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03/10/2017 | FRANCE | N°16VE00223

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 03 octobre 2017, 16VE00223


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL LE RESTO a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 13 octobre 2014 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge, d'une part, la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et, d'autre part, la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de deux étrangers dans leur pays d'origine, prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour

des étrangers et du droit d'asile, pour des montants respectifs de 52 650 euro...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL LE RESTO a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 13 octobre 2014 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge, d'une part, la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et, d'autre part, la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de deux étrangers dans leur pays d'origine, prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour des montants respectifs de 52 650 euros et 4 618 euros.

Par un jugement n° 1502351 du 15 décembre 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 janvier 2016, la SARL LE RESTO, prise en la personne de son gérant, représentée par MeB..., a demandé à la Cour administrative d'Appel de Paris :

1°) d'annuler ce jugement et la décision du 13 octobre 2014, susmentionnée ;

2°) de prononcer la décharge ou, subsidiairement, la réduction de l'obligation de payer les deux contributions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par ordonnance du 14 janvier 2016, le premier vice-président de la Cour administrative d'Appel de Paris a transmis le dossier de la requête de la SARL LE RESTO à la Cour administrative d'Appel de Versailles.

La société requérante soutient que :

- la décision litigieuse a été prise en violation du principe " non bis in idem " dès lors qu'elle a déjà été condamnée le 21 mars 2014 par le Tribunal correctionnel de Bobigny et qu'elle a déjà payé une amende de 16 000 euros à raison des mêmes faits ; pour les mêmes motifs cette décision contrevient à l'article 4 du protocole n° 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- s'agissant de l'application de l'article L. 8253-1 du code du travail : le taux de 2 000 fois le montant horaire minimal doit être appliqué au lieu du taux de 5 000 fois ce montant, et l'amende doit être réduite à 7 020 euros dès lors qu'un seul des trois étrangers en cause, se trouvait en situation irrégulière et qu'il ressort de leurs déclarations, qu'elle s'est entièrement acquittée des salaires et indemnités qui leurs étaient dus ; il n'y a pas cumul d'infractions ;

- s'agissant de l'amende forfaitaire aux fins de réacheminement des étrangers dans leur pays, il en va de même, dès lors que deux d'entre eux séjournent régulièrement en France et que l'un d'eux s'est marié avec une personne en situation régulière et que le couple a eu un enfant né en France ;

- elle serait obligée de déposer son bilan si elle devait payer les amendes litigieuses.

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la décision n° 2016-621 QPC du 30 mars 2017 relative à la constitutionnalité de l'article L. 8253-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Moulin-Zys,

- et les conclusions de Mme Orio, rapporteur public.

1. Considérant que la SARL LE RESTO relève appel du jugement du 15 décembre 2015 du Tribunal administratif de Montreuil rejetant sa demande d'annulation de la décision du 13 octobre 2014 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge, d'une part, la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et, d'autre part, la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour des montants respectifs de 52 650 euros et 4 618 euros ;

Sur le quantum de la contribution spéciale due au titre de l'article L. 8253-1 du code du travail :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou par personne interposée, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. " ; qu'aux termes de l'article L. 8253-1 du code du travail dans sa version issue de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 applicables au présent litige dès lors qu'il s'agit d'un litige de plein contentieux et que ses dispositions sont plus douces que celles antérieurement applicables : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. / [...] " ; que selon l'article R. 8253-2 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2013-467 du 4 juin 2013 : " I. - Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est égal à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. / II. - Ce montant est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans l'un ou l'autre des cas suivants : / 1° Lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 ; / 2° Lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7. / III. - Dans l'hypothèse mentionnée au 2° du II, le montant de la contribution spéciale est réduit à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. / [...] ". ;

3. Considérant qu'il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre une décision mettant à la charge d'un employeur la contribution spéciale prévue par les dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail, pour avoir méconnu les dispositions de l'article L. 8251-1 du même code, de vérifier la matérialité des faits reprochés à l'employeur et leur qualification juridique au regard de ces dispositions ; qu'il lui appartient, également, de décider, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, soit de maintenir la sanction prononcée, soit d'en diminuer le montant jusqu'au minimum prévu par les dispositions applicables au litige, soit d'en décharger l'employeur ; que, par ailleurs, pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 8251-1 du code du travail, il appartient à l'autorité administrative de relever, sous le contrôle du juge, les indices objectifs de subordination permettant d'établir la nature salariale des liens contractuels existant entre un employeur et le travailleur qu'il emploie ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, l'un des trois étrangers concernés se trouvant sous seul récépissé de demande d'asile, il ne se trouvait pas en situation régulière, contrairement à ce que soutient la société requérante ; que le procès verbal de contrôle de la SARL LE RESTO du 11 février 2014 mentionne, outre l'emploi de deux étrangers sans titre de séjour, l'infraction de travail dissimulé pour trois étrangers ; que le paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus aux salariés étrangers n'est pas établi, tant pour M. D...C..., M. E...A...que pour M. F...; qu'il suit de là que le directeur général de l'OFII a fixé le montant de la contribution à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti au titre des infractions relevées pour chacune de ces trois personnes, sans entacher d'erreur de droit la décision litigieuse, prise le 13 octobre 2014 ;

