Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL BPS NETTOYAGE INDUSTRIEL a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 22 octobre 2013 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) lui a appliqué la contribution spéciale pour l'emploi de travailleurs étrangers en situation irrégulière, pour un montant de 83 760 euros, et la contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine, pour un montant de 31 349 euros, ensemble la décision expresse en date du
9 décembre 2013 par laquelle le directeur de l'OFII a rejeté son recours gracieux dirigé contre la décision du 22 octobre 2013.
Par un jugement n° 1400519 du 11 juin 2015, le Tribunal administratif de Versailles a prononcé un non lieu à statuer sur les conclusions de la demande en tant qu'elles se rapportaient à l'emploi de M. E...A...et a rejeté le surplus de la demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 4 août 2015, la SARL BPS NETTOYAGE INDUSTRIEL, représentée par Me Formond, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions des 22 octobre et 9 décembre 2013 du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
3° de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le montant demandé par l'Office français de l'immigration et de l'intégration au titre de la contribution spéciale est invérifiable dans son calcul car n'est pas explicité par l'office ;
- le montant demandé par l'Office français de l'immigration et de l'intégration au titre de la contribution spéciale est erroné ;
- la décision de l'Office français de l'immigration et de l'intégration est entachée d'une erreur de fait ainsi que l'a reconnu l'office devant le Tribunal administratif de Versailles dès lors que M. A...se trouvait bien en situation régulière au moment du contrôle ; que l'office a finalement annulé le montant de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire concernant M. A...sans, encore une fois, que le calcul fait puisse être justifié ;
- s'agissant de M. D...(alias M.B...) et MmeC..., ceux-ci avaient remis, lors de leur embauche, une carte d'identité française ; que s'agissant des ressortissants français, aucune vérification spécifique n'est imposée aux employeurs préalablement à l'embauche ; que si le Tribunal administratif de Versailles a considéré qu'il était de sa responsabilité d'exiger les titres d'identité originaux lors de l'embauche, une telle obligation ne repose sur aucun fondement juridique ; qu'il ne saurait lui être reproché aucun manquement alors qu'elle a été trompée par les utilisateurs de ces documents ;
- s'agissant du calcul de la contribution forfaitaire, la décision attaquée ne permet pas de connaître le barème qui a été appliqué à chacun des douze salariés afin de parvenir à la somme qui lui est demandée ; que la nationalité des salariés n'est pas mentionnée, de sorte que l'on ignore la zone géographique de réacheminement du salarié retenue par l'office pour effectuer ses calculs ;
- le jugement n'a pas répondu au grief tiré de l'insuffisante motivation de la décision attaquée sur ce point.
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Vu les autres pièces du dossier :
Vu :
- le code du travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le décret n° 2013-467 du 4 juin 2013 relatif au montant de la contribution spéciale instituée par l'article L. 8253-1 du code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lepetit-Collin,
- et les conclusions de Mme Orio, rapporteur public.
1. Considérant qu'à l'occasion d'un contrôle effectué le 23 octobre 2012 dans plusieurs hôtels situés dans le département de l'Essonne, les services de police ont constaté que la SARL BPS NETTOYAGE INDUSTRIEL employait douze travailleurs ne disposant d'aucun titre les autorisant à exercer une activité professionnelle et démunis de titres de séjour ; que, par une décision du 22 octobre 2013, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à la charge de la société, d'une part, une contribution spéciale de 83 760 euros conformément aux dispositions des articles L. 8252-1 et L. 8253-1 du code du travail, et une contribution forfaitaire de 31 349 euros représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine, soit la somme totale de 115 109 euros ; que la SARL BPS NETTOYAGE INDUSTRIEL a formé un recours gracieux à l'encontre de cette décision par courrier en date du 8 novembre 2013 ; que ce recours a été rejeté par l'Office français de l'immigration et de l'intégration par une décision expresse en date du 9 décembre 2013 ; que la SARL BPS NETTOYAGE INDUSTRIEL a sollicité du Tribunal administratif de Versailles l'annulation de ces décisions ; que, par un jugement en date du 11 juin 2015, le Tribunal administratif de Versailles a prononcé un non lieu à statuer sur les conclusions de la demande en tant qu'elles se rapportaient à l'emploi de M. E...A...et a rejeté le surplus des conclusions ; que la SARL BPS NETTOYAGE INDUSTRIEL relève appel de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que si la SARL BPS NETTOYAGE INDUSTRIEL soutient que le jugement attaqué serait entaché d'une omission à statuer en tant qu'il n'aurait pas répondu au moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision attaquée s'agissant du calcul du montant de la contribution forfaitaire, le grief manque en fait dès lors que le jugement écarte ce moyen en son point 3 ;
Sur le bien fondé du jugement :
En ce qui concerne la contribution spéciale :
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 8253-1 du même code dans sa rédaction issue de l'article 42 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 applicable à la date de constatation de l'infraction : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat et est au moins égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12 et, en cas de réitération, à 25 000 fois ce même taux. (...) " ; qu'aux termes du même article, dans sa rédaction issue de l'article 36 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016, le montant de cette contribution spéciale " est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger (...). Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux " ; qu'aux termes de l'article R. 8253-2 du code du travail dans sa rédaction issue de l'article 1er du décret n° 2013-467 du 4 juin 2013 : " I. - Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est égal à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. II. - Ce montant est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans l'un ou l'autre des cas suivants : 1° Lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 ; 2° Lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l' article L. 8252-2 dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7. III. - Dans l'hypothèse mentionnée au 2° du II, le montant de la contribution spéciale est réduit à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (...) " ;
