Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Vergne, rapporteur,
- et les conclusions de Mme Rudeaux, rapporteur public.
1. Considérant que la SARL LA VISTA, qui exerce une activité de vente de produits optiques, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle elle a été assujettie, selon la procédure de taxation d'office prévue aux articles L. 66-2° et L. 68 du livre des procédures fiscales, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices 2009 et 2010 et, selon la procédure de rectification contradictoire prévue à l'article L. 55 du même livre, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, de taxe d'apprentissage, de contribution au développement de l'apprentissage et de participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue au titre des mêmes exercices ; qu'elle relève appel du jugement du 8 mars 2016 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces suppléments d'impôts et des pénalités correspondantes ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation " ; que, pour être régulière, la proposition de rectification doit comporter la signature manuscrite du vérificateur ;
3. Considérant que la SARL LA VISTA soutient que la proposition de rectification qui lui a été adressée le 30 avril 2012 ne comportait pas la signature de l'inspecteur des impôts compétent ; que, toutefois, il ressort des pièces versées au dossier de première instance par l'administration fiscale que cette proposition a été signée par Mme D...C..., inspecteur des impôts ; que la SARL LA VISTA n'apporte la preuve par aucun élément que la pièce qui lui a été adressée, dont elle n'a pas produit l'original, aurait été dépourvue de la signature requise ; que, par suite, le moyen selon lequel la proposition de rectification est irrégulière doit être écarté ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration " ; que le paragraphe 5 du chapitre III de la même charte indique que : " Si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les redressements envisagés, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaire par l'inspecteur principal (...) " ; que ces dispositions assurent au contribuable la garantie substantielle de pouvoir obtenir, avant la clôture de la procédure de redressement, un débat avec le supérieur hiérarchique du vérificateur sur les points sur lesquels persiste un désaccord avec ce dernier ; que, toutefois, la SARL LA VISTA ne peut utilement soutenir, s'agissant des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, que les dispositions précitées de la charte du contribuable vérifié ont été méconnues, dès lors qu'une telle garantie ne peut bénéficier au contribuable qui se trouve dans une situation de taxation d'office ; que le moyen est néanmoins opérant s'agissant des autres rappels litigieux ;
5. Considérant qu'à la demande de la SARL LA VISTA, Me Netter, son conseil, a été reçu le 9 juillet 2012 par MmeE..., inspectrice principale ; qu'il n'est pas établi que, comme le soutient la requérante, la participation du vérificateur à l'entretien du 9 juillet 2012 aurait, en raison des interventions ou du comportement de ce fonctionnaire, privé la contribuable de la possibilité d'avoir un échange réel et suffisant avec le supérieur hiérarchique de celui-ci, privant ainsi de son effectivité l'entretien auquel elle avait droit ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du premièrement de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales " La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient lorsque le désaccord porte : 1° Sur le montant du résultat industriel et commercial, non commercial, agricole ou du chiffre d'affaires, déterminé selon un mode réel d'imposition ; 2° Sur les conditions d'application des régimes d'exonération ou d'allégements fiscaux en faveur des entreprises nouvelles, à l'exception de la qualification des dépenses de recherche mentionnées au II de l'article 244 quater B du code général des impôts ; 3° Sur l'application du 1° du 1 de l'article 39 et du d de l'article 111 du même code relatifs aux rémunérations non déductibles pour la détermination du résultat des entreprises industrielles ou commerciales, ou du 5 de l'article 39 du même code relatif aux dépenses que ces mêmes entreprises doivent mentionner sur le relevé prévu à l'article 54 quater du même code ; 4° Sur la valeur vénale des immeubles, des fonds de commerce, des parts d'intérêts, des actions ou des parts de sociétés immobilières servant de base à la taxe sur la valeur ajoutée, en application du 6° et du 1 du 7° de l'article 257 du même code " ;
7. Considérant que la SARL LA VISTA soutient avoir été privée du droit de saisir la commission départementale des impôts directs et taxes sur le chiffre d'affaires ; que, toutefois, d'une part, ce moyen est inopérant s'agissant des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés réclamés à la société requérante après la mise en oeuvre de la procédure de taxation d'office ; que, d'autre part, il ressort des dispositions précitées que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'est compétente ni pour statuer sur l'exercice du droit à déduction s'agissant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, ni pour statuer sur la réalité du recouvrement des impositions s'agissant des rappels de taxe d'apprentissage, de contribution au développement de l'apprentissage et de participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue ;
Sur le bien fondé des impositions :
