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07/11/2017 | FRANCE | N°17VE01369

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 07 novembre 2017, 17VE01369


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 5 et 12 octobre 2016, Mme B... D... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 16 septembre 2016 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer une carte de séjour temporaire, l'a obligée à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 160768

3 du 17 janvier 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 5 et 12 octobre 2016, Mme B... D... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 16 septembre 2016 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer une carte de séjour temporaire, l'a obligée à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1607683 du 17 janvier 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 2 mai 2017 et le 1er juin 2017,

MmeD..., représentée par Me Salhi, avocat, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions contestées ;

3° d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa situation et de lui délivrer, pendant le temps nécessaire à ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour ;

4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Mme D...soutient que :

- la décision attaquée a été prise par une autorité incompétente ;

- les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues, dès lors qu'elle ne peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

- elle est fondée à exciper de l'illégalité de la décision de refus de séjour à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire a été prise en méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

....................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Vergne a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que MmeD..., ressortissante congolaise née le 28 août 1983, rentrée en France, selon ses déclarations, le 7 août 2010, a fait l'objet le 29 octobre 2012 d'un premier refus de titre de séjour pris par le préfet de l'Essonne et assorti d'une obligation de quitter le territoire français ; qu'elle a fait l'objet, ultérieurement, d'un nouvel arrêté en date du 16 septembre 2016 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer une carte de séjour temporaire en qualité d'étranger malade, l'a obligée à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire d'une durée de deux ans ; que

Mme D...relève appel du jugement du 17 janvier 2017 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

2. Considérant que, par arrêté du 17 décembre 2015, régulièrement publié au bulletin d'informations administratives du même jour, le préfet de la Seine-Saint-Denis a donné délégation de signature à M. A...C..., sous-préfet du Raincy, pour signer les décisions de refus de séjour assorties d'une obligation de quitter le territoire français et les décisions d'interdiction de retour sur le territoire français ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué du 16 septembre 2016 aurait été signé par une autorité ne disposant pas d'une délégation de compétence ne peut qu'être écarté ;

Sur la légalité de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :

3. Considérant qu'aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : ( ...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. " ;

4. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi du 16 juin 2011 dont elles sont issues, qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 de ce même code, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans le pays dont l'étranger est originaire ;

5. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;

6. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

7. Considérant que Mme D...est suivie mensuellement en France pour un syndrome de stress post-traumatique par un psychiatre qui prescrit un traitement à base d'anxiolytiques et d'antidépresseurs ; que pour refuser de lui délivrer une carte de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet de la Seine-Saint-Denis a pris en compte l'avis du médecin de l'agence régionale de santé du 11 mai 2016, indiquant que, si l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale, le défaut d'une telle prise en charge ne devrait pas entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'un traitement approprié était disponible dans son pays d'origine et que, en outre, son état de santé lui permettait de voyager vers son pays d'origine ; que si la requérante se prévaut en sens contraire, outre d'un certificat du psychiatre qui la reçoit mensuellement et d'attestations de deux professionnels de santé employés par l'association " parcours d'Exil - Accompagnement thérapeutique des victimes ", de plusieurs certificats ou rapports médicaux émanant notamment d'un praticien hospitalier psychiatre, en date des 30 décembre 2015 et 1er octobre 2016, et d'un second médecin spécialiste, psychiatre-psychothérapeute, datés du 5 avril 2016 et 27 septembre 2016, ces certificats, même si certains comportent une description des symptômes que présente la requérante et une présentation des traitements suivis par celle-ci, se bornent à indiquer que l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge longue et spécialisée non en vigueur dans son pays et dont le défaut l'exposerait à des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; qu'ainsi, ils ne précisent pas, d'une part, la nature des risques encourus ; que, d'autre part, ils évoquent en termes généraux l'indisponibilité des traitements dans le pays d'origine de la requérante, sans qu'il ressorte des pièces du dossier que leurs auteurs auraient disposé d'informations spécifiques et pertinentes pour apprécier l'état de l'offre médicale et pharmaceutique en République démocratique du Congo (RDC), au contraire du médecin de l'agence régionale de santé, spécialisé et documenté pour porter ce type d'appréciation ; que si la requérante produit aussi, il est vrai, deux attestations par lesquelles, d'une part, trois médecins de l'hôpital général de Kinshasa et, d'autre part, le pharmacien responsable de la pharmacie de cet hôpital attestent, outre des circonstances que Mme D...a subi dans leur propre pays des sévices et que les infrastructures médicales appropriées n'y sont pas suffisantes, que trois des six médicaments composant le traitement de l'intéressée prescrit en France ne sont pas disponibles dans leur pays, ils n'indiquent pas quels sont ces trois médicaments ni ne certifient, pour ceux-ci, qu'il n'existerait en RDC aucune préparation pharmaceutique susceptible d'y être substituée avec des effets équivalents ; que l'affirmation des trois médecins congolais signataires, en septembre 2016, de la première de ces pièces et selon laquelle,

Mme D...ayant subi au Congo/Kinshasa des sévices et événements traumatisants à l'origine de son état de santé, ne pourrait y être soignée, le pronostic vital étant même engagé en cas de retour, ne présente pas une valeur suffisamment probante s'agissant, d'une part, de l'existence même des sévices subis en RDC par la requérante, et, d'autre part, du lien entre ces sévices et la pathologie dont souffre l'intéressée ; qu'ainsi, l'ensemble des documents médicaux produits par la requérante, dont le médecin de l'agence régionale de santé disposait d'ailleurs, à l'exception de ceux établis à Kinshasa, à la date à laquelle il a émis son avis, ceux établis postérieurement se bornant pour l'essentiel à reprendre le contenu des précédents, ne suffisent pas pour remettre en cause l'avis de ce spécialiste ; que, par suite, le moyen tiré par la requérante, à l'encontre du refus de titre de séjour, de la méconnaissance du 11° de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être accueilli ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (.. .) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ; (...) " ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le moyen, invoqué à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, tiré de l'exception d'illégalité de celle refusant à Mme D...le titre de séjour qu'elle sollicitait ne peut être accueilli ; que, de même, pour les motifs déjà exposés énoncés au point 7 ci-dessus, le moyen tiré de ce que la décision obligeant la requérante à quitter le territoire français aurait méconnu les dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.

4

N°17VE01369


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17VE01369
Date de la décision : 07/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: M. Georges-Vincent VERGNE
Rapporteur public ?: Mme RUDEAUX
Avocat(s) : SALHI

Origine de la décision
Date de l'import : 14/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-11-07;17ve01369 ?
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