Sur l'obligation de payer la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. / Le montant total des sanctions pécuniaires pour l'emploi d'un étranger en situation de séjour irrégulier ne peut excéder le montant des sanctions pénales prévues par les articles L. 8256-2, L. 8256-7 et L. 8256-8 du code du travail ou, si l'employeur entre dans le champ d'application de ces articles, le montant des sanctions pénales prévues par le chapitre II du présent titre. / (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 626-1 du même code :

" I. -La contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue à l'article L. 626-1 est due pour chaque employé en situation irrégulière au regard du droit au séjour. / Cette contribution est à la charge de l'employeur qui, en violation de l'article L. 8251-1 du code du travail, a embauché ou employé un travailleur étranger dépourvu de titre de séjour. / II. - Le montant de cette contribution forfaitaire est fixé par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé du budget, en fonction du coût moyen des opérations d'éloignement vers la zone géographique de réacheminement du salarié, dans la limite prescrite à l'alinéa 2 de l'article L. 626-1. " ;

6. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la contribution forfaitaire qu'elles instituent, qui a le caractère d'une sanction administrative, n'est pas subordonnée à la justification, par l'administration, du réacheminement effectif vers son pays d'origine de l'étranger employé irrégulièrement ; que, par suite, le moyen invoqué par la SARL LE RESTO, tiré de ce que les étrangers salariés en situation irrégulière n'auraient pas été effectivement réacheminés vers leur pays d'origine ou encore, n'auraient pas vocation à y être réacheminés, est sans influence sur la légalité de la sanction administrative litigieuse ;

Sur le respect du principe " non bis in idem " et de l'article 4 du protocole n° 7 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

7. Considérant qu'aux termes de l'article 4 du protocole n° 7 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même Etat en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet Etat. / Les dispositions du paragraphe précédent n'empêchent pas la réouverture du procès, conformément à la loi et à la procédure pénale de l'Etat concerné, si des faits nouveaux ou nouvellement révélés ou un vice fondamental dans la procédure précédente sont de nature à affecter le jugement intervenu. / Aucune dérogation n'est autorisée au présent article au titre de l'article 15 de la Convention " ;

8. Considérant que la SARL LE RESTO invoque les stipulations de l'article 4 du protocole additionnel n° 7 à cette convention, se prévaut de la méconnaissance du principe non bis in idem interdisant qu'une faute déjà sanctionnée puisse faire l'objet d'une nouvelle sanction ; que toutefois les stipulations précitées ne trouvent à s'appliquer, selon les réserves faites par la France en marge de ce protocole, que pour les infractions relevant en droit français de la compétence des tribunaux statuant en matière pénale et n'interdisent donc pas le prononcé de sanctions administratives parallèlement aux sanctions infligées par le juge répressif ; qu'il suit de là que le moyen invoqué doit être écarté dans ses deux branches ;

9. Considérant, enfin, que la société requérante ne peut utilement se prévaloir à l'appui de sa contestation de la légalité de la décision du 13 octobre 2014 du risque d'un dépôt de bilan en cas de paiement des contributions en litige ; qu'il lui appartient de solliciter, si elle s'y croit fondée, une remise gracieuse des sommes mises à sa charge par l'OFII ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL LE RESTO n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; qu'il suit de là que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par l'OFII au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL LE RESTO est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'OFII, tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

4

N° 16VE00223


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE00223
Date de la décision : 03/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

335-06-02-02 Étrangers. Emploi des étrangers. Mesures individuelles. Contribution spéciale due à raison de l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger.


Composition du Tribunal
Président : Mme BESSON-LEDEY
Rapporteur ?: Mme Marie-Cécile MOULIN-ZYS
Rapporteur public ?: Mme ORIO
Avocat(s) : SAMBA

Origine de la décision
Date de l'import : 10/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-10-03;16ve00223 ?
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