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19/09/2017 | FRANCE | N°15VE01607

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 19 septembre 2017, 15VE01607


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société BPD France a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la restitution d'une somme de 7 498 645 euros, correspondant à une fraction des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale assise sur cet impôt dont elle s'est acquittée au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts.

Par un jugement n° 1304207 du 30 mars 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé la décharge

partielle de ces impositions à hauteur d'un montant global de 6 996 949 euros au titr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société BPD France a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la restitution d'une somme de 7 498 645 euros, correspondant à une fraction des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale assise sur cet impôt dont elle s'est acquittée au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts.

Par un jugement n° 1304207 du 30 mars 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé la décharge partielle de ces impositions à hauteur d'un montant global de 6 996 949 euros au titre des mêmes exercices et mis à la charge de l'État la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par un recours et six mémoires, enregistrés le 22 mai 2015 et les 24 novembre 2015, 4 avril, 20 mai, 13 septembre, 10 octobre et 9 décembre 2016, le MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS demande à la Cour :

1° d'annuler les articles 1er et 2ème de ce jugement par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé la décharge partielle des impositions et mis à la charge de l'État le versement, à la société BPD France, d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° de juger que la société BPD France ne remplit pas les conditions pour constituer un groupe fiscal intégré avec ses sociétés soeurs Mad Development et BFPH France et les sociétés affiliées et qu'en tout état de cause, elle ne justifie pas du résultat d'ensemble du groupe dont elle sollicite la constitution ;

3° d'ordonner le reversement de la somme de 6 996 949 euros dont la restitution a été accordée à tort à la société BPD France en exécution du jugement attaqué.

Il soutient que :

- l'article 223 A du code général des impôts et les dispositions prises pour son application subordonnent la constitution d'un régime de groupe à la notification d'une option en ce sens, de même qu'à la réalisation d'une série de conditions substantielles, telles que, notamment, la détention d'un minimum de capital, la similitude des dates de clôture des exercices entre les sociétés affiliées ainsi que leur accord mutuel ;

- en l'absence de texte autorisant l'intégration horizontale au titre des exercices en litige, l'administration ne pourrait légalement s'opposer à une imputation des déficits des filiales dans leurs résultats propres, telle que prévue à l'article 209 du code général des impôts, quand bien même ces déficits auraient été comptabilisés dans le résultat d'ensemble du groupe ; ainsi, lorsque le tribunal juge superfétatoire la nécessité d'un accord formel des sociétés membres, le respect des obligations déclaratives précédentes et la conclusion d'une convention d'intégration, il commet une erreur de droit ;

- accéder à la demande d'intégration horizontale de la société BPD France sans vérifier qu'elle en remplit les conditions légales et que les modalités de retraitement et de calcul du résultat d'ensemble ont correctement été effectuées conduit, en outre, à l'émergence d'une discrimination à rebours à l'égard des groupes constitués entre sociétés résidentes, qui sont tenus au respect de ces conditions de forme et délais ; il appartient donc à la société BPD France de justifier qu'elle remplit effectivement ces conditions si elle entend bénéficier du régime de groupe qu'elle sollicite ; la transmission tardive des déclarations rectificatives des membres de ce groupe pour la détermination du résultat d'ensemble, par la société BPB France, ne permet pas de remplir ces conditions, notamment en l'absence d'accords formels de la grand-mère néerlandaise Rabobank Nerderland (ou de la mère Rabo Vastgoedgroep Holding NV) et de ceux de l'ensemble des filiales détenues à plus de 95 % par les sociétés tête de groupe, BPD France, MAB Development et BFPH France ;

- l'argumentation de la société BPD France tendant à faire valoir l'indemnisation d'un préjudice est inopérante dans le cadre d'un contentieux d'assiette ;

- l'administration laisse le soin à la Cour d'apprécier le caractère tardif de la transmission de l'accord de filiales, notamment par rapport à la date de réclamation de la société BPD France ;