4. Considérant que la SARL BPS NETTOYAGE INDUSTRIEL soutient que le montant demandé par l'Office français de l'immigration et de l'intégration au titre de la contribution spéciale (83760 euros) demeure invérifiable dans son calcul et n'est à aucun moment explicité par l'Office ; qu'elle doit être regardée comme se prévalant d'un moyen tiré du défaut de motivation de la décision litigieuse du 9 décembre 2013 ; que cette dernière se réfère expressément aux textes applicables et au procès-verbal établi à la suite du contrôle du
23 octobre 2012 au cours duquel les infractions aux dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail et de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, consistant en l'emploi par la SARL BPS NETTOYAGE INDUSTRIEL de douze travailleurs étrangers démunis de titre autorisant le travail et de titre autorisant le séjour ont été constatées ; que la décision précise que les sommes dont est redevable la société requérante et, en annexe, le nom des étrangers à l'origine de l'application de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire ; qu'ainsi, la décision est ainsi suffisamment motivée en droit et en fait ; que la société requérante poursuit en soutenant que la somme demandée au titre de la contribution spéciale serait " erronée " dès lors que le taux horaire minimum garanti " SMIC était égal en 2013 à 9,43 euros bruts " et que l'utilisation de ce taux de référence dans le calcul des sommes dues ne permettrait pas d'aboutir à la somme exigée par l'Office français de l'immigration et de l'intégration ; que toutefois, les dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail précitées ne renvoient pas au taux horaire du salaire minium de croissance mais au montant du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12 du code du travail ; que le moyen doit donc être écarté ;
5. Considérant que la SARL soutient encore que les décisions litigieuses de l'OFII seraient entachées d'erreur de fait en ce qui concerne M. E...A...dès lors que ce dernier se trouvait en situation régulière lors du contrôle effectué par les services de police ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que, par décision en date du 4 mars 2013, la Préfecture de police a décidé de délivrer à M. A...un titre de séjour avec autorisation de travail couvrant la date du contrôle ; que cette circonstance a conduit ainsi l'Office français de l'immigration et de l'intégration à procéder à un nouvel examen du dossier de la SARL BPS NETTOYAGE INDUSTRIEL et, par une décision en date du 20 mars 2015, à annuler, en tant qu'elle se rapportait à l'emploi de M.A..., sa décision du 22 octobre 2013 ; que cette circonstance a d'ailleurs conduit le Tribunal administratif de Versailles, dans son jugement du 11 juin 2015, à prononcer un non lieu à statuer sur les conclusions de la demande en tant qu'elles se rapportaient à l'emploi de M. E...A...avant de rejeter le surplus de la demande de la SARL BPS NETTOYAGE INDUSTRIEL ; que le moyen ne peut donc qu'être écarté comme inopérant dès lors que la décision du 22 octobre 2013 ne se rapporte plus à l'emploi de M.A... ;
6. Considérant qu'il appartient à tout employeur de s'assurer de la régularité de la situation de ses employés au regard de la réglementation en vigueur, notamment auprès des services de la réglementation de l'entrée et du séjour des étrangers de la préfecture de son ressort territorial ; que cette obligation implique pour l'employeur de procéder à la vérification de la nationalité des intéressés préalablement à leur embauche ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des procès-verbaux établis à la suite des contrôles sus-mentionnés effectués par les services de police, qui font foi jusqu'à preuve du contraire, que les services de police et des agents de l'URSSAF ont constaté la présence, en situation de travail, dans différents hôtels du département de l'Essonne, la présence de douze employés en situation irrégulière de travail et de séjour ; qu'il résulte des dispositions du code du travail précitées que la SARL BPS NETTOYAGE INDUSTRIEL , qui ne conteste pas ces faits, ne peut utilement soutenir qu'elle n'était pas tenue de procéder aux vérifications prescrites par le code du travail s'agissant de deux de ces employés, M. D...et Mme C...dès lors que ces derniers avaient présenté, lors de leur embauche, une carte nationale d'identité française, alors que les procès-verbaux d'audition de ces deux employés attestent de ce que ces derniers ont présenté une copie de ces pièces d'identité lors de leur embauche et que la société n'a pas demandé la production de documents originaux, ce qui aurait pu la mettre à même de vérifier la véracité des identités alléguées ;
En ce qui concerne la contribution forfaitaire :
7. Considérant que la SARL BPS NETTOYAGE INDUSTRIEL se prévaut d'un unique moyen tiré de ce que la décision attaquée ne permettrait pas d'expliciter les modalités de calcul de cette contribution ; que toutefois, la décision attaquée fait mention des dispositions des articles L. 626-1 et R. 626-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que des arrêtés du 5 décembre 2006 fixant notamment le montant de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement ; que nonobstant les différences de coût de réacheminement selon les zones géographiques, au nombre de cinq, du pays dont est originaire le ressortissant étranger, la mention de cet arrêté est suffisante dans la mesure où la société appelante, qui ne peut soutenir ignorer le pays d'origine du salarié qu'elle avait employé, était à même de comprendre le quantum de la somme mise à sa charge ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision attaquée s'agissant du calcul du montant de la contribution forfaitaire ne peut qu'être écarté ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL BPS NETTOYAGE INDUSTRIEL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a, après avoir prononcé un non lieu à statuer sur les conclusions de sa demande se rapportant à l'emploi de M. E...A..., rejeté le surplus des conclusions de cette dernière ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SARL BPS NETTOYAGE INDUSTRIEL le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'Office français de l'immigration et de l'intégration dans la présente instance et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL BPS NETTOYAGE INDUSTRIEL est rejetée.
Article 2 : La SARL BPS NETTOYAGE INDUSTRIEL versera à l'Office français de l'immigration et de l'intégration une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.
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N°15VE02593