été versé puis retiré du dossier individuel de M.A..., cette circonstance ne peut être regardée comme constitutive d'un acte de harcèlement moral ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les éléments de fait apportés par M. A... ne permettent pas de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral de la part de ses supérieurs hiérarchiques ou de ses collègues ; qu'il n'est, dès lors, pas fondé à rechercher la responsabilité de l'administration de ce chef ;

Sur les conclusions tendant à la réparation des préjudices résultant d'une atteinte à la réputation du requérant :

10. Considérant, d'une part, que M. A...produit une lettre de soutien signée par huit professeurs qui évoquent l'existence du rapport de la principale du collège du 28 avril 2011 ; que, toutefois, M. A...n'établit ni que l'administration aurait procédé à la diffusion dudit rapport ni qu'elle aurait porté atteinte à sa réputation en laissant se développer au sein de l'établissement des rumeurs à son encontre ; que, d'autre part, M. A...n'établit pas que la principale du collège, qui l'a immédiatement reçu après les plaintes des deux élèves et l'a très rapidement mis hors de cause, aurait porté atteinte à sa réputation lors de cet incident ; qu'enfin, il appartenait à la principale de mentionner à l'inspecteur d'académie, en mission d'inspection, la qualité des relations que M. A...entretenait avec l'administration du collège ; que, dans ces conditions, M. A...n'est pas fondé à soutenir que l'administration aurait porté atteinte à sa réputation et ainsi commis une faute de nature à lui ouvrir droit à réparation ;

Sur les conclusions tendant à la réparation des préjudices résultant de l'illégalité de la mutation :

11. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service, les affectations prononcées doivent tenir compte des demandes formulées par les intéressés (...) " ; qu'aux termes de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 susvisée : " Tous les fonctionnaires civils et militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, soit avant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'un déplacement d'office, soit avant d'être retardés dans leur avancement à l'ancienneté " ;

12. Considérant que M. A... soutient qu'il a fait l'objet d'une mutation d'office, constitutive d'une sanction, à compter du 1er septembre 2011 sans avoir été invité à consulter son dossier en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 ;

13. Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction que la mutation de M. A...est intervenue à sa demande ; que si l'intéressé soutient qu'il n'a présenté cette demande qu'en raison des pressions qu'il aurait subies de la part de l'administration, il ne l'établit pas, ainsi qu'il a été dit au point 7 ; qu'en particulier, si, à l'occasion de son rapport du 28 avril 2011, la principale du collège Henri Wallon a demandé aux services académiques de proposer au requérant, voire de lui imposer, un changement d'établissement et si le requérant a été invité à présenter une demande de changement d'affectation, il ne résulte pas, en revanche, de l'instruction que M. A...aurait agi sous l'effet d'une contrainte insurmontable de nature à le priver de son libre arbitre ; que, dès lors, la décision faisant droit à sa demande ne présente pas le caractère d'une mutation d'office, ni n'est constitutive d'une sanction ; que, par suite, M. A...n'est pas fondé à soutenir que sa mutation est illégale pour être intervenue en méconnaissance de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 ;

14. Considérant, en second lieu, que M. A...ne justifie pas de l'existence d'un préjudice résultant de l'absence de signature sur l'ampliation de l'arrêté l'affectant au 1er septembre 2011 ;

15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander une indemnisation au titre de l'illégalité de sa mutation au 1er septembre 2011 ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

2

N° 16VE00267


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE00267
Date de la décision : 15/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Affectation et mutation.

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Garanties et avantages divers.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: Mme Céline VAN MUYLDER
Rapporteur public ?: Mme MEGRET
Avocat(s) : SELURL GUILLON

Origine de la décision
Date de l'import : 20/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-03-15;16ve00267 ?
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