- en exécution du jugement attaqué, la restitution des impositions a été assortie des intérêts moratoires définis à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ; dans cette mesure, l'intimée ne saurait bénéficier de ceux entrant dans le champ de l'article 1153 du code civil ;

- si la société BPD France persiste à affirmer que les sociétés MAB Development et BFPH France sont structurellement déficitaires, elle ne l'établit pas ; l'administration réitère ses observations précédentes selon lesquelles il appartient à la société de justifier des retraitements ou de l'absence de retraitement des résultats individuels et du résultat d'ensemble qui l'a conduise à revendiquer la restitution d'une somme de 6 996 949 euros au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne le 12 juin 2014 dans les affaires jointes C-39/13, C-40/13 et C-41/13 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Locatelli, premier conseiller,

- les conclusions de M. Coudert, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour la société BPD France.

1. Considérant que les sociétés françaises BPD France, MAB Development France et Bouwfonds Financiering Participates Holding France (BFPHF), chacune à la tête d'un groupe fiscal intégré au sens de l'article 223 A du code général des impôts, sont elles-mêmes indirectement détenues à plus de 95 % par les sociétés de droit néerlandais Rabobank et Rabo Vastgoedgroep Holding NV, par l'intermédiaire des filiales BPD Frankrijk BV pour la première, et MAB Development Group BV pour les deux suivantes, toutes deux également de droit néerlandais ; que la société BPD France a réclamé à l'administration fiscale, le 28 décembre 2012, la restitution d'une fraction des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale assise sur cet impôt dont elle s'était acquittée à hauteur des sommes respectives de 1 471 572 euros, 1 444 886 euros et 4 080 491 euros au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011, au motif que l'impossibilité dans laquelle la plaçait la législation française de constituer un groupe fiscal intégré avec les sociétés des groupes MAB Development France et BFPHF et, par suite, d'imputer leurs déficits fiscaux sur ses bénéfices imposables, est contraire au principe de la liberté d'établissement protégé à l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; qu'après que l'administration a rejeté sa réclamation, la société BPD France a saisi le Tribunal administratif de Montreuil qui, par un jugement du 30 mars 2015, dont le MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS relève appel, a partiellement fait droit à sa demande de restitution, à concurrence d'une somme de 6 996 949 euros ;

Sur la compatibilité du régime de l'intégration fiscale défini aux articles 223 A et suivants du code général des impôts avec la liberté d'établissement garantie par l'article 49 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 223 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " Une société peut se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 % au moins du capital, de manière continue au cours de l'exercice, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés ou d'établissements stables membres du groupe / (...) / Les sociétés du groupe restent soumises à l'obligation de déclarer leurs résultats / (...) / Seules peuvent être membres du groupe les sociétés ou les établissements stables qui ont donné leur accord et dont les résultats sont soumis à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun (...) " ; qu'aux termes de l'article 223 B de ce code : " Le résultat d'ensemble est déterminé par la société mère en faisant la somme algébrique des résultats de chacune des sociétés du groupe (...) " ; qu'enfin, sont neutralisées, par application de ce dernier article et des articles 223 D et 223 F du même code, les opérations internes au groupe, telles que celles relatives aux provisions pour créances douteuses ou pour risques, aux abandons de créance, aux subventions internes, aux provisions pour dépréciation de participations et aux cessions d'immobilisations entre sociétés du groupe ;

3. Considérant que la liberté d'établissement, que l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) reconnaît aux ressortissants européens, et qui comporte pour eux l'accès aux activités non salariées et l'exercice de celles-ci ainsi que la constitution et la gestion d'entreprises dans les mêmes conditions que celles définies par la législation de l'État membre d'établissement pour ses propres ressortissants, comprend, conformément à l'article 54 TFUE, pour les sociétés constituées en conformité avec la législation d'un État membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l'intérieur de l'Union européenne, le droit d'exercer leur activité dans l'État membre concerné par l'intermédiaire d'une filiale, d'une succursale ou d'une agence ; qu'à cet égard, la possibilité ouverte, par le régime de l'intégration fiscale, à une société mère résidente d'alléger son imposition en lui permettant de consolider les résultats de toutes les sociétés du groupe fiscalement intégré, est constitutive d'un avantage de trésorerie pour les sociétés concernées en ce que, notamment, la compensation des bénéfices et des pertes autorisées permet au groupe une prise en compte immédiate des pertes de certaines sociétés membres et, ainsi, de conserver aux transactions effectuées au sein du groupe un caractère fiscalement neutre ;

