La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/10/2017 | FRANCE | N°15VE02950

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 03 octobre 2017, 15VE02950


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société AIR FRANCE a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision en date du 12 septembre 2014 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a infligé une amende de 5 000 euros pour avoir débarqué sur le territoire français une ressortissante étrangère de nationalité inconnue, en possession d'un passeport congolais manifestement usurpé.

Par un jugement n° 1410697 du 16 juillet 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la

Cour :

Par une requête enregistrée le 17 septembre 2015, la société AIR FRANCE, représen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société AIR FRANCE a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision en date du 12 septembre 2014 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a infligé une amende de 5 000 euros pour avoir débarqué sur le territoire français une ressortissante étrangère de nationalité inconnue, en possession d'un passeport congolais manifestement usurpé.

Par un jugement n° 1410697 du 16 juillet 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 17 septembre 2015, la société AIR FRANCE, représentée par MeB..., demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler la décision du ministre de l'intérieur du 12 septembre 2014 ;

3° à titre subsidiaire, de ramener le montant de l'amende à la somme de 500 euros ;

4° de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision litigieuse est entachée d'une erreur de fait car, contrairement à ce qui est mentionné, elle a présenté des observations en date du 27 mai 2014, en réponse au courrier de l'administration daté du 28 avril 2014 qu'elle a reçu le 5 mai 2014 ;

- la décision est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 625-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car il n'y a pas de dissemblance physionomique manifeste et que les dissemblances décrites par le ministre n'étaient pas visibles à l'oeil nu ; d'ailleurs les services de la police aux frontières (PAF) ont procédé à des agrandissements en format A4, du passeport et du visa litigieux ; les photos des documents de voyage et de la passagère sont identiques s'agissant de l'espace frontal, de l'inflexion des sourcils, de la forme du nez et des narines et des yeux ; par ailleurs il est inexact d'affirmer que ces photos montreraient des dissemblances manifestes au niveau de la forme du visage, de l'espace entre les yeux et de la taille de la bouche, dès lors qu'elles n'ont pas été prises dans les mêmes conditions : celle de la passagère a été prise de plus loin que celle du passeport, sous un angle différent et elle est particulièrement sombre et de surcroît, son format est bien plus grand que celle du passeport, ce qui empêche toute comparaison ;

- à titre subsidiaire : l'amende doit être réduite car d'une part les conditions d'embarquement rendent très difficile le travail de contrôle qui est demandé aux agents de la compagnie et d'autre part, sa bonne foi est avérée.

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des transports ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Moulin-Zys,

- et les conclusions de Mme Orio, rapporteur public.

1. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 6421-2 du code des transports : " Le transporteur ne peut embarquer les passagers pour un transport international qu'après justification qu'ils sont régulièrement autorisés à atterrir au point d'arrivée et aux escales prévues " ; qu'aux termes du 1er alinéa de l'article L. 625-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Est punie d'une amende d'un montant maximum de 5 000 euros l'entreprise de transport aérien ou maritime qui débarque sur le territoire français, en provenance d'un autre Etat, un étranger non ressortissant d'un Etat de l'Union européenne et démuni du document de voyage et, le cas échéant, du visa requis par la loi ou l'accord international qui lui est applicable en raison de sa nationalité. Est punie de la même amende l'entreprise de transport aérien ou maritime qui débarque, dans le cadre du transit, un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne et démuni du document de voyage ou du visa requis par la loi ou l'accord international qui lui est applicable compte tenu de sa nationalité et de sa destination " ; qu'aux termes de l'article L. 625-2 du même code : " Le manquement est constaté par un procès-verbal établi par un fonctionnaire appartenant à l'un des corps dont la liste est définie par décret en Conseil d'Etat. Copie du procès-verbal est remise à l'entreprise de transport intéressée. Le manquement ainsi relevé donne lieu à une amende prononcée par l'autorité administrative compétente. L'amende peut être prononcée autant de fois qu'il y a de passagers concernés. Son montant est versé au Trésor public par l'entreprise de transport. / L'entreprise de transport a accès au dossier et est mise à même de présenter ses observations écrites dans un délai d'un mois sur le projet de sanction de l'administration. La décision de l'autorité administrative, qui est motivée, est susceptible d'un recours de pleine juridiction. / L'autorité administrative ne peut infliger d'amende à raison de faits remontant à plus d'un an " ; enfin qu'aux termes de l'article L. 625-5 du même code : " Les amendes prévues aux articles L. 625-1 (...) ne sont pas infligées : (...) 2° Lorsque l'entreprise de transport établit que les documents requis lui ont été présentés au moment de l'embarquement et qu'ils ne comportaient pas d'élément d'irrégularité manifeste " ;

