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26/10/2017 | FRANCE | N°17VE00847

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 26 octobre 2017, 17VE00847


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 10 juin 2014 par lequel le maire du Bourget a prononcé sa révocation.

Par une ordonnance n° 1501160 du 13 avril 2015, le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Première procédure devant la Cour :

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 13 juin et 17 novembre 2015, M. D..., représenté par Me Seingier, avocat, a demandé à la Cour :

1° d'annuler c

ette ordonnance, ensemble l'arrêté contesté du 10 juin 2014 ;

2° d'enjoindre à la commune du Bourget de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 10 juin 2014 par lequel le maire du Bourget a prononcé sa révocation.

Par une ordonnance n° 1501160 du 13 avril 2015, le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Première procédure devant la Cour :

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 13 juin et 17 novembre 2015, M. D..., représenté par Me Seingier, avocat, a demandé à la Cour :

1° d'annuler cette ordonnance, ensemble l'arrêté contesté du 10 juin 2014 ;

2° d'enjoindre à la commune du Bourget de le réintégrer ;

3° de mettre à la charge de la commune du Bourget le remboursement des dépens, ainsi que le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. D...soutient que :

- à défaut que sa minute soit signée, conformément à l'article R. 741-8 du code de justice administrative, signature qui ne ressort pas de l'ampliation qui lui a été notifiée, l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité ;

- en omettant de répondre au moyen tiré de ce que l'arrêté contesté du 10 juin 2014 est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, le président du Tribunal administratif de Montreuil a entaché l'ordonnance attaquée d'irrégularité ;

- cette ordonnance est également irrégulière en tant qu'elle fait, à tort, application de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;

- en rejetant sa demande, sur le fondement des dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, au motif, notamment, que le moyen tiré du caractère disproportionné de la sanction de révocation n'était manifestement pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé, sans l'avoir préalablement invité à régulariser sa demande sur ce point, par application de l'article R. 612-1 du même code, le président du Tribunal administratif de Montreuil a entaché d'irrégularité l'ordonnance attaquée ;

- l'avis rendu par le conseil de discipline du 23 avril 2014, auquel siégeait M.B..., qui est un proche politique du maire du Bourget, méconnaît le principe d'impartialité, ainsi que l'article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- en rendant un avis favorable à la sanction de révocation, laquelle est disproportionnée, le conseil de discipline a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- la révocation prononcée, par l'arrêté contesté du 10 juin 2014, est disproportionnée aux fautes commises et est, par suite, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

..........................................................................................................

Par un arrêt n° 15VE01870 du 19 mai 2016, la Cour a annulé l'ordonnance et l'arrêté attaqués, enjoint à la commune du Bourget de réintégrer M.D..., mis à la charge de ladite commune le versement à l'intéressé des frais exposés, non compris dans les dépens et laissés à sa charge par la décision d'aide juridictionnelle partielle dont il avait bénéficié, rejeté le surplus des conclusions de sa requête et rejeté les conclusions présentées par la commune du Bourget sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant le Conseil d'Etat :

Par une décision n° 401643 du 10 mars 2017, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, sur demande de la commune du Bourget, annulé l'arrêt n° 15VE01870 du 19 mai 2016 susvisé et renvoyé l'affaire à la Cour.

Seconde procédure devant la Cour :

Par de nouveaux mémoires, enregistrés les 2 mai et 26 août 2017 sous le n° 17VE00847, M. D... persiste dans les conclusions de sa requête, par les mêmes moyens, en sollicitant, en outre, qu'il soit enjoint à la commune du Bourget de reconstituer sa carrière et en portant à 2 500 euros la somme qu'il demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Toutain,

- les conclusions de M. Errera, rapporteur public,

- et les observations de M. D...et de MeC..., pour la commune du Bourget.

