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03/10/2017 | FRANCE | N°15VE03014

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 03 octobre 2017, 15VE03014


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société ELIAS DISTRIBUTION a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 6 mars 2014 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge, d'une part, la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et, d'autre part, la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du s

jour des étrangers et du droit d'asile, pour un montant total de 19 759 euros, e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société ELIAS DISTRIBUTION a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 6 mars 2014 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge, d'une part, la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et, d'autre part, la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour un montant total de 19 759 euros, ensemble la décision implicite de rejet, née du silence gardé sur son recours gracieux reçu le 21 mars 2014.

Par un jugement n° 1405366 du 13 juillet 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 24 septembre 2015 et 21 avril 2016, la société ELIAS DISTRIBUTION, prise en la personne de son gérant, représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement, ainsi que la décision du 6 mars 2014 et le rejet implicite de son recours gracieux ;

2°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer les deux contributions mises à sa charge ;

3°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration les entiers dépens de première instance et d'appel, ainsi que la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'insuffisance de motivation et d'omission à statuer dès lors que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée en tant qu'elle n'indique ni le taux horaire minimum garanti ni le coefficient multiplicateur retenu par l'OFII, mais se borne à renvoyer aux barèmes fixés par arrêtés du 5 décembre 2006 qui ne sont pas produits ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que M. A...était en situation de travail ;

- la décision attaquée a été prise en méconnaissance de l'autorité de chose jugée qui s'attache au jugement rendu le 21 novembre 2012 par le Tribunal correctionnel de Bobigny qui a prononcé la relaxe en ce que l'infraction de travail dissimulé n'était pas constituée ;

- la matérialité des faits constituant l'infraction n'est pas établie ;

- la décision en litige du 6 mars 2014 est insuffisamment motivée en ce qu'elle ne comporte pas l'indication des éléments de la liquidation des sommes dues.

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013 ;

- la décision n° 2016-621 QPC du 30 mars 2017 relative à la constitutionnalité de l'article L. 8253-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Moulin-Zys,

- et les conclusions de Mme Orio, rapporteur public.

1. Considérant que la société ELIAS DISTRIBUTION relève appel du jugement rendu le 13 juillet 2015 par le Tribunal administratif de Montreuil rejetant sa demande d'annulation de la décision du 6 mars 2014 par laquelle le directeur général de l'OFII a mis à sa charge, d'une part, la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et, d'autre part, la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement d'un étranger dans son pays d'origine prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour un montant total de 19 759 euros, ensemble la décision implicite de rejet, née du silence gardé sur son recours gracieux reçu le 21 mars 2014.

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou par personne interposée, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. " ; qu'aux termes de l'article L. 8253-1 du même code, dans sa version issue de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016, applicable au présent litige dès lors qu'il s'agit d'un litige de plein contentieux et que ces dispositions sont plus douces que celles antérieurement applicables : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. [...] " ; qu'aux termes de l'article R. 8253-4 du même code : " (...) le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration décide, au vu des observations éventuelles de l'employeur, de l'application de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1, la liquide et émet le titre de perception correspondant. / La créance est recouvrée par le comptable public compétent comme en matière de créances étrangères à l'impôt et au domaine " ; qu'aux termes de l'article L. 8113-7 du code du travail : " Les inspecteurs du travail, les contrôleurs du travail et les fonctionnaires de contrôle assimilés constatent les infractions par des procès-verbaux qui font foi jusqu'à preuve du contraire. " ; qu'enfin selon l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine (...) " ;

3. Considérant qu'il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre une décision mettant à la charge d'un employeur la contribution spéciale prévue par les dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail, pour avoir méconnu les dispositions de l'article L. 8251-1 du même code, de vérifier la matérialité des faits reprochés à l'employeur et leur qualification juridique au regard de ces dispositions ; qu'il lui appartient, également, de décider, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, soit de maintenir la sanction prononcée, soit d'en diminuer le montant jusqu'au minimum prévu par les dispositions applicables au litige, soit d'en décharger l'employeur ; que, par ailleurs, pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 8251-1 du code du travail, il appartient à l'autorité administrative de relever, sous le contrôle du juge, les indices objectifs de subordination permettant d'établir la nature salariale des liens contractuels existant entre un employeur et le travailleur qu'il emploie ;