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :
8. Considérant qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts " 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. (...) " ; que l'article 269-2 du même code dispose que : " La taxe est exigible : (...) c. Pour les prestations de service autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits (...) " ;
9. Considérant que le service a remis en cause la déduction par la SARL LA VISTA de la taxe sur la valeur ajoutée facturée par cinq de ses fournisseurs, les prestataires de services Lixxbail, ML Conseils, Foncia, Tournois et NMS, au motif que les factures correspondantes n'avaient pas été réglées ;
10. Considérant, en premier lieu, que la SARL LA VISTA soutient que l'administration n'apporte pas la preuve qu'elle a réellement opéré la déduction de cette taxe ; qu'il résulte de l'instruction, toutefois, notamment de la proposition de rectification, que le vérificateur a constaté, au cours des opérations de contrôle, que la société requérante avait enregistré au débit du compte de taxe sur la valeur ajoutée déductible n° 445660 la taxe afférente à l'ensemble des factures fournisseurs qu'elle avait comptabilisées au titre de chacune des périodes en cause, que ces factures aient été ou non réglées, et qu'elle avait ainsi pris en compte cette taxe pour établir ses déclarations CA3 de 2009 et 2010, sur lesquelles figuraient des montants de taxe déductible de 46 687 euros et 31 102 euros ; que la société requérante n'apporte aucun élément de nature à établir que les montants susmentionnés correspondraient exclusivement à de la taxe correspondant à des factures acquittées ; que le moyen susanalysé ne peut, par suite, être accueilli ;
11. Considérant, en second lieu, que la SARL LA VISTA entend à titre subsidiaire justifier de son droit à déduction avant paiement des factures en cause par les circonstances qu'elle utilise une comptabilité d'engagement et que ses fournisseurs ont souscrit à l'option pour le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée lors des débits ; que toutefois, d'une part, la société requérante ne peut se prévaloir de ses propres pratiques comptables pour échapper aux règles fiscales rappelées au point 8, déterminant la date à laquelle prend naissance le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée en ce qui concerne les prestations de services ; que, d'autre part, en l'absence de production des factures de ses fournisseurs par la SARL LA VISTA, il ne résulte pas de l'instruction que ceux-ci auraient souscrit à l'option pour le paiement de la TVA d'après les débits ainsi que la société requérante le soutient ; que, par suite, le moyen tiré par la requérante de ce qu'elle aurait à bon droit déduit la taxe sur la valeur ajoutée avant le règlement des factures comportant cette taxe doit être écarté ;
En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :
12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition " ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 1, les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés litigieuses ont été mises à la charge de SARL LA VISTA suivant la procédure de taxation d'office ;
S'agissant de l'incidence des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
13. Considérant que si la SARL LA VISTA soutient que les rehaussements d'impôt sur les sociétés consécutifs aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée sont infondés dès lors que ces derniers rappels sont eux-mêmes injustifiés, ce moyen ne peut qu'être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 8 à 11 ;
S'agissant du report de déficit issu de l'exercice 2008 :
14. Considérant que l'administration a refusé le report sur l'exercice 2009 d'un déficit d'un montant de 7 283 euros résultant de la déduction de charges, selon elle injustifiées, correspondant à deux factures d'achat de montures de lunettes émises en 2008 par la société Concept Sport Optic France, dont la liquidation, engagée en 2006, s'était pourtant close en 2007 pour insuffisance d'actifs ; que la SARL LA VISTA, qui ne conteste pas la disparition de la société Concept Sport Optic France, soutient que les factures litigieuses ont été émises en réalité par la société Concept Sport Optic Espagne dont le gérant, commun avec la société Concept Sport Optic France, aurait confondu les tampons d'en-tête des deux sociétés ; qu'elle produit des factures rectificatives établies par la société Concept Sport Optic Espagne, de nature selon elle à justifier la réalité des opérations commerciales et des déductions de charges litigieuses ;
15. Considérant que la SARL LA VISTA, qui supporte la charge de la preuve conformément aux dispositions précitées de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales, se borne à soutenir que les irrégularités formelles qui entachent les factures rectificatives, relevées par l'administration défenderesse, ne sauraient faire obstacle à son droit à déduction de la TVA puisque la réalité des opérations ne fait aucun doute ; que, toutefois, la réalité des opérations en cause ne peut être considérée comme établie alors que la SARL LA VISTA ne justifie ni du paiement par elle de ces factures à la société facturière, ni de la livraison des produits par cette société, l'administration faisant valoir au surplus, sans être valablement contredite, que la réalité des opérations correspondant à ces factures rectificatives n'est corroborée ni par la comptabilité de l'exercice 2008, ni par d'éventuelles déclarations d'acquisitions intracommunautaires au cours des années 2008 à 2010, et que les montants des factures initiales et rectificatives ne correspondent pas ; que, par suite, le moyen tiré par la société requérante de ce qu'elle aurait à bon droit reporté sur l'exercice 2009 le déficit de 7 283 euros constaté à la clôture de l'exercice précédent doit être écarté ;
