Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Essonne a demandé, dans le cadre d'une instance introduite par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), devant le Tribunal administratif de Versailles, la condamnation du centre hospitalier d'Arpajon et de la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) à lui verser la somme de 68 545,52 euros, avec intérêts de droit, au titre des prestations versées à MmeB..., ainsi que les prestations non connues susceptibles d'être servies ultérieurement.
Par un jugement n° 1102988 du 6 juillet 2015, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de la CPAM de l'Essonne.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 21 et 30 septembre 2015, le 26 octobre 2015 et le 2 décembre 2016, la CPAM de l'Essonne, représentée par Me Gatineau, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande ;
2° de condamner le centre hospitalier d'Arpajon et la SHAM à lui verser la somme de 68 545,52 euros, avec intérêts de droit, au titre des prestations versées à MmeB..., ainsi que les prestations non connues à ce jour susceptibles d'être servies ultérieurement ;
3° de mettre à la charge du centre hospitalier d'Arpajon et de la SHAM le versement d'une somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La CPAM de l'Essonne soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce que les premiers juges, qui ont retenu la fin de non recevoir soulevée en défense tirée du défaut de qualité pour agir du signataire de son mémoire, ne lui ont pas laissé un délai suffisant d'au moins 15 jours pour y répondre et justifier de ce que le signataire disposait bien, par décision du 11 septembre 2012, d'une délégation à cet effet ;
- le centre hospitalier d'Arpajon a commis des fautes dans la prise en charge médicale de Mme B...du fait d'un défaut de diagnostic, d'un défaut d'ostéosynthèse initial et secondaire et d'un défaut de mise en place d'une prothèse ;
- le rapport de cause à effet entre la mauvaise prise en charge de Mme B...et les frais médicaux, pharmaceutiques, d'appareillage dès la reprise chirurgicale le 20 février 2007 puis les hospitalisations à partir du 21 mars 2007 est établi par l'attestation de son médecin conseil.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Besson-Ledey,
- et les conclusions de Mme Orio, rapporteur public.
1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme A...B..., alors âgée de 63 ans, a été admise aux urgences du centre hospitalier d'Arpajon le 18 février 2007 à la suite d'une chute ayant provoqué un traumatisme de l'épaule droite, avec fracture céphalo-tubérositaire comminutive ; qu'elle a été opérée le 19 février pour traitement de sa fracture par ostéosynthèse par clou télégraphe, puis reprise chirurgicalement le lendemain en raison de la malposition du clou télégraphe et d'une insuffisance de réduction ; qu'elle a quitté l'hôpital le 26 février 2007 mais, se plaignant de douleurs très importantes de l'épaule, elle a de nouveau été opérée à la clinique des Charmilles du 21 au 28 mars 2007 pour ablation du clou télégraphe et mise en place d'une prothèse humérale simple ; qu'elle a ensuite été hospitalisée dans le service de rééducation au Moulin de Viry du 17 avril au 22 juin 2007 ; qu'elle a dû subir une nouvelle opération à la clinique des Charmilles le 10 octobre 2007 au cours de laquelle la prothèse mise en place a été changée et repositionnée plus basse, ainsi qu'une nouvelle hospitalisation en rééducation au Moulin de Viry du 16 octobre 2007 au 17 janvier 2008 ; qu'elle a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CRCI) d'Ile-de-France qui, dans son avis du 2 février 2009, a estimé que la responsabilité du centre hospitalier d'Arpajon devait être retenue au titre des manquements de l'équipe chirurgicale dans la prise en charge de son traumatisme, ouvrant droit à la réparation des préjudices qui en découlent dans la limite de 50 % ; qu'aucune proposition d'indemnisation ne lui ayant été adressée dans le délai de quatre mois prévu par l'article L. 1142-14 du code de la santé publique, Mme B...a saisi l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales d'une demande de substitution en application de l'article L. 1142-15 du code de santé publique, lequel lui a fait une offre d'indemnisation qu'elle a acceptée ; que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales a alors adressé une réclamation préalable à la SHAM, puis au centre hospitalier d'Arpajon pour obtenir le