4. Considérant que le directeur de l'OFII s'est fondé sur un procès-verbal de constat d'infraction aux dispositions de l'article L. 8251-1 du code de travail dressé, le 27 septembre 2012 jour du contrôle, à l'encontre de la société requérante pour justifier sa décision du 6 mars 2014 mettant à sa charge les contributions spéciale et forfaitaire en litige ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que les mentions dudit procès-verbal ne permettent pas d'établir que M. A...se trouvait en situation de travail ; qu'en effet lorsque l'officier de police judiciaire Champroux a pénétré dans la boutique, où le contrôle URSSAF avait déjà débuté, il a constaté que s'y trouvaient " en action de travail ... un homme de type indien d'une quarantaine d'années en train de remplir des rayons et un autre homme d'une quarantaine d'années avec les agents de l'URSSAF ... " ; que les indications de l'inspecteurB..., de l'URSSAF, sont également confuses sur ce point dès lors qu'au moment du contrôle deux hommes d'une quarantaine d'années et de type indien se trouvaient dans cette superette et que le premier, un salarié, remplissait les rayons alors que M. A...a au contraire déclaré qu'il travaillait sur des marchés et était juste venu acheter quelque chose à manger ; que si le procès-verbal rapportant l'interrogatoire de l'inspecteurB..., enregistré le même jour à 14h10 précise " la déclaration préalable à l'embauche n'a pas été effectuée pour le salarié occupé au réapprovisionnement des rayons, alors surpris en flagrant délit lors de notre pénétration dans les lieux ", ce témoignage reflète la même confusion que précédemment, entre les deux hommes qui étaient présents dans la boutique pendant le contrôle ; qu'il suit de là que les faits, rapportés par procès-verbaux, ne permettent pas d'établir que la société ELIAS DISTRIBUTION employait illégalement M. A..., en violation des dispositions précitées de l'article L. 8251-1 du code du travail ; qu'ainsi l'OFII ne pouvait pas mettre à sa charge la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du même code, ni la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société ELIAS DISTRIBUTION est fondée à demander la décharge de l'obligation de payer les deux contributions mises à sa charge par la décision du 6 mars 2014 du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société ELIAS DISTRIBUTION au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le versement d'une somme de 1 500 euros ; qu'en revanche les conclusions présentées aux mêmes fins par l'Office français de l'immigration et de l'intégration, partie perdante ne peuvent être que rejetées, ainsi que celles tendant au paiement de dépens, qui au demeurant, n'ont pas été exposés ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 13 juillet 2015 du Tribunal administratif de Montreuil, ainsi que la décision du 6 mars 2014 du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux de la société ELIAS DISTRIBUTION sont annulés

Article 2 : La société ELIAS DISTRIBUTION est déchargée de l'obligation de payer les deux contributions mises à sa charge par la décision du 6 mars 2014 du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, totalisant une somme de 19 759 euros.

Article 3 : L'OFII versera une somme de 1 500 euros à la société ELIAS DISTRIBUTION au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Les conclusions présentées par l'Office français de l'immigration et de l'intégration tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 15VE03014


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 15VE03014
Date de la décision : 03/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

335-06-02-02 Étrangers. Emploi des étrangers. Mesures individuelles. Contribution spéciale due à raison de l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger.


Composition du Tribunal
Président : Mme BESSON-LEDEY
Rapporteur ?: Mme Marie-Cécile MOULIN-ZYS
Rapporteur public ?: Mme ORIO
Avocat(s) : SELARL SOLON AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-10-03;15ve03014 ?
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