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21/11/2017 | FRANCE | N°15VE02953

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 21 novembre 2017, 15VE02953


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La FEDERATION DES EMPLOYES ET CADRES DE LA CGT-FORCE OUVRIERE, L'UNION DEPARTEMENTALE DES SYNDICATS DE LA CGT-FORCE OUVRIERE DU VAL-D'OISE ET LE SYNDICAT CGT-FORCE OUVRIERE DES EMPLOYES ET CADRES DU COMMERCE DU VAL-D'OISE ont demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté en date du 6 juin 2013 par lequel le préfet du Val-d'Oise a autorisé, pour une période de cinq ans, une dérogation au principe du repos hebdomadaire des salariés le dimanche pour l'établissement de la société Cas

torama à Pierrelaye.

Par un jugement n°1305704, en date du 16 juillet 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La FEDERATION DES EMPLOYES ET CADRES DE LA CGT-FORCE OUVRIERE, L'UNION DEPARTEMENTALE DES SYNDICATS DE LA CGT-FORCE OUVRIERE DU VAL-D'OISE ET LE SYNDICAT CGT-FORCE OUVRIERE DES EMPLOYES ET CADRES DU COMMERCE DU VAL-D'OISE ont demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté en date du 6 juin 2013 par lequel le préfet du Val-d'Oise a autorisé, pour une période de cinq ans, une dérogation au principe du repos hebdomadaire des salariés le dimanche pour l'établissement de la société Castorama à Pierrelaye.

Par un jugement n°1305704, en date du 16 juillet 2015, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 septembre 2015, la FEDERATION DES EMPLOYES ET CADRES DE LA CGT-FORCE OUVRIERE, L'UNION DEPARTEMENTALE DES SYNDICATS DE LA CGT-FORCE OUVRIERE DU VAL D'OISE ET LE SYNDICAT CGT FO DES EMPLOYES ET CADRES DU COMMERCE DU VAL D'OISE représentés par

Me Lecourt, avocat, demandent à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler l'arrêté du préfet des Yvelines en date du 6 juin 2013 ;

3° de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 750 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4° de condamner l'Etat aux dépens par application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'arrêté contesté est illégal par voie d'exception en ce qu'il a été pris sur le fondement de l'arrêté préfectoral du 22 juillet 2010 lui-même illégal ; qu'en effet, l'arrêté du 22 juillet 2010 est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il crée un périmètre d'usage de consommation exceptionnel dans une zone en friche sur laquelle il n'existe pas d'établissement commercial ;

- l'établissement en cause n'est pas inclus dans le périmètre d'usage de consommation exceptionnel créé par l'arrêté du 22 juillet 2010 ;

- l'arrêté contesté méconnaît le principe d'égalité devant la loi en ce qu'il crée une différence entre l'établissement de la société Castorama, qui bénéficie d'une dérogation au principe du repos dominical des salariés et l'établissement La Plateforme du Bâtiment, qui respecte ce principe ;

- l'arrêté litigieux méconnaît les dispositions des articles L. 3132-25-3 et L. 3132-20 du code du travail dès lors que :

- le comité d'établissement n'a pas été consulté, n'existant pas à la date de la consultation menée, alors qu'il aurait être préalablement institué ;

- l'employeur n'apporte pas la preuve d'avoir épuisé la voie de la négociation collective préalablement à la procédure de référendum ;

- le procès-verbal du référendum atteste de l'irrégularité de la question posée aux salariés en ce que celle-ci porte non sur les contreparties sociales mais sur l'avis d'ouverture dominicale ;

- rien ne garantit que les conditions, dans lequel le référendum s'est déroulé, étaient régulières ;

- la décision unilatérale de l'employeur ne comporte aucun engagement en faveur de l'emploi des personnes handicapés ou en difficulté.

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lepetit-Collin,

- les conclusions de Mme Orio, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour la société Castorama.

1. Considérant que le préfet de la région Ile-de-France a, par un arrêté n° 09-1185 du

8 septembre 2009, établi le périmètre de l'unité urbaine de Paris en fixant la liste des communes qui la composent ; que par un arrêté n° 000266 du 22 juillet 2010, le préfet du Val-d'Oise a créé un périmètre d'usage de consommation exceptionnel dans la commune de Pierrelaye, sur le secteur de la zone RD14, quartier de " La Main Pendue ", boulevard du Havre ; que, par un arrêté n° 2013157-0003 du 6 juin 2013, ce même préfet a accordé au magasin Castorama, situé dans le quartier de " La Main Pendue ", une dérogation au principe du repos hebdomadaire des salariés le dimanche pour une période de cinq ans ; que, par un jugement en date du

