Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme C...B...ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par ordonnance du 14 septembre 2015, le président de la 1ère section du Tribunal administratif de Paris a, en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, transmis cette demande au Tribunal administratif de Montreuil.
Par un jugement n° 1508027 du 11 avril 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté ladite demande.
Procédure devant la Cour :
Par ordonnance du 13 juin 2016, le président de la 2ème chambre de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, transmis à la Cour, la requête de M. et Mme B...enregistrée le 9 juin 2016.
Par cette requête, enregistrée le 10 juin 2016, et deux mémoires, enregistrés les 30 mars, 15 juin et 24 juillet 2017, M. et MmeB..., représentés par MeA...'h, avocat, demandent à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de prononcer la décharge sollicitée ;
3° de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'administration n'a pas, avant l'envoi de la proposition de rectification, respecté l'exigence du débat oral et contradictoire qui découle des articles L. 47 à L. 50 du livre des procédures fiscales ; elle n'a pas davantage poursuivi ce débat à la suite de leurs observations ;
- par ailleurs, en jugeant que l'exigence d'un dialogue contradictoire avait été satisfaite, s'agissant des redressements opérés sur le fondement de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, sans rechercher au préalable si, comme la charte des droits et obligations du contribuable vérifié le recommandait, un tel dialogue avait également porté sur les discordances relevées par le vérificateur, à partir des relevés bancaires fournis par le contribuable, avant l'envoi de la demande d'éclaircissements et de justifications, le tribunal a commis une erreur de droit ;
- la proposition de rectification du 21 octobre 2013 est insuffisamment motivée ; en effet, d'une part, elle n'apporte aucune précision sur la comptabilisation par la société Sam Bati des sommes taxées sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts ; d'autre part, le vérificateur ne fait pas référence à la proposition de rectification adressée à cette société ; enfin, aucune explication n'est donnée quant aux conditions dans lesquelles le service a pu identifier les distributions provenant des clients de la société Sam Bati ;
- en outre, si un droit de communication a été exercé, l'origine et la teneur des renseignements auraient dû être mentionnées en application de l'article L. 76 B du libre des procédures fiscales ;
- l'administration n'apporte pas la preuve de la notification régulière de la réponse aux observations du contribuable.
..........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Huon,
- et les conclusions de M. Coudert, rapporteur public,
1. Considérant que l'administration a procédé, au titre des années 2010 et 2011, à une vérification de comptabilité de la SARL Sam Bati, entreprise de bâtiment dont M. B...était gérant, ainsi qu'à un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de M. et Mme M. B...; qu'à l'issue de ces contrôles et aux termes d'une proposition de rectification du 21 octobre 2013, le service a rectifié les revenus déclarés par les intéressés au titre des années en cause à raison, d'une part, de revenus de capitaux mobiliers imposés, selon la procédure contradictoire, sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts et, d'autre part, de revenus d'origine indéterminée taxés d'office en application des dispositions des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales ; que M. et Mme B...relèvent appel du jugement du 11 avril 2016 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont ainsi été assujettis au titre des années 2010 et 2011, ainsi que des pénalités correspondantes ;
2. Considérant, en premier lieu, que le caractère contradictoire que doit revêtir l'examen de la situation fiscale personnelle d'un contribuable au regard de l'impôt sur le revenu en vertu des articles L. 47 à L. 50 du livre des procédures fiscales interdit au vérificateur d'adresser la notification de redressement qui, selon l'article L. 48 de ce livre, marquera l'achèvement de son examen, sans avoir au préalable engagé un dialogue contradictoire avec le contribuable sur les points qu'il envisage de retenir ;
3. Considérant, d'une part, qu'il n'est pas contesté, ainsi que le fait valoir le ministre, que, durant l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle, M. B...a été reçu par le vérificateur les 29 mars et 18 octobre 2013 et qu'il lui a alors été loisible de présenter ses observations sur les crédits bancaires inexpliqués et, plus généralement, sur le détail des rectifications envisagées ; qu'il n'est pas davantage contesté que les contribuables, qui n'apportent aucune explication sur ce point, n'étaient ni présents ni régulièrement représentés aux autres rendez-vous qui leur ont pourtant été proposés les 16 septembre, 25 septembre et 7 octobre 2013 ; que, dans ces conditions, M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir qu'ils auraient été privés d'un débat contradictoire avant l'envoi de la proposition de rectification du 21 octobre 2013 ;
4. Considérant, d'autre part, que, dès lors que la réponse aux observations du contribuable n'a ni pour objet ni pour effet de rouvrir un tel débat, la double circonstance, au demeurant alléguée en termes confus, que l'administration n'ait entrepris " aucune autre démarche vis-à-vis-des contribuables " après l'envoi de cette réponse et que cette dernière ne les ait pas invités à poursuivre le dialogue contradictoire n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure d'imposition ;
5. " Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L 10 du livre des procédures fiscales: " Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L 12 et L 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration. " ; que, dans sa version applicable à la date des opérations de contrôle, la charte des droits et obligations du contribuable vérifié prévoyait les dispositions suivantes : " Dans le cadre de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle, le dialogue joue également un rôle très important tout au long de la procédure. Il vous permet de présenter vos explications sur les discordances relevées par le vérificateur à partir des informations dont il dispose " ;
6. Considérant qu'il ne résulte pas de ces dispositions que le vérificateur était tenu, avant d'avoir recours à la procédure de demande de justifications prévue par les dispositions de l'article L 16 du livre des procédures fiscales, d'engager avec le contribuable un dialogue sur les discordances relevées par lui ; que, par suite, le moyen tiré de l'absence d'un tel dialogue est, en tout état de cause, inopérant ;
7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile ; qu'en revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs ;
8. Considérant, d'une part, qu'aux termes de la proposition de rectification du 21 octobre 2013, le service a indiqué qu'il ressortait de la vérification de comptabilité de la SARL Sam Bati, gérée par M.B..., que M. et Mme B...avaient bénéficié de la part de cette société de sommes créditées sur leurs comptes bancaires personnels, pour un montant total de 3 670,12 euros en 2010 et 64 837,55 euros en 2011, dont le détail figurait de manière précise en annexe ; qu'au paragraphe 4-2 de cette proposition, le vérificateur a précisé qu'à l'exclusion d'une somme de 36 000 euros au titre de l'année 2011 représentant la rémunération du gérant, les sommes en cause, dépourvues de contrepartie pour l'entreprise, d'une part, n'avaient fait l'objet de la part de la SARL Sam Bati d'aucune inscription explicite en comptabilité, en tant qu'avantages en nature, en méconnaissance des dispositions de l'article 54 bis du code général des impôts et, d'autre part, n'avaient pas été déclarées par le foyer fiscal ; que le vérificateur a ainsi conclu qu'elles devaient s'analyser comme des rémunérations et avantages occultes au sens du c. de l'article 111 du code général des impôts et être imposées à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; qu'ainsi, s'agissant de ce chef de rectification, l'administration a fourni aux contribuables l'ensemble des éléments de droit et de fait de nature à leur permettre de présenter utilement leurs observations ; que la proposition de rectification du 21 octobre 2013 était ainsi suffisamment motivée sur ce point au regard des exigences posées par l'article L. 57 précité du livre des procédures fiscales, sans qu'importe la circonstance qu'elle n'était pas accompagnée de la proposition de rectification adressée à la société, dès lors qu'elle en avait reproduit la teneur ;
9. Considérant, d'autre part et en revanche, que si le vérificateur a détaillé les versements, d'un montant total de 11 679,83 euros, effectués en 2010 au profit M. et Mme B...par d'autres sociétés, clientes de la SARL Sam Bati, il n'a, ni dans le paragraphe 4-2 mentionné ci-dessus, relatif aux seules distributions de cette société, ni dans aucun autre paragraphe, indiqué les raisons de fait ou de droit pour lesquelles l'administration a estimé devoir rehausser les bases imposables des sociétés concernées et imposer les sommes correspondantes en tant que revenus de capitaux mobiliers ; qu'en s'abstenant de fournir, même de manière succincte, des précisions sur ce point, le service n'a pas donné aux contribuables les motifs du rehaussement en cause, contrairement aux exigences des dispositions législatives précitées ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen soulevé à l'encontre de cette rectification et tiré de la violation de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, M. et Mme B...sont fondés à soutenir qu'elle a été établi au terme d'une procédure irrégulière et, pour ce motif, à demander la décharge des impositions supplémentaires et des pénalités qui en découle ;
10. Considérant, enfin, qu'il ressort des pièces produites par l'administration devant le tribunal administratif et notamment des indications portées sur le pli recommandé contenant la réponse aux observations du contribuable du 15 janvier 2014 que ce pli a été présenté le 18 janvier 2014 au domicile de M. et MmeB..., lesquels, absents, ont été informés le même jour de sa mise en instance au bureau de poste, puis retourné à l'administration à l'issue du délai de mise en instance avec la mention " avisé - non réclamé " ; qu'ainsi, et contrairement à ce que soutiennent les requérants, le ministre établit que la réponse aux observations du contribuable doit être regardée comme leur ayant été régulièrement notifiée le 18 janvier 2014 ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B...sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a refusé de prononcer la décharge des impositions supplémentaires et des pénalités mises à leur charge au titre de l'année 2010 à raison du chef de rectification mentionné au point 9. ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
" Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
13. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme que demandent M. et Mme B...au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les bases d'imposition à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales assignées à M. et Mme B...au titre de l'année 2010 dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sont réduites de 11 679,83 euros.
Article 2 : M. et Mme B...sont déchargés des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, ainsi que des pénalités correspondantes, auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2010, dans la limite de la réduction de bases prononcée à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le jugement n° 1508027 du 11 avril 2016 du Tribunal administratif de Montreuil est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme B...est rejeté.
5
N° 16VE01763