1. Considérant que M.D..., adjoint d'animation principal de 2ème classe titulaire, était employé par la commune du Bourget ; que, suivant l'avis rendu par le conseil de discipline le 23 avril 2014, le maire du Bourget a, par arrêté du 10 juin 2014, prononcé la révocation de l'intéressé ; qu'après vaine saisine du conseil de discipline de recours, qui a également rendu, 17 octobre 2014, un avis favorable à cette sanction, M. D...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté susmentionné du 10 juin 2014 ; que, par l'ordonnance n° 1501160 du 13 avril 2015, le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande, par application des dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ; que M. D...relève appel de cette ordonnance ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes, d'une part, de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif (...) peuvent, par ordonnance : / (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé (...) " ; qu'aux termes, d'autre part, de l'article R. 612-1 du même code : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser (...) " ;

3. Considérant que, pour rejeter, sur le fondement des dispositions précitées du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, la demande de M. D...tendant à l'annulation de l'arrêté de révocation contesté du 10 juin 2014, l'ordonnance attaquée énonce, d'une part, que le moyen de légalité externe tiré de l'incompétence du signataire de cet arrêté, en l'absence de délégation de signature, est manifestement mal fondé dès lors que cette décision a été signée par le maire du Bourget lui-même, d'autre part, que le moyen tiré de ce que ladite sanction serait disproportionnée et, par suite, entachée d'une erreur d'appréciation n'est manifestement pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ; que, ce faisant, ladite ordonnance rejette sur le fond les conclusions à fin d'annulation susmentionnées, sans opposer d'office qu'elles seraient entachées d'une irrecevabilité non susceptible d'être régularisée ; qu'ainsi, et contrairement à ce que soutient le requérant, le président du Tribunal administratif de Montreuil n'était, pour ce faire, pas tenu, en application de l'article R. 612-1 du même code, de l'inviter à régulariser sa demande par l'adjonction, à son second moyen, des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que M. D...n'est pas davantage fondé à soutenir que le président du Tribunal administratif de Montreuil aurait omis d'examiner le moyen tiré de ce que la décision de révocation contestée serait, en raison de son caractère disproportionné, entachée d'une " erreur manifeste d'appréciation ", l'ordonnance attaquée répondant à ce moyen, dans les termes rappelés au point 3, en le requalifiant, à juste titre, en " erreur d'appréciation ", termes propres à l'exercice par le juge administratif du contrôle normal désormais applicable ;

5. Considérant, en troisième lieu, que si M. D...soutient que l'ordonnance attaquée serait entachée d'irrégularité dès lors qu'elle aurait fait, à tort, application de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, l'intéressé n'assortit ce moyen d'aucune précision de nature à permettre d'en apprécier le bien-fondé ;

6. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article R. 742-5 du code de justice administrative : " La minute de l'ordonnance est signée du seul magistrat qui l'a rendue " ;

7. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que la minute de l'ordonnance attaquée a été signée par le président du Tribunal administratif de Montreuil ; que, d'autre part, la circonstance que l'ampliation notifiée à M. D...n'aurait pas comporté cette même signature demeure sans incidence sur le respect des dispositions précitées ; qu'enfin, ces dernières étant seules ici applicables, le requérant ne peut utilement invoquer une méconnaissance des dispositions prévues, au cas distinct de la minute des jugements, par l'article R. 741-8 du code de justice administrative ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que l'ordonnance attaquée serait entachée d'irrégularité ;

Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :

9. Considérant, en premier lieu, que la procédure au terme de laquelle l'autorité administrative compétente exerce son pouvoir disciplinaire n'entre pas dans le champ d'application de l'article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations est inopérant ;

10. Considérant, en deuxième lieu, que si M. D...soutient que l'avis du conseil de discipline, en date du 23 avril 2014, aurait été rendu en méconnaissance du principe d'impartialité dès lors que M.B..., membre ayant siégé en qualité de représentant des collectivités territoriales, était un proche politique du maire du Bourget, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B...aurait manifesté une animosité personnelle à l'égard du requérant ou fait preuve de partialité à son encontre ; que ce moyen doit, dès lors, être écarté ;