11 juin 2015, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la requête de la FEDERATION DES EMPLOYES ET CADRES DE LA CGT-FORCE OUVRIERE, DE L'UNION DEPARTEMENTALE DES SYNDICATS DE LA CGT-FORCE OUVRIERE DU VAL D'OISE, ET DU SYNDICAT CGT FO DES EMPLOYES ET CADRES DU COMMERCE DU VAL-D'OISE, tendant à l'annulation de cet arrêté ; que ces mêmes parties relèvent régulièrement appel de ce jugement ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3132-25-1 du code du travail, issu de la loi du 10 août 2009 réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires : " Sans préjudice des dispositions de l'article L. 3132-20, dans les unités urbaines de plus de 1 000 000 d'habitants, le repos hebdomadaire peut être donné, après autorisation administrative, par roulement, pour tout ou partie du personnel, dans les établissements de vente au détail qui mettent à disposition des biens et des services dans un périmètre d'usage de consommation exceptionnel caractérisé par des habitudes de consommation dominicale, l'importance de la clientèle concernée et l'éloignement de celle-ci de ce périmètre. " ; que des dérogations à la règle du repos hebdomadaire dominical peuvent être accordées, à certaines conditions, dans des périmètres d'usage de consommation exceptionnel situés au sein des unités urbaines de plus d'un million d'habitants ; que l'article L. 3132-25-2 du même code dans sa rédaction alors en vigueur dispose que : " La liste et le périmètre des unités urbaines mentionnées à l'article L. 3132-25-1 sont établis par le préfet de région sur la base des résultats du recensement de la population / Sur demande du conseil municipal, au vu de circonstances particulières locales et : (...) / le préfet délimite le périmètre d'usage de consommation exceptionnel au sein des unités urbaines, après consultation de l'organe délibérant de la communauté de communes, de la communauté d'agglomération ou de la communauté urbaine, lorsqu'elles existent, sur le territoire desquelles est situé ce périmètre. (...) " ;

3. Considérant, en premier lieu, que par un arrêté n° 000266 du 22 juillet 2010, le préfet du Val-d'Oise a créé un périmètre d'usage de consommation exceptionnel (PUCE) sur le territoire de la commune de Pierrelaye, sur le secteur de la zone RD14, quartier de " La Main Pendue ", dont les syndicats requérants excipent de l'illégalité au motif qu'il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, l'autorité préfectorale ne pouvant établir un tel périmètre au delà de l'enseigne Truffaut, dans une zone en friche où la société Castorama envisageait d'édifier son magasin ; que toutefois, les dispositions dérogatoires de l'article L. 3132-25-1 du code du travail précité trouvent à s'appliquer dans des périmètres caractérisés par " des habitudes de consommation dominicale " ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'étude de la direction départementale de la protection des populations du Val-d'Oise datée du 6 juillet 2010 portant sur la délibération du 25 mai 2010 par laquelle le conseil municipal de la commune de Pierrelaye a demandé à l'autorité préfectorale la création d'un PUCE sur le secteur litigieux, que ce périmètre est caractérisé par des habitudes de consommation dominicale ; que la circonstance que le territoire dans lequel habitent les personnes ayant une habitude de consommation dominicale en dehors de ce dernier, ne soit que partiellement bâti ou urbanisé n'est ainsi pas de nature à faire obstacle à l'application d'une dérogation à la règle du repos dominical ; qu'ainsi, l'arrêté du 22 juillet 2010 créant le PUCE sur le territoire de la commune de Pierrelaye, n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation ; que, par suite, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de l'arrêté du 6 juin 2013 autorisant l'établissement Castorama projeté à Pierrelaye doit être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que s'il ressort des pièces du dossier, notamment du document cartographique, produit en première instance par le préfet du Val-d'Oise, superposant le plan du PUCE sur le territoire de la commune de Pierrelaye et le plan du permis de construire du projet d'enseigne Castorama, que certaines des parcelles comprises dans l'ilot de propriété sur lequel est implantée l'enseigne Castorama sont hors dudit périmètre, ces terrains correspondent à des allées et à des espaces verts, les parcelles correspondant au magasin étant, quant à elles, situées dans le périmètre du PUCE ; que, dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 3132-25-1 du code du travail devait être écarté ;

5. Considérant, en troisième lieu, que les commerces situés dans ce PUCE et les commerces situés hors de ce périmètre se trouvent dans des situations différentes ; que par suite le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité entre ces opérateurs économiques doit être écarté ; qu'au surplus, l'établissement la Plateforme du Bâtiment, qui assure la distribution de produits et services uniquement à destination des professionnels se trouve, à raison de son activité également, dans une situation différente de celle de l'enseigne Castorama ; qu'enfin, et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il lui est loisible de demander à déroger au principe du repos hebdomadaire ; que, par suite, le moyen tiré de l'atteinte au principe d'égalité devant la loi, s'agissant de cet établissement, doit être écarté ;

6. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 3132-25-3 du code du travail : " Les autorisations prévues aux articles L. 3132-20 et L. 3132-25-1 sont accordées au vu d'un accord collectif ou, à défaut, d'une décision unilatérale de l'employeur prise après référendum. / (...) / En l'absence d'accord collectif applicable, les autorisations sont accordées au vu d'une décision unilatérale de l'employeur, prise après avis du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, lorsqu'ils existent, approuvée par référendum organisé auprès des personnels concernés par cette dérogation au repos dominical. La décision de l'employeur approuvée par référendum fixe les contreparties accordées aux salariés privés du repos dominical ainsi que les engagements pris en termes d'emploi ou en faveur de certains publics en difficulté ou de personnes handicapées. Dans ce cas, chaque salarié privé du repos du dimanche bénéficie d'un repos compensateur et perçoit pour ce jour de travail une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente / (...) " ;

7. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que les autorisations de dérogation au repos dominical sont accordées sur décision unilatérale de l'employeur prise après avis du comité d'entreprise lorsqu'il existe ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de la demande de dérogation au repos dominical pour l'enseigne Castorama située à Pierrelaye datée du 29 avril 2013, que ce magasin étant en cours d'ouverture, la consultation des membres du comité d'entreprise n'avait pu avoir lieu, les élections professionnelles n'ayant

elles-mêmes pas encore pu se tenir ; que, dans ces circonstances, le moyen, tiré de ce que le comité d'entreprise n'aurait à tort pas été consulté, doit être écarté par les mêmes motifs que ceux retenus par les premiers juges ;

8. Considérant, en cinquième lieu, qu'il ne résulte pas des dispositions de l'article

L. 3132-25-3 du code du travail, ni d'aucune autre disposition de nature législative ou réglementaire que l'employeur ne pourrait recourir au référendum qu'en cas d'échec de la négociation collective ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la négociation collective n'aurait pas échoué préalablement à la décision unilatérale de l'employeur doit être écarté comme inopérant ;

9. Considérant, en sixième lieu, que les requérants se prévalent également de moyens tirés de ce que les conditions de déroulement du référendum auraient été irrégulières et n'auraient pas respecté les principes généraux du droit électoral ; que toutefois, s'il appartient au préfet, avant de se prononcer sur la demande d'autorisation dont il est saisi sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 3132-25-3 du code du travail, de s'assurer que la décision unilatérale au vu de laquelle l'employeur sollicite cette autorisation a fixé des contreparties et a été approuvée par référendum, de telles dispositions, ni d'ailleurs aucune autre disposition de nature législative ou réglementaire, n'imposent au préfet de contrôler la régularité de la procédure de consultation des salariés ainsi que le respect des principes généraux du droit électoral ; que, par suite, ces moyens sont inopérants et ne peuvent qu'être écartés ;

10. Considérant, en dernier lieu, que les requérants soutiennent que la décision unilatérale de l'employeur ne comporte aucun engagement de l'employeur pris en termes d'emploi ou en faveur de publics en difficulté ou de personnes handicapées ; qu'il ressort toutefois des termes mêmes de la décision unilatérale datant du 8 avril 2013 approuvée par référendum que ces contreparties y sont mentionnées, nonobstant la circonstance qu'il soit simplement renvoyé, pour le détail de ces contreparties, aux accords en vigueur dans l'entreprise ; que, par suite, le moyen doit être écarté comme manquant en fait ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les syndicats requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement entrepris, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant qu'aucun dépens n'a été exposé au cours de l'instance ; que les conclusions présentées par les requérants à ce titre ne peuvent donc qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que les requérants demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; que, d'autre part, compte tenu des circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge des requérants le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SASU Castorama et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la FEDERATION DES EMPLOYES ET CADRES DE LA CGT-FORCE OUVRIERE, L'UNION DEPARTEMENTALE DES SYNDICATS DE LA CGT-FORCE OUVRIERE ET LE SYNDICAT CGT-FORCE OUVRIERE DES EMPLOYES ET CADRES DU COMMERCE DU VAL-D'OISE est rejetée.

Article 2 : La FEDERATION DES EMPLOYES ET CADRES DE LA CGT-FORCE OUVRIERE, L'UNION DEPARTEMENTALE DES SYNDICATS DE LA CGT-FORCE OUVRIERE ET LE SYNDICAT CGT-FORCE OUVRIERE DES EMPLOYES ET CADRES DU COMMERCE DU VAL-D'OISE verseront à la SASU Castorama une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la SASU Castorama au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

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N° 15VE02953


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 15VE02953
Date de la décision : 21/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Procédure - Diverses sortes de recours - Recours de plein contentieux.

Travail et emploi - Conditions de travail - Repos hebdomadaire - Modalités d`octroi du repos hebdomadaire du personnel.

Travail et emploi - Conditions de travail - Repos hebdomadaire - Fermeture hebdomadaire des établissements.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Hélène LEPETIT-COLLIN
Rapporteur public ?: Mme ORIO
Avocat(s) : LECOURT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-11-21;15ve02953 ?
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