2. Considérant qu'il résulte tant de ces dispositions, adoptées en vue de donner leur plein effet aux stipulations de l'article 26 de la convention de Schengen signée le 19 juin 1990, que de l'interprétation qu'en a donnée le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 92-307 DC du 25 février 1992, qu'elles font obligation aux transporteurs aériens de s'assurer, au moment des formalités d'embarquement, que les voyageurs ressortissants d'Etats non membres de la Communauté économique européenne, devenue l'Union européenne, sont en possession de documents de voyage leur appartenant, le cas échéant revêtus des visas exigés par les textes, non falsifiés et valides ; que si ces dispositions n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de conférer au transporteur un pouvoir de police aux lieu et place de la puissance publique, elles lui imposent de vérifier que l'étranger est muni des documents de voyage et des visas éventuellement requis et que ceux-ci ne comportent pas d'éléments d'irrégularité manifeste, décelables par un examen normalement attentif des agents de l'entreprise de transport ; qu'en l'absence d'une telle vérification, le transporteur encourt l'amende administrative prévue par les dispositions précitées ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme A...se présentant sous le nom de C...D..., de nationalité indéterminée, a débarqué le 20 septembre 2013 à l'aéroport Roissy Charles-de-Gaulle du vol n° AF 889 en provenance de Kinshasa (RDC), munie d'un passeport congolais revêtu d'un visa Schengen que les services de la police aux frontières ont estimé manifestement usurpé ; que, par la décision litigieuse du 12 septembre 2014, le ministre de l'intérieur a infligé une amende d'un montant de 5 000 euros à la société Air France pour avoir débarqué sur le territoire français une ressortissante étrangère munie de documents de voyage " manifestement usurpés " ;

4. Considérant que la décision du 12 septembre 2014 mentionne que la voyageuse était " démunie de document de voyage ... le passeport congolais présenté étant manifestement usurpé (...) ; " la voyageuse a la forme du visage plus allongée, l'espace entre les yeux moins important et la bouche plus petite que la personne figurant sur la photographie du passeport. (...) et qu'un agent d'embarquement, rompu au contrôle des documents pouvait détecter les signes visibles à l'oeil nu d'une usurpation " ; qu'il résulte de l'instruction, notamment, de la comparaison de la photographie figurant sur le passeport avec celle prise de la personne débarquée par les services de la police aux frontières que les caractéristiques physiques des deux individus différaient d'une manière manifeste, particulièrement en ce qui concerne la forme du visage, la taille de la bouche et l'espacement des yeux, sans que l'angle de vue ou l'exposition spécifique de la photographie de la personne débarquée ne fasse, en l'espèce, obstacle à ce constat ; qu'en outre, sont également manifestes les dissemblances du même ordre, qui ressortent de la comparaison entre la photographie figurant sur le passeport et celle figurant sur le visa Schengen, cette dernière photographie étant d'ailleurs celle de la voyageuse débarquée ; que, par suite, c'est sans erreur d'appréciation que le ministre de l'intérieur a considéré que la société Air France avait méconnu les dispositions de l'article L. 625-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et lui a infligé l'amende prévue au titre des manquements énoncés par les dispositions des articles précités ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que si la société Air France, en réponse au courrier de l'administration daté du 28 avril 2014, a émis un courrier en date du 27 mai 2014, celui-ci se bornait à préciser que, sans contester la véracité des preuves apportées, elle pouvait néanmoins s'interroger sur leur pertinence pour retenir sa responsabilité ; que les termes dudit courrier ne sauraient être regardés comme constituant des observations formulées pour contester la sanction envisagée par l'administration ; que, dans ces conditions, l'administration n'a pas commis d'erreur de fait en mentionnant que la requérante n'avait pas présenté d'observations en réponse à son courrier du 28 avril 2014 ;

6. Considérant, en dernier lieu, qu'il appartient au juge administratif, saisi d'un recours de pleine juridiction contre la décision infligeant une amende sur le fondement des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de statuer sur le bien-fondé de la décision contestée et de réduire, le cas échéant, le montant de l'amende infligée en tenant compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce ;

7. Considérant que, compte tenu du caractère aisément décelable de l'irrégularité relevée et, en l'absence de toute circonstance particulière invoquée par la société Air France, cette dernière n'est pas fondée à demander la réduction du montant de l'amende qui lui a été infligée par la décision contestée ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Air France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 12 septembre 2014 ; que dès lors, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société AIR FRANCE est rejetée.

2

N° 15VE02950


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 15VE02950
Date de la décision : 03/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05-15 Police. Polices spéciales. Police des aérodromes (voir : Transports).


Composition du Tribunal
Président : Mme BESSON-LEDEY
Rapporteur ?: Mme Marie-Cécile MOULIN-ZYS
Rapporteur public ?: Mme ORIO
Avocat(s) : AARPI VATIER et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 10/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-10-03;15ve02950 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award