11. Considérant, en troisième lieu, que l'avis émis par le conseil de discipline, qui n'est pas détachable de la procédure disciplinaire, ne constitue pas un acte faisant grief à l'agent poursuivi ; qu'en l'espèce, M. D...ne peut, dès lors, utilement soutenir que l'avis rendu par le conseil de discipline le 23 avril 2014 serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

12. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale " ; qu'aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / (...) Quatrième groupe : / (...) - la révocation (...) " ; qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes ;

13. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'alors qu'il était affecté au service des affaires générales de la commune du Bourget chargé, notamment, de recueillir les dossiers de demande de passeport avant leur transmission par voie dématérialisée à la préfecture pour instruction par les services de l'Etat, M. D...a dérobé, à huit reprises entre les mois d'avril et octobre 2013, afin de permettre à certains usagers, à savoir des amis, des connaissances ou leurs parents, de ne pas acquitter les timbres fiscaux afférents aux demandes de passeport, des timbres originaux dans des dossiers déjà instruits et archivés en mairie et les a remplacés par des photocopies en couleur ; que l'intéressé a également, afin de couvrir ses agissements, apposé de nouveau le sceau de la ville sur les timbres ainsi dérobés ou remplacés ; que ces faits lui ont valu une condamnation, par un jugement du 23 janvier 2014 du tribunal correctionnel de Bobigny, à une peine d'emprisonnement de six mois avec sursis ;

14. Considérant qu'à l'occasion de la présente instance, M. D...ne conteste pas la matérialité des faits rappelés au point 13, ni davantage que ceux-ci peuvent être, à bon droit, qualifiés de faute disciplinaire ; qu'il soutient, en revanche, que la sanction de révocation qui lui a été infligée serait disproportionnée, en se prévalant notamment de son ancienneté de service au sein de la commune du Bourget, collectivité dans laquelle il était employé depuis 1997, des appréciations favorables portées, jusqu'en 2012, sur sa manière de servir, de ce qu'il a rapidement reconnu les faits en cause, lesquels auraient été commis sans contrepartie ou enrichissement personnel, et de ce qu'il a, depuis sa suspension de fonctions, entrepris de poursuivre sa carrière au profit d'activités d'intérêt général ; que, toutefois, compte tenu de la gravité et du caractère réitéré, sur plusieurs mois, des manquements de M. D...aux obligations de probité, d'indépendance et d'intégrité requises dans l'exercice des fonctions qu'il exerçait au sein de la commune du Bourget, lesquelles se rapportent à une mission de service public régalienne et pour l'établissement de documents sécurisés, ainsi que de l'atteinte que de tels agissements étaient susceptibles de porter à l'image de cette collectivité, le maire du Bourget, en prononçant, par l'arrêté contesté du 10 juin 2014, la révocation de l'intéressé, ne peut être regardé, en dépit des circonstances ainsi invoquées par ce dernier, comme ayant entaché sa décision d'une erreur d'appréciation ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune du Bourget à la demande de première instance, que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté contesté du 10 juin 2014 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

16. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions de M. D...tendant à l'annulation de l'arrêté contesté du 10 juin 2014, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que les conclusions de l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune du Bourget de le réintégrer et de reconstituer sa carrière ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;

Sur les dépens :

17. Considérant que M. D...ne justifie pas avoir, à l'occasion de la présente instance, exposé de dépens, au sens et pour l'application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ; que, par suite, les conclusions à fin de remboursement présentées, à ce titre, par l'intéressé doivent, en tout état de cause, être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune du Bourget, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, le versement à M. D...d'une somme en remboursement des frais, non couverts par l'aide juridictionnelle partielle dont il a bénéficié, qu'il aurait exposés et non compris dans les dépens ;

19. Considérant, d'autre part, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D...le versement à la commune du Bourget de la somme que celle-ci demande par application des mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune du Bourget sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 17VE00847


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE00847
Date de la décision : 26/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-09 Fonctionnaires et agents publics. Discipline.


Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: M. Eric TOUTAIN
Rapporteur public ?: M. ERRERA
Avocat(s) : SEINGIER

Origine de la décision
Date de l'import : 31/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-10-26;17ve00847 ?
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