Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...a demandé au président du Tribunal administratif de Versailles d'annuler les décisions en date du 2 août 2016 par lesquelles le préfet de l'Essonne a ordonné son transfert aux autorités hongroises en vue du traitement de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence.
Par un jugement n° 1605655 du 8 août 2016, le magistrat désigné du Tribunal administratif de Versailles a fait droit à sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par un recours et un mémoire complémentaire, enregistrés les 5 septembre 2016 et 5 juillet 2017, le PREFET DE L'ESSONNE demande à la Cour d'annuler ce jugement.
Le PREFET DE L'ESSONNE soutient que :
S'agissant de la décision de remise aux autorités hongroises :
- la décision attaquée est signée par une autorité compétente ;
- elle est suffisamment motivée ;
- la procédure contradictoire a été respectée et tous les droits du requérant lui ont été notifiés et ont été respectés, notamment son droit d'être entendu de manière individuelle préalablement à l'adoption de la mesure contestée ; le défaut de remise d'une brochure spécifique au règlement Eurodac ne prive l'étranger d'aucune garantie ; en tout état de cause le requérant a reçu une information complète relative aux empreintes digitales et à leur utilisation ; il n'a donc pas méconnu l'article 5 du règlement (UR) n°604-2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- la situation individuelle de l'intéressé a été examinée ;
- il n'a pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Hongrie ne présente pas de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile ; il n'a pas méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision d'assignation à résidence :
- la décision attaquée est signée par une autorité compétente ;
- elle est suffisamment motivée ;
- elle n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de l'intéressé.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 343/2003 du Parlement européen et du Conseil du
18 février 2003 ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bruno-Salel a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.B..., ressortissant de la République démocratique du Congo né le 28 août 1984, a présenté une demande d'asile le 29 décembre 2015 auprès de la préfecture de l'Essonne ; que l'examen du fichier Eurodac a permis d'établir que les empreintes de l'intéressé avaient été relevées en Grèce le 17 juillet 2015 et en Hongrie le 20 septembre 2015 ; que le préfet de l'Essonne demande l'annulation du jugement du 8 août 2016 par lequel le magistrat désigné du Tribunal administratif de Versailles a annulé ses décisions en date du 2 août 2016 ordonnant le transfert de M. B...aux autorités hongroises en vue du traitement de sa demande d'asile et l'assignant à résidence ;
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. Considérant que, pour annuler les décisions litigieuses, le magistrat désigné du tribunal a estimé qu'il existait en Hongrie des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs entraînant un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; qu'il en a déduit que les décisions litigieuses avait été prises en méconnaissance du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. (...) Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat " et qu'aux termes de L. 742-3 du même code : " (...) l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. (...) " ;
4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; qu'aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " (....) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable " ;
5. Considérant qu'il résulte des dispositions citées aux points 3 et 4 que, si un État membre de l'Union européenne appliquant le règlement dit " Dublin III " est présumé respecter ses obligations découlant de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, cette présomption est susceptible d'être renversée en cas de défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'État membre en cause, exposant ceux-ci à un risque de traitement inhumain ou dégradant prohibé par les stipulations de ce même article ; qu'en application des dispositions précitées du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, il appartient au juge administratif de rechercher si, à la date d'édiction de la décision litigieuse et eu égard aux éléments produits devant lui et se rapportant à la procédure d'asile appliquée dans l'Etat membre initialement désigné comme responsable au sens de ces dispositions, il existait des motifs sérieux et avérés de croire qu'en cas de remise aux autorités de ce même Etat membre du demandeur d'asile, ce dernier n'aurait pu bénéficier d'un examen effectif de sa demande d'asile, notamment en raison d'un refus opposé à tout enregistrement des demandes d'asile ou d'une incapacité structurelle à mettre en oeuvre les règles afférentes à la procédure d'asile, ou si la situation générale du dispositif d'accueil des demandeurs d'asile dans ce même Etat était telle qu'un renvoi à destination de ce pays aurait exposé l'intéressé, de ce seul fait, à un risque de traitement prohibé par l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
6. Considérant, d'une part, que M. B...se prévaut, au soutien de son moyen tiré de l'existence de défaillances systémiques en Hongrie, de l'ouverture en 2015 par la Commission européenne d'une procédure d'infraction à l'encontre de ce pays, notamment fondée sur le motif tiré de ce que les demandeurs d'asile ne pouvaient pas présenter, à l'appui d'un recours, des faits et circonstances nouveaux, le droit d'exercer un recours effectif devant un tribunal impartial étant ainsi méconnu ; qu'il se réfère également à un rapport d'Amnesty international d'octobre 2015, à un rapport du haut-commissariat aux réfugiés des Nations-Unies de mars 2016 et à des articles d'organismes non gouvernementaux qui font état de mesures prises par le gouvernement hongrois visant à maintenir les réfugiés et les migrants hors du territoire et à faciliter leur réacheminement vers la Serbie ou dans leur pays d'origine ; qu'il produit en outre des prises de position du défenseur des droits selon lesquelles les demandes d'asile déposées par les personnes renvoyées en Hongrie en application du règlement " Dublin III " ne sont généralement pas examinées au fond en raison de l'application de la notion de pays tiers sûr, exposant les demandeurs d'asile à un risque très élevé de refoulement vers d'autres pays, notamment la Serbie ; que, toutefois, ainsi