La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/02/2018 | FRANCE | N°17VE02444

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 08 février 2018, 17VE02444


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...D...A...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'annuler l'arrêté du 27 juin 2017 par lequel le PREFET DU VAL-D'OISE a ordonné son transfert vers le Danemark, Etat désigné comme responsable de l'examen de sa demande d'asile, et l'arrêté du même jour par lequel ledit préfet l'a assigné à résidence, d'autre part, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation et, dans l'attente de ce réexamen, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, enfin, de mettr

e à la charge de l'Etat le versement à son conseil, Me E..., de la somme de 1 50...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...D...A...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'annuler l'arrêté du 27 juin 2017 par lequel le PREFET DU VAL-D'OISE a ordonné son transfert vers le Danemark, Etat désigné comme responsable de l'examen de sa demande d'asile, et l'arrêté du même jour par lequel ledit préfet l'a assigné à résidence, d'autre part, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation et, dans l'attente de ce réexamen, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, enfin, de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, Me E..., de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1705907 du 30 juin 2017, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, après avoir admis M. D... A...à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle, d'une part, a annulé les arrêtés du 27 juin 2017 du PREFET DU VAL-D'OISE, d'autre part, lui a enjoint de réexaminer la situation de M. D... A...dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et, dans l'attente de ce réexamen, de lui délivrer une attestation de demande d'asile, enfin, a mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil, Me E..., de la somme de 800 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de l'admission définitive de l'intéressé au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 25 juillet 2017, le PREFET DU VAL-D'OISE demande à la Cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. D... A...devant le tribunal administratif.

Il soutient que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que la décision de transfert en litige ne pouvait être légalement prise sur le fondement du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; en effet, nonobstant le considérant 42 de ce règlement, le Danemark a participé, en vertu d'un accord international négocié avec la Communauté européenne, aux mécanismes prévus par les règlements (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003, dit " règlement Dublin II ", et (CE) n° 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000, dit " règlement Eurodac ", et, en application de cet accord ainsi que par une décision 5 juillet 2013 notifiée à la Commission, a décidé d'appliquer le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, dit " règlement Dublin III ".

----------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- l'accord entre la Communauté européenne et le Royaume de Danemark concernant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée par un ressortissant d'un pays tiers au Danemark ou dans tout autre État membre de l'Union européenne et le système " Eurodac " pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;

- le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. d'Haëm a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que le PREFET DU VAL-D'OISE relève appel du jugement du 30 juin 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 27 juin 2017 ordonnant le transfert de M. D... A..., ressortissant somalien né le 29 septembre 1986, vers le Danemark, Etat désigné comme responsable de l'examen de sa demande d'asile, et son arrêté du même jour assignant l'intéressé à résidence pour une durée de quarante-cinq jours ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Considérant qu'en vertu du protocole n° 22 annexé au Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, le Danemark ne participe pas à l'adoption par le Conseil des mesures proposées relevant du titre V de la troisième partie de ce traité, relatif à l'espace de liberté, de sécurité et de justice et, en particulier, aux politiques relatives aux contrôles aux frontières, à l'asile et à l'immigration, et aucune des dispositions du titre V de la troisième partie du traité, aucune mesure adoptée en application de ce titre, aucune disposition d'un accord international conclu par l'Union en application de ce titre et aucune décision de la Cour de justice de l'Union européenne interprétant ces dispositions ou mesures ou toute mesure modifiée ou modifiable en application de ce titre ne lie cet Etat ou n'est applicable à son égard ; que le considérant 42 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 susvisé, dit " règlement Dublin III ", ne fait que rappeler ces dispositions en prévoyant que : " Conformément aux articles 1er et 2 du protocole n° 22 sur la position du Danemark annexé au traité sur l'Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, le Danemark ne participe pas à l'adoption du présent règlement et n'est pas lié par celui-ci ni soumis à son application. " ; que, cependant, en vertu d'un accord international conclu avec la Communauté européenne et approuvé par une décision du Conseil du 21 février 2006, le Danemark s'est engagé à participer aux mécanismes prévus par les règlements (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers, dit " règlement Dublin II ", et (CE) n° 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 concernant la création du système " Eurodac " pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin, dit " règlement Eurodac " ; qu'aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 de cet accord : " Le Danemark notifie à la Commission sa décision d'appliquer ou non toute modification des règlements adoptée. La notification est effectuée lors de l'adoption des modifications ou dans un délai de trente jours à compter de celle-ci. " ; qu'enfin, par un courrier du 5 juillet 2013, le Danemark a notifié à la Commission sa décision d'appliquer le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, dit " règlement Dublin III ", procédant à la refonte du règlement Dublin II ; qu'ainsi, cet Etat applique le règlement Dublin III et, d'ailleurs, a donné son accord, le 20 mars 2017, pour la reprise en charge de M. D... A...sur le fondement des dispositions du d) du paragraphe 1 de l'article 18 de ce règlement ; que, par suite, le PREFET DU VAL-D'OISE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise s'est fondé sur la circonstance que le règlement Dublin III ne serait pas applicable au Danemark pour annuler, au motif qu'il serait privé de base légale, son arrêté ordonnant le transfert de M. D... A...vers cet Etat et, par voie de conséquence, son arrêté assignant l'intéressé à résidence ;

3. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... A...devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

Sur la légalité de la décision de transfert :

4. Considérant, en premier lieu, que, par un arrêté du 23 mars 2017, publié au recueil des actes administratifs de l'Etat dans le département du même jour, le PREFET DU VAL-D'OISE a donné délégation à Mme B...C..., chef du service de l'immigration et de l'intégration, à l'effet de signer, notamment, les décisions de transfert ; que, par suite, le moyen tiré de ce que Mme B...C...n'aurait pas été compétente pour signer la décision de transfert en litige manque en fait et doit être écarté ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'à la différence de l'obligation d'information instituée par le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 susvisé, qui prévoit un document d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile, dont la remise doit intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes, l'obligation d'information prévue par les dispositions de l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 susvisé, a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des Etats membres relevant du régime européen d'asile commun ; que le droit d'information des demandeurs d'asile contribue, au même titre que le droit de communication, le droit de rectification et le droit d'effacement de ces données, à cette protection ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de cette obligation d'information est inopérant à l'encontre de la décision en litige ordonnant le transfert de M. D... A...vers le Danemark, Etat désigné comme responsable de l'examen de sa demande d'asile ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. / 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune ainsi qu'une brochure spécifique pour les mineurs non accompagnés, contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les États membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux États membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. " ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et, notamment, du compte-rendu de l'entretien individuel du 8 février 2017 que M. D... A...a certifié que lui ont été remis, le même jour, le guide du demandeur d'asile et " l'information sur les règlements communautaires ", soit, en particulier, la brochure A intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " ainsi que la brochure B " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " ; que ces documents, dont il n'est pas contesté qu'ils étaient rédigés en langue arabe, langue que l'intéressé a déclaré comprendre, et qui ont été établis conformément aux modèles figurant à 1'annexe X du règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 susvisé, modifié par le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 susvisé, comprennent l'ensemble des informations prescrites par les dispositions précitées ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté ;

8. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 susvisé : " (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national (...). " ;

9. Considérant, par ailleurs, qu'aux termes de l'article L. 111-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger fait l'objet d'une mesure (...) de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et qu'il ne parle pas le français, il indique au début de la procédure une langue qu'il comprend. Il indique également s'il sait lire. Ces informations sont mentionnées sur la décision (...) de transfert (...). Ces mentions font foi sauf preuve contraire. La langue que l'étranger a déclaré comprendre est utilisée jusqu'à la fin de la procédure. Si l'étranger refuse d'indiquer une langue qu'il comprend, la langue utilisée est le français. " ; qu'aux termes de l'article L. 111-8 du même code : " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI et à l'article L. 742-3 du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. / En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur l'une des listes mentionnées à l'article L. 111-9 ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger. " ; qu'aux termes de l'article L. 111-9 du même code : " Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application des articles L. 111-7 et L. 111-8 et définit notamment les conditions dans lesquelles les interprètes traducteurs sont inscrits sur la liste prévue au dernier alinéa de l'article L. 111-8 et en sont radiés. " ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 742-3 du même code : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. / Cette décision est notifiée à l'intéressé. Elle mentionne les voies et délais de recours ainsi que le droit d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. Lorsque l'intéressé n'est pas assisté d'un conseil, les principaux éléments de la décision lui sont communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend. " ;

10. Considérant, d'une part, que si, comme le fait valoir M. D... A..., le compte-rendu de l'entretien individuel du 8 février 2017 ne mentionne pas l'identité et la qualité de l'agent de la préfecture du Val-d'Oise qui a mené cet entretien, les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 susvisé n'imposent pas de telles mentions ; qu'en outre, aucune des pièces versées au dossier ne permet d'établir que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national alors que, de surcroît, il ressort du compte-rendu de l'entretien que M. D... A...a été en mesure, avec le concours d'un interprète et sans difficulté, de comprendre qu'il était placé en procédure dite " Dublin ", de répondre aux questions posées et de fournir ainsi toutes les informations pertinentes afin, notamment, de déterminer l'Etat membre responsable de sa demande d'asile, compte tenu de son parcours, l'intéressé ayant indiqué avoir séjourné en Grèce, en Italie, puis au Danemark, où sa demande d'asile a été rejetée, avant de gagner la France ;

