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05/10/2017 | FRANCE | N°16VE03629

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 05 octobre 2017, 16VE03629


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...B...a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 27 juillet 2016 par lequel le préfet des Yvelines lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée.

Par un jugement n° 1605700 du 21 novembre 2016, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistr

ée le 13 décembre 2016, MmeB..., représentée par Me A..., demande à la Cour :

1° d'annuler ce ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...B...a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 27 juillet 2016 par lequel le préfet des Yvelines lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée.

Par un jugement n° 1605700 du 21 novembre 2016, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 décembre 2016, MmeB..., représentée par Me A..., demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3° d'enjoindre au préfet, de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

- il est entaché d'une erreur de plume concernant l'identité de Mme B...;

- il est entaché d'un défaut de base légale ;

- il méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car elle est la mère d'un enfant de nationalité française ;

- il méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales car elle est la mère de quatre enfants scolarisés en France, tandis que le père de trois de ses enfants travaille en France en situation régulière ;

- il viole les stipulations de l'article 3 alinéa 1 et de l'article 9 alinéa 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation car le père de trois de ses enfants est salarié en mission en France et le père d'un des enfants est français.

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Guével a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que MmeB..., ressortissante congolaise (République Démocratique du Congo), entrée en France le 24 juin 2013 selon ses déclarations à l'âge de vingt-sept ans avec un visa pour la Belgique valable du 23 juin au 23 décembre 2013, a présenté en avril 2015 une demande de titre de séjour que le préfet des Yvelines a rejetée par un arrêté du 27 juillet 2016 lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, comme l'a indiqué le premier juge que, si cet arrêté désigne à tort Mme B...comme se nommant " MmeC... ", cette erreur purement matérielle, pour regrettable qu'elle soit, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté litigieux mentionne que Mme B...a sollicité, en juin 2014, du préfet de police de Paris, puis, en avril 2015, du préfet des Yvelines, son admission au séjour sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la circonstance que le préfet n'a pas visé, dans l'intitulé de son arrêté, le 6° de l'article L. 313-11, n'est pas de nature à faire regarder cet arrêté comme étant entaché d'un défaut de base légale ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d' un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " ; qu'aux termes de l'article

L. 623-1 du même code : " Le fait de contracter un mariage ou de reconnaître un enfant aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d'une protection contre l'éloignement, ou aux seules fins d'acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende (...). Ces mêmes peines sont applicables en cas d'organisation ou de tentative d'organisation d'un mariage ou d'une reconnaissance d'enfant aux mêmes fins. Elles sont portées à 10 ans d'emprisonnement et à 750 000 euros d'amende lorsque l'infraction est commise en bande organisée " ;

5. Considérant que si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé ; que ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, de tels actes, notamment pour la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 313-11 (6°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11 (6°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, le 19 août 2013, Mme B...a donné naissance en France à un fille prénommée Elena ; que cette enfant avait fait l'objet, le

17 juillet 2013, d'une reconnaissance de paternité par un ressortissant français, M. D...; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme B...est entrée en France en

juin 2013, alors qu'elle était enceinte de sept mois ; qu'il ne ressort pas, par ailleurs, des pièces du dossier que M. D...ait été lui-même présent en RDC en octobre 2012 au moment de la conception de l'enfant ; qu'au regard de ces éléments, qui ne sont pas utilement contestés par la requérante, le préfet des Yvelines doit être regardé comme établissant que la reconnaissance de paternité souscrite par M. D...à l'égard de l'enfant de Mme B...présentait un caractère frauduleux ; qu'il appartenait au préfet de faire échec à cette fraude dès lors que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'était pas acquise ; que c'est donc, sans commettre ni erreur de fait ni erreur de droit, que le préfet des Yvelines a refusé, pour ce motif, de délivrer à Mme B...la carte de séjour temporaire qu'elle sollicitait, sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'à la date de ce refus, l'enfant Elena n'était pas déchue de la nationalité française ;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...). " ;

8. Considérant que si MmeB..., entrée en France en juin 2013 selon ses déclarations, soutient que ses quatre enfants sont scolarisés et que le père congolais de trois de ses enfants née en 2003, 2008 et 2015 travaille régulièrement en France, il ressort cependant des pièces du dossier que l'intéressée ne démontre pas la réalité d'une vie commune avec le père des enfants, ni la participation de celui-ci à l'entretien et à l'éducation des enfants, ni même la régularité de son activité salariée ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que

M.D..., de nationalité française, qui a reconnu sa fille Elena née en 2013 dans les conditions controversées exposées au point 6, participe à l'entretien ou à l'éducation de cet enfant ; que, dès lors, l'arrêté du préfet des Yvelines, n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été prise ladite décision ; que, par suite, l'arrêté attaqué n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

9. Considérant, en cinquième lieu, que, pour les motifs exposés au point 8, le moyen tiré de ce que le préfet des Yvelines aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme B...ne peut qu'être écarté ;

10. Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant susvisée : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations que l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; que, pour les motifs analysés aux points 6 et 8, Mme B...n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

11. Considérant, en septième lieu, que si Mme B...invoque la méconnaissance des stipulations de l'article 9 alinéa 1 de la convention internationale des droits de l'enfant, ce moyen est inopérant dès lors que ces stipulations ne créent d'obligations qu'entre États ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

N° 16VE03629 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE03629
Date de la décision : 05/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BRUMEAUX
Rapporteur ?: M. Benoist GUÉVEL
Rapporteur public ?: Mme RIBEIRO-MENGOLI
Avocat(s) : ELEBE

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-10-05;16ve03629 ?
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