que le relève le PREFET DE L'ESSONNE à l'appui de son appel, la procédure engagée au sujet de la Hongrie par la Commission européenne n'a pas donné lieu à ce stade à l'ouverture d'une procédure contentieuse devant la Cour de justice de l'Union européenne ; qu'en outre, les conditions appliquées aux migrants interpellés sur le territoire hongrois à proximité immédiate de la frontière serbe sont distinctes de celles qui sont appliquées aux demandeurs d'asile qui, à l'instar du requérant, sont renvoyés en Hongrie depuis un autre Etat membre de l'Union européenne en application du règlement dit " Dublin III " ; que les positions adoptées vis-à-vis des autorités hongroises par les gouvernements de divers Etats membres de l'Union européenne, ainsi que les critiques soulevées par le requérant à l'encontre du caractère restrictif de la législation applicable en Hongrie en matière d'asile et des conditions d'accueil que ce pays réserve aux demandeurs d'asile ne sont pas, à elles seules, de nature à renverser la présomption mentionnée au point 5, faute de manifester soit un refus qu'opposeraient les autorités hongroises à tout enregistrement des demandes d'asile, soit une incapacité structurelle de ces mêmes autorités d'examiner effectivement ces demandes, en méconnaissance de la convention de Genève de 1951 ;
7. Considérant, d'autre part, que si M. B...se plaint d'avoir subi de mauvais traitements de la part de la police lors de son entrée sur le territoire hongrois, il n'apporte aucun justificatif relatif aux conditions de son séjour en Hongrie susceptible d'établir qu'il serait personnellement exposé, en cas de transfert vers ce pays dans le cadre de la décision contestée, à un risque de traitement prohibé par l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ou l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 6 et 7 que les éléments avancés par M. B...ne sont pas de nature à faire naître de sérieuses raisons de croire qu'existeraient dans la procédure d'asile susceptible de lui être appliquée en Hongrie des défaillances systémiques, au sens du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement du 26 juin 2013 mentionné ci-dessus, aptes à renverser la présomption mentionnée au point 5 ; qu'ainsi, le PREFET DE L'ESSONNE est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné du Tribunal administratif de Versailles s'est fondé sur ce motif pour annuler les décisions attaquées ;
9. Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant la juridiction administrative ;
Sur les autres moyens soulevés par M. B...devant la juridiction administrative :
10. Considérant qu'aux termes de l'article 7 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Hiérarchie des critères : 1. Les critères de détermination de l'État membre responsable s'appliquent dans l'ordre dans lequel ils sont présentés dans le présent chapitre. / 2. La détermination de l'État membre responsable en application des critères énoncés dans le présent chapitre se fait sur la base de la situation qui existait au moment où le demandeur a introduit sa demande de protection internationale pour la première fois auprès d'un État membre. (...) " ; qu'aux termes de l'article 13 de ce même règlement : " 1. Lorsqu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, du présent règlement, notamment des données visées au règlement (UE) n° 603/2013, que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un État membre dans lequel il est entré en venant d'un État tiers, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière. / 2. Lorsqu'un État membre ne peut pas, ou ne peut plus, être tenu pour responsable conformément au paragraphe 1 du présent article et qu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, que le demandeur qui est entré irrégulièrement sur le territoire des États membres ou dont les circonstances de l'entrée sur ce territoire ne peuvent être établies a séjourné dans un État membre pendant une période continue d'au moins cinq mois avant d'introduire sa demande de protection internationale, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. / Si le demandeur a séjourné dans plusieurs États membres pendant des périodes d'au moins cinq mois, l'État membre du dernier séjour est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. " ;
11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les empreintes digitales de M. B... ont été enregistrées pour la première fois en Grèce le 17 juillet 2015, après son franchissement irrégulier de la frontière extérieure de l'Union européenne ; qu'en application du 1. de l'article 13 du règlement du 26 juin 2013, la Grèce est en principe l'Etat responsable de l'examen de sa demande de protection internationale ; que si, en faisant valoir que M. B...a séjourné en dernier lieu en Hongrie où ses empreintes digitales ont été relevées le 20 septembre 2015, le PREFET DE L'ESSONNE a entendu se prévaloir que ce que cet Etat serait, en application du 2. de l'article 13 du règlement du 26 juin 2013, devenu responsable de l'examen de la demande de protection internationale, il n'établit ni même n'allègue que l'intéressé y aurait séjourné pendant une période continue d'au moins cinq mois avant d'introduire sa demande de protection internationale ; qu'ainsi, et nonobstant la circonstance que les autorités hongroises ont implicitement accepté la réadmission de M.B..., ce dernier est fondé à soutenir que la Hongrie n'est pas responsable de sa demande d'asile et à demander, pour ce motif, l'annulation de la décision attaquée prononçant son transfert vers ce pays ainsi que, par voie de conséquence, la décision du même jour l'assignant à résidence ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE L'ESSONNE n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a annulé ses décisions du 2 août 2016 ;
Sur les conclusions de M. B...tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
13. Considérant que M. B...n'a pas sollicité le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que son avocat ne peut ainsi se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; que, par suite, les conclusions de Masevo Nzita tendant à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à Me A...en application de ces dispositions ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le recours du PREFET DE L'ESSONNE est rejeté.
Article 2 : Les conclusions de M. B...tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
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N° 16VE02850
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