S'agissant des charges de l'exercice 2010 :
16. Considérant qu'en l'absence de production de toute facture justificative, l'administration a regardé comme une charge injustifiée les honoraires réglés à Me A...B..., ancien avocat de la SARL LA VISTA ; que la société requérante se borne à soutenir qu'elle n'a pas réussi à obtenir de cet avocat, à qui l'opposerait un différend, qu'il lui communique un duplicata de sa facture, qu'elle-même aurait égarée ; que, toutefois, une telle circonstance ne saurait avoir pour effet ni de la dispenser, s'agissant de justifier de l'exactitude d'une écriture de charge et eu égard en outre à la procédure de taxation d'office mise en oeuvre, de prouver par tout moyen de la réalité de la charge qu'elle a déduite, ni d'obliger le service à faire usage de son droit de communication pour demander les pièces qu'elle n'aurait pas pu obtenir ;
S'agissant des apports en compte courant des exercices 2009 et 2010 :
17. Considérant que le vérificateur a remis en cause l'inscription, au crédit du compte courant du gérant et associé de la SARL LA VISTA, M. F...B...G..., de 10 apports pour un montant total de 10 558 euros en 2009 et de 7 apports pour un montant total de 8 937 euros en 2010 ; que si la société requérante, qui conteste la réintégration de ces sommes dans ses bénéfices, fait valoir qu'il s'agissait de remboursements de dépenses lui incombant, prises en charge par cet associé, et constituant dès lors des dettes de la société envers celui-ci, elle n'en apporte pas la preuve par la seule affirmation qu'aucune sortie de la trésorerie de la SARL LA VISTA n'a été constatée pour ces opérations, en l'absence notamment de justification de leur prise en charge effective par M. B...G...;
S'agissant des intérêts sur comptes débiteurs des exercices 2009 et 2010 :
18. Considérant que les prêts sans intérêt ou l'abandon de créances accordés par une entreprise au profit d'un tiers ne relèvent pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages l'entreprise a agi dans son propre intérêt ; que, s'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer qu'un abandon de créances ou d'intérêts consenti par une entreprise à un tiers constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties ;
19. Considérant qu'il est constant que la société requérante n'a appliqué aucun intérêt sur les sommes qu'elle a avancées à M. F...B...G..., figurant au débit du compte courant de cet associé ; qu'elle se borne à faire valoir, pour justifier cette pratique, le fait que l'intéressé lui a lui-même avancé des sommes, en prenant à sa charge des dépenses qui lui incombaient, et que les remboursements de ces dépenses, inscrits au crédit de son compte courant, l'ont été sans être augmentés d'intérêts ; qu'il résulte de l'instruction, toutefois, qu'il a été tenu compte de cet argument du contribuable avant la mise en recouvrement des impositions litigieuses, le service prenant en compte les périodes au cours desquelles le compte courant de l'associé était créditeur et celles où il était au contraire débiteur, et effectuant une compensation entre les intérêts qu'aurait dû percevoir M. F...B...G...et ceux qu'auraient dû percevoir la SARL LA VISTA ; que les intérêts réintégrés ont ainsi été limités à 455 euros au titre de l'année 2009, l'année 2010 ne donnant lieu en revanche à aucune rectification des rehaussements initialement notifiés, dès lors que les comptes courants de M. B...G...dans les écritures de la société étaient débiteurs sur l'ensemble de la période ; que la société requérante n'apporte aucune précision ni justification de nature à établir que la décision prise de renoncer à percevoir des intérêts du fait de la situation débitrice du compte courant d'associé de M. B...G...en 2009 et 2010 l'aurait été en retour de contreparties équivalentes ; que, dans ces conditions, l'administration pouvait réintégrer ces sommes dans son bénéfice et procéder aux rehaussements d'impôt sur les sociétés correspondants ;
En ce qui concerne la taxe d'apprentissage, la contribution au développement de l'apprentissage et la participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue :
20. Considérant que la SARL LA VISTA, qui se borne à soutenir qu'elle s'est acquittée des impositions susmentionnées, ce dont elle n'apporte pas la preuve, et à alléguer une probable erreur de saisie imputable au service, explicable par le fait qu'elle-même aurait réglé ces dettes fiscales avec retard, ne conteste valablement par cette argumentation ni le bien-fondé ni la régularité des impositions mises à sa charge ;
Sur le bien fondé des pénalités :
21. Considérant que la société requérante se borne à soutenir que " dans la mesure où les redressements sont injustifiées, les pénalités et intérêts de retard le sont également " ; que pour les mêmes motifs que ceux figurant aux points précédents du présent arrêt, ce moyen ne peut qu'être écarté ;
22. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir partielle opposée en défense, que la SARL LA VISTA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL LA VISTA est rejetée.
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N°16VE01424