11. Considérant, d'autre part, que, pour contester la régularité de l'entretien individuel dont il a bénéficié le 8 février 2017, soit avant l'intervention de la décision de transfert en litige du 27 juin 2017, M. D... A...ne peut utilement invoquer les dispositions précitées de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont vocation à s'appliquer que lors de la notification de cette décision de transfert, prévue par les dispositions de l'article L. 742-3 du même code ; que, d'ailleurs, l'intéressé a bénéficié de ces dispositions lors de la notification, le 27 juin 2017, de la décision de transfert attaquée, effectuée avec le concours d'un interprète ;

12. Considérant, enfin, que si, comme le fait valoir M. D... A..., le compte-rendu de l'entretien individuel du 8 février 2017 ne mentionne pas l'identité et les coordonnées de l'interprète qui lui a apporté son concours lors de cet entretien, ni la langue employée par cet interprète, les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 susvisé n'imposent pas davantage de telles mentions ; qu'en outre, à supposer même, comme le soutient l'intéressé, que l'assistance de l'interprète, lors de l'entretien, a été faite par téléphone, aucune des pièces versées au dossier ne permet d'établir que l'utilisation d'un tel moyen de télécommunication aurait méconnu les exigences de confidentialité découlant des dispositions de cet article 5 alors que, de surcroît, il ressort du compte-rendu de l'entretien que M. D... A..., qui a été en mesure, ainsi qu'il a été dit au point 10, de communiquer sans difficulté avec l'agent de la préfecture, a reconnu, au terme de cet entretien, avoir pu s'exprimer en langue arabe, avec le concours d'un interprète, " dans un endroit confidentiel et isolé du public " ;

13. Considérant qu'il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 doit être écarté ;

14. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 susvisé : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité (...). " ; que les autorités françaises doivent assurer la mise en oeuvre de cette clause dérogatoire à la lumière des exigences définies par le second alinéa de l'article 53-1 de la Constitution aux termes duquel " les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif " ;

15. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et, en particulier, de la motivation de la décision attaquée du 27 juin 2017 que le PREFET DU VAL-D'OISE a procédé à l'examen particulier de la situation personnelle de M. D... A...au regard des dispositions précitées, avant d'ordonner son transfert vers le Danemark ; qu'en outre, en se bornant à se prévaloir de la situation de conflit et de violence prévalant en Somalie, le requérant ne fait état d'aucun élément propre à sa situation personnelle qui aurait été susceptible de justifier que les autorités françaises procèdent, de manière dérogatoire, à l'examen de sa demande d'asile ; que, par suite, en s'abstenant de faire usage tant de la possibilité d'examiner, sur le fondement du second alinéa de l'article 53-1 de la Constitution, sa demande d'asile qui ne relève pas de la responsabilité de la France, que de la clause dérogatoire prévue par l'article 17, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 susvisé, le PREFET DU VAL-D'OISE n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation ;

16. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 susvisé : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : / (...) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre ; / (...) d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre. / 2. Dans les cas relevant du champ d'application du paragraphe 1, points a) et b), l'État membre responsable est tenu d'examiner la demande de protection internationale présentée par le demandeur ou de mener à son terme l'examen. / (...) Dans les cas relevant du champ d'application du paragraphe 1, point d), lorsque la demande a été rejetée en première instance uniquement, l'État membre responsable veille à ce que la personne concernée ait la possibilité ou ait eu la possibilité de disposer d'un recours effectif en vertu de l'article 46 de la directive 2013/32/UE. " ;

17. Considérant que la seule circonstance que les autorités françaises ont demandé le 20 mars 2017, auprès des autorités danoises la reprise en charge de M. D... A...sur le fondement des dispositions précitées du b) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et que les autorités requises, après les vérifications nécessaires, ont accepté, le 22 mars suivant, cette reprise en charge sur le fondement des dispositions précitées du d) du paragraphe 1 de cet article 18, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ; qu'au surplus, elle ne saurait permettre de démontrer que la situation de l'intéressé et, en particulier, sa demande d'asile, sur laquelle, au demeurant, il ne fournit aucune précision, n'auraient pas été examinées ou ne seraient pas traitées par les autorités danoises dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ; que, par suite et en tout état de cause, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'une erreur de droit ou d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions précitées doit être écarté ;

Sur la légalité de la décision d'assignation à résidence :

18. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision assignant M. D... A...à résidence doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision ordonnant son transfert vers le Danemark ne peut qu'être écarté ;

19. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DU VAL-D'OISE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé ses arrêtés du 27 juin 2017 ordonnant le transfert de M. D... A...vers le Danemark et l'assignant à résidence et lui a enjoint de réexaminer la situation de l'intéressé dans le délai de deux mois et, dans l'attente de ce réexamen, de lui délivrer une attestation de demande d'asile ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 2 à 4 du jugement n° 1705907 en date du 30 juin 2017 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise sont annulés.

Article 2 : La demande de M. D... A...présentée devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est rejetée.

2

N° 17VE02444


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE02444
Date de la décision : 08/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Rudolph D'HAËM
Rapporteur public ?: Mme MEGRET

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-02-08;17ve02444 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award