remboursement des sommes versées à MmeB... ; qu'en l'absence de réponse, l'Office a saisi le Tribunal administratif de Versailles d'une demande en condamnation du centre hospitalier d'Arpajon et de la SHAM à lui rembourser les sommes en cause ; que, dans le cadre de cette instance, la CPAM de l'Essonne a présenté des conclusions en condamnation du centre hospitalier d'Arpajon et de la SHAM à lui rembourser les débours qu'elle a exposés pour MmeB... ; que, par un jugement du 6 juillet 2015, le Tribunal administratif de Versailles a, d'une part, condamné solidairement le centre hospitalier d'Arpajon et la société hospitalière d'assurances mutuelles à verser à l'ONIAM la somme de 20 797 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 février 2011 et de la capitalisation de ces intérêts échus à la date du 22 février 2012 puis à chaque échéance annuelle, en remboursement des sommes versées à Mme B...en réparation des préjudices subis par cette dernière résultant des fautes médicales commises par le centre hospitalier d'Arpajon et, d'autre part, rejeté les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne tendant à la condamnation du centre hospitalier d'Arpajon et de la société hospitalière d'assurances mutuelles au remboursement des débours qu'elle a exposés pour MmeB... ; que, par la présente instance, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposées ou adressées au greffe./ La requête, le mémoire complémentaire et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6./ Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux " ; qu'aux termes de l'article R. 613-2 de ce code : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis le mentionne (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 613-3 : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction " ; qu'enfin, aux termes de l'article R. 613-4 du même code : " Le président de la formation de jugement peut rouvrir l'instruction par une décision qui n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours. Cette décision est notifiée dans les mêmes formes que l'ordonnance de clôture. / La réouverture de l'instruction peut également résulter d'un jugement ou d'une mesure d'investigation ordonnant un supplément d'instruction (...) " ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, l'affaire étant inscrite à la séance du 3 juin 2015, la date de clôture de l'instruction était fixée, en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative, compte tenu de l'absence d'ordonnance du président de la formation de jugement fixant une autre date de clôture, au 31 mai 2015 ; que le centre hospitalier d'Arpajon et la société hospitalière d'assurances mutuelles ont produit un mémoire en défense le 26 mai 2015 qui a été communiqué le 29 mai, soit l'avant veille de la clôture d'instruction avec un délai de 30 jours pour y répliquer ; que le Tribunal administratif de Versailles, qui n'a pas renvoyé l'affaire, a rejeté les conclusions de la CPAM en se fondant sur le mémoire en défense du centre hospitalier d'Arpajon et de la société hospitalière d'assurances mutuelles auquel, en raison de l'intervention de la clôture de l'instruction, elle n'a pas pu répliquer ; qu'il a ainsi méconnu le caractère contradictoire de la procédure ; que la CPAM de l'Essonne est, dès lors, fondée à demander l'annulation de l'article 5 du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions en remboursement de ses débours ;
4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la CPAM de l'Essonne devant le Tribunal administratif de Versailles ;
Sur la fin de non-recevoir soulevée en première instance par le centre hospitalier d'Arpajon et la société hospitalière d'assurances mutuelles :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 122-1 du code de la sécurité sociale : " Tout organisme de sécurité sociale est tenu d'avoir un directeur général ou un directeur et un agent comptable. / (...) Le directeur général ou le directeur décide des actions en justice à intenter au nom de l'organisme dans les matières concernant les rapports dudit organisme avec les bénéficiaires des prestations, les cotisants, les producteurs de biens et services médicaux et les établissements de santé, ainsi qu'avec son personnel, à l'exception du directeur général ou du directeur lui-même. Dans les autres matières, il peut recevoir délégation permanente du conseil ou du conseil d'administration pour agir en justice. Il informe périodiquement le conseil ou le conseil d'administration des actions qu'il a engagées, de leur déroulement et de leurs suites. / Le directeur général ou le directeur représente l'organisme en justice et dans tous les actes de la vie civile. Il peut donner mandat à cet effet à certains agents de son organisme ou à un agent d'un autre organisme de sécurité sociale. (...) " ;
