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28/12/2017 | FRANCE | N°17VE02661

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 28 décembre 2017, 17VE02661


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...D...épouse B...a demandé au Tribunal administratif de Versailles l'annulation de l'arrêté de la PREFETE DE L'ESSONNE du 17 août 2016 refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1607789 du 12 juillet 2017, le Tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté de la PREFETE DE L'ESSONN

E.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 10 août...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...D...épouse B...a demandé au Tribunal administratif de Versailles l'annulation de l'arrêté de la PREFETE DE L'ESSONNE du 17 août 2016 refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1607789 du 12 juillet 2017, le Tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté de la PREFETE DE L'ESSONNE.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 10 août et 15 novembre 2017, la PREFETE DE L'ESSONNE demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1607789 du Tribunal administratif de Versailles.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le Tribunal administratif de Versailles a annulé les décisions attaquées au motif que l'arrêté refusant le séjour méconnaît les dispositions du 4° de l'article L. 121-1 du de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans la mesure où l'activité professionnelle de M.B..., époux de l'intéressée, présentait un caractère marginal et accessoire et que ce dernier ne pouvait donc être regardé comme remplissant les conditions prévues au 1° et au 2° du même article ;

- l'auteur de l'arrêté du 17 août 2016 disposait d'une délégation de signature régulière à cet effet ;

- tant la décision refusant à Mme D...épouseB..., la délivrance de titre de séjour que la décision obligeant cette dernière à quitter le territoire français sont suffisamment motivées ;

- l'arrêté litigieux n'est entaché d'aucune erreur de droit au regard des dispositions des articles L. 121-1 et L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ne méconnaît, ni les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que la cellule familiale peut se reconstituer en Espagne, pays dont l'époux et les enfants de Mme D...épouse B...ont la nationalité et où elle-même peut séjourner sous couvert d'un titre de résident expirant en 2024 ;

- pour les mêmes motifs, la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour n'est pas entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme D...épouseB... ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas illégale du fait de l'illégalité, invoquée par la voie de l'exception, de la décision portant refus de titre de séjour ;

- cette décision, pour les mêmes motifs de fait que ceux exposés ci-dessus, ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination ne pourra être annulée par voie de conséquence de l'annulation des décisions précitées ;

- elle ne méconnaît, en outre, ni les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Livenais,

- et les conclusions de M. Skzryerbak, rapporteur public.

1. Considérant que la PREFETE DE L'ESSONNE relève appel du jugement du

12 juin 2017 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 17 août 2016 refusant à Mme D...épouseB..., ressortissante marocaine née le 11 avril 1984, la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français un délai de trente jours, et fixant son pays de destination ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 121-3 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le membre de famille visé aux 4° ou 5° de l'article L. 121-1 selon la situation de la personne qu'il accompagne ou rejoint, ressortissant d'un Etat tiers, a le droit de séjourner sur l'ensemble du territoire français pour une durée supérieure à trois mois. S'il est âgé de plus de dix-huit ans ou d'au moins seize ans lorsqu'il veut exercer une activité professionnelle, il doit être muni d'une carte de séjour. Cette carte, dont la durée de validité correspond à la durée de séjour envisagée du citoyen de l'Union dans la limite de cinq années, porte la mention : " carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union " ; que l'article R. 121-4 du même code dispose : " Les ressortissants qui remplissent les conditions mentionnées à l'article L. 121-1 doivent être munis de l'un des deux documents prévus pour l'entrée sur le territoire français par l'article R. 121-1 (...) Lorsqu'il est exigé, le caractère suffisant des ressources est apprécié en tenant compte de la situation personnelle de l'intéressé (...)La charge pour le système d'assistance sociale que peut constituer le ressortissant mentionné à l'article L. 121-1 est évaluée en prenant notamment en compte le montant des prestations sociales non contributives qui lui ont été accordées, la durée de ses difficultés et de son séjour (...) " ; qu'enfin, aux termes de l'article R. 121-6 de ce même code : " I.-Les ressortissants mentionnés au 1° de l'article L. 121-1 conservent leur droit au séjour en qualité de travailleur salarié ou de non-salarié : 1° S'ils ont été frappés d'une incapacité de travail temporaire résultant d'une maladie ou d'un accident (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que le conjoint d'un ressortissant de l'Union européenne résidant en France peut bénéficier d'une carte de séjour en qualité de membre de famille, à condition que ledit ressortissant exerce une activité professionnelle ou dispose, pour lui et les membres de sa famille, de ressources suffisantes, ces deux conditions relatives à l'activité professionnelle et aux ressources étant alternatives et non cumulatives ; qu'il résulte également de ces dispositions combinées que le ressortissant d'un État tiers ne dispose d'un droit au séjour en France en qualité de conjoint d'un ressortissant de l'Union européenne que dans la mesure où son conjoint remplit lui-même les conditions fixées au 1° ou au 2° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que les dispositions du 1° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui assurent la transposition en droit interne de la directive 2004/38/CE, doivent être interprétées à la lumière du droit communautaire, et plus particulièrement de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés Européennes relative à la notion de " travailleur " au sens de l'article 39 CE, devenu article 45 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; que s'agissant du 1°, selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, et notamment son arrêt du 23 mars 1982, n° 53-81, Levin c. Secrétaire d'État à la justice des Pays-Bas et son arrêt du 4 juin 2009 C-22/08 et C-23/08 Vatsouras et Koupatantze, doit être regardé comme travailleur, au sens du droit communautaire, toute personne qui exerce une activité réelle et effective, à l'exclusion d'activités tellement réduites qu'elles se présentent comme purement marginales et accessoires ; qu'il résulte, en outre, de cette jurisprudence que la perception, par l'intéressé, de prestations de nature financière qui, indépendamment de leur qualification dans la législation nationale, sont destinées à faciliter l'accès ou le retour au marché du travail, n'a pas pour effet lui faire perdre cette qualité de travailleur ;