6. Considérant que le mémoire de la CPAM de l'Essonne présenté le 26 décembre 2016 devant le Tribunal administratif de Versailles est signé " pour le directeur, par la " Responsable juridique " ; qu'il ressort des pièces du dossier que cette dernière avait reçu le 11 septembre 2012 délégation du directeur à l'effet de signer les mémoires et conclusions échangés dans le cadre des procédures administratives et judiciaires ; que, par suite, le centre hospitalier d'Arpajon et la SHAM ne sont pas fondés à soutenir que les demandes formées par la caisse, au titre de ses débours, ont été signées par une personne ne disposant pas d'une délégation ;
Sur les conclusions de la CPAM de l'Essonne tendant à la condamnation du centre hospitalier d'Arpajon et de la société hospitalière d'assurances mutuelles au remboursement de ses débours :
7. Considérant que, par le jugement du 6 juillet 2015, les premiers juges ont jugé que le centre hospitalier d'Arpajon avait commis une faute dans la prise en charge de Mme B...pour erreur de diagnostic et traitement inadapté de sa fracture par ostéosynthèse, plutôt que par la mise en place d'une prothèse, à l'origine, pour cette dernière, d'une perte de chance de 50 % d'éviter le dommage qui en a résulté ; que le jugement est, sur ce point, devenu définitif ;
8. Considérant que seuls les frais résultant de l'aggravation de l'état de Mme B... consécutive à l'ostéosynthèse pratiquée le 19 février 2007 et reprise le 20 février 2007 peuvent être regardés comme étant en rapport avec la faute commise par le médecin du centre hospitalier d'Arpajon qui n'a pas traité de manière adaptée la fracture de MmeB... ; qu'il résulte de l'instruction que la CPAM sollicite le remboursement des frais médicaux et pharmaceutiques exposés pour Mme B...au titre de la période d'hospitalisation du 20 février 2007 au 23 octobre 2009 ; qu'elle produit à cet effet une attestation de son médecin conseil détaillant et justifiant de l'ensemble de ces débours qui, étant postérieurs à l'intervention fautive, peuvent être regardés comme étant en lien avec celle-ci ; que la CPAM justifie également par la production de la même attestation de son médecin conseil de frais de transport et des dépenses de santé exposés du 25 octobre 2008 au 31 décembre 2009 en lien avec l'intervention fautive ; que l'ensemble de ces débours s'élèvent à un montant total de 68 545,52 euros ; que la perte de chance pour Mme B...de subir une aggravation de son état étant fixée à 50 %, il y a lieu d'allouer à la CPAM de l'Essonne la somme de 34 272,76 euros et de condamner solidairement le centre hospitalier d'Arpajon et la société hospitalière d'assurances mutuelles à lui verser cette somme, assortie des intérêts de droit à compter du 26 décembre 2012, date d'introduction de sa demande devant le tribunal ;
9. Considérant que si la CPAM de l'Essonne réclame par ailleurs le remboursement de prestations non connues mais susceptibles d'être servies ultérieurement, ces dépenses ne présentent aucun caractère certain ; que les conclusions de la CPAM tendant au remboursement de telles dépenses ne peuvent être que rejetées ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre solidairement à la charge du centre hospitalier d'Arpajon et de la société hospitalière d'assurances mutuelles le versement de la somme de 1 500 euros à la CPAM de l'Essonne au titre des frais qu'elle a exposés, non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : L'article 5 du jugement n° 1102988 du Tribunal administratif de Versailles rejetant les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne est annulé.
Article 2 : Le centre hospitalier d'Arpajon et la société hospitalière d'assurances mutuelles sont solidairement condamnés à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne la somme de 34 272,76 euros avec intérêts de droit à compter du 26 décembre 2012.
Article 3 : Le centre hospitalier d'Arpajon et la société hospitalière d'assurances mutuelles verseront solidairement la somme de 1 500 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
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N° 15VE02986