4. Considérant que Mme D...épouse B...a demandé la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint d'un ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, sur le fondement des dispositions précitées du 4° de l'article L. 121-1 et de l'article L. 121-3 du même code ; que, pour refuser la délivrance d'un tel titre, la PREFETE DE l'ESSONNE a notamment opposé à Mme D...épouseB..., la circonstance que l'activité personnelle de son époux présentait un caractère marginal et accessoire qui ne permettait pas à ce dernier, et par voie de conséquence à elle-même, de bénéficier d'un droit au séjour en France de plus de trois mois en vertu des dispositions du 1° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...B..., époux de l'intéressée, est ressortissant espagnol ; qu'il est entré en France au cours de l'année 2015 et a travaillé, dans le cadre de contrats de missions d'intérim portant sur des emplois à temps complet, en qualité de manoeuvre du 1er juillet au 11 aout 2015, puis de conducteur d'engins du 8 février au 13 avril 2016 ; qu'à la suite de deux accidents du travail, il a été placé en arrêt de travail du 11 août 2015 au 5 janvier 2016, puis à compter du 13 avril 2016 ; qu'au cours de ces périodes, et alors même qu'à la date de son premier accident de travail, M. B...avait droit au séjour en qualité de ressortissant de l'Union, ce dernier, s'il a vu son contrat de travail suspendu pendant l'arrêt de travail provoqué par cet accident, n'a pas perdu pour autant, à cette occasion, la qualité de salarié qu'il avait précédemment acquise dans le cadre d'un emploi à temps plein involontairement interrompu et qui ne présentait pas, dans les circonstances de l'espèce, un caractère marginal et accessoire ; que M. B...ne peut donc être regardé, pendant ses deux périodes d'arrêt de travail, comme ayant cessé l'exercice d'une activité professionnelle en France au sens du 1° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en outre, il est constant que M. B...a perçu, au cours de ces deux périodes d'arrêt de travail, les indemnités journalières servies par la caisse primaire d'assurance-maladie en cas d'accident du travail en application des dispositions des articles L. 433-1 et suivants du code de la sécurité sociale : que ces indemnités journalières ont la nature d'un revenu de remplacement du salaire du travailleur victime d'un accident du travail ; que, par ailleurs, et eu égard aux modalités de leur financement et des conditions dans lesquelles leur bénéfice est ouvert aux salariés victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, ces indemnités ne sont pas au nombre des prestations sociales non contributives mentionnées à l'article R. 121-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

6. Considérant que, dans ces conditions et malgré les arrêts de travail observés par M. B...consécutivement aux accidents du travail dont il a été victime, ce dernier ne peut être regardé, dans les circonstances de l'espèce, comme ayant interrompu son activité professionnelle en ces occasions ; que c'est donc à tort que la PREFETE DE L'ESSONNE a estimé, du fait des interruptions liées aux accidents de travail dont il a été victime, que l'activité de ce dernier présentait un caractère accessoire et marginal et que, dans la mesure où il ne remplissait pas la condition prévue par le 1° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, MmeD..., épouseB..., ne pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour au titre des dispositions combinées de l'article L. 121-1 et de l'article L. 121-3 du même code ; qu'au surplus, et en tout état de cause, dès lors que les indemnités journalières servies à M. B...pendant ses périodes d'arrêt de travail n'ont pas la nature de prestations non contributives au sens de l'article R. 121-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ce dernier et, par voie de conséquence, MmeD..., épouseB..., ne pouvaient être regardés comme représentant une charge pour le système d'assistance sociale au regard du 2° de l'article L. 121-1 du même code ; qu'ainsi, le second motif opposé par la PREFETE DE L'ESSONNE n'était pas davantage fondé ; qu'il suit de là que c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la PREFETE DE l'ESSONNE, en opposant un refus de séjour à Mme D...épouseB..., a fait une inexacte application des dispositions des articles L. 121-1 et L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la PREFETE DE L'ESSONNE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 17 août 2016 refusant à Mme D...épouse B...le titre de séjour qu'elle a sollicité, l'obligeant à quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant son pays de renvoi ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction présentées par Mme D...épouseB... :

8. Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a d'ores et déjà enjoint à la PREFETE DE L'ESSONNE de délivrer à la requérante un titre de séjour portant la mention " carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union " ; qu'ainsi, les conclusions susvisées de MmeD..., épouse B...ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Boiardi, avocat de Mme D...épouseB..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée, de mettre à la charge de l'État le versement, à Me Boiardi, de la somme de 1 500 euros en application de ces dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la PREFETE DE L'ESSONNE est rejetée.

Article 2 : L'État versera à Me Boiardi la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme D...épouse B...est rejeté.

4

N° 17VE02661


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE02661
Date de la décision : 28/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: M. Yann LIVENAIS
Rapporteur public ?: M. SKZRYERBAK
Avocat(s) : BOIARDI

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-12-28;17ve02661 ?
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