4. Considérant qu'en vertu des articles 223 A et suivants du code général des impôts, cet avantage fiscal n'est toutefois pas accordé à des sociétés ayant leur siège en France mais qui sont détenues directement ou indirectement par une société mère établie dans un autre État membre au moyen, le cas échéant, de filiales intermédiaires elles-mêmes établies dans d'autres États membres, du moins tant que la société mère et les filiales intermédiaires n'exercent aucune activité en France, notamment par l'entremise d'un établissement stable, alors qu'une société mère française a la faculté de constituer une intégration fiscale avec ses filiales ou ses sous-filiales résidentes détenues par l'intermédiaire de filiales établies en France ou y ayant un établissement stable ; que les dispositions précitées créent ainsi une différence de traitement entre, d'une part, les sociétés mères ayant leur siège en France qui, grâce au régime de l'intégration fiscale, peuvent, aux fins de l'établissement de leur bénéfice imposable, imputer immédiatement les pertes de leurs filiales déficitaires sur les résultats de leurs filiales bénéficiaires et, d'autre part, les sociétés mères détenant également des filiales en France mais qui, ayant leur siège dans un autre État membre et ne disposant pas d'établissement stable en France, sont exclues du bénéfice de l'entité fiscale et, partant, de l'avantage de trésorerie auquel elle ouvre droit ; qu'ainsi, en tant qu'elles défavorisent, sur le plan fiscal, les situations européennes par rapport aux situations purement internes, ces dispositions constituent une restriction en principe interdite par les stipulations du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne relatives à la liberté d'établissement ; que l'existence de cette restriction n'est pas remise en cause par la circonstance que la société mère commune des filiales à consolider se trouve à un niveau plus élevé de la chaîne de participations du groupe dès lors que les sociétés intermédiaires, dont le siège n'est pas en France et qui n'y disposent pas d'un établissement stable, ne peuvent pas elles-mêmes faire partie de l'intégration fiscale ;

5. Considérant, toutefois, qu'une telle différence de traitement demeure compatible avec les stipulations du traité relatives à la liberté d'établissement si elle concerne des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou si elle est justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général ; que la comparabilité d'une situation européenne avec une situation interne doit être examinée en tenant compte de l'objectif poursuivi par la législation en cause ;

6. Considérant que l'objectif du régime français de l'intégration fiscale, qui est de permettre aux sociétés d'un même groupe d'être considérées le plus possible comme une entreprise unique formant un seul et même contribuable, peut être atteint aussi bien par des groupes dont la société mère est résidente que par ceux dont la société mère ne l'est pas, à tout le moins pour ce qui concerne l'imposition des seules sociétés assujetties à l'impôt en France ; que, dès lors que l'article 223 A du code général des impôts permet, dans le cas d'un groupe dont la société mère est résidente, la consolidation des filiales et que cet objectif peut également être en partie atteint, dans le cas d'une société mère étrangère, en ne permettant qu'aux seules filiales établies en France de faire l'objet d'une consolidation de leurs résultats, la différence de traitement, s'agissant de la possibilité d'intégrer uniquement des sociétés " soeurs " ou " cousines " résidentes, n'est pas justifiée par une différence de situation objective, ni par un motif impérieux d'intérêt général, ainsi qu'en a jugé, à propos du régime néerlandais d'intégration fiscale, la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 12 juin 2014, sous l'affaire C-40/13, au terme duquel elle a dit pour droit que l'article 49 TFUE, lu en combinaison avec l'article 54 TFUE, doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à un régime d'intégration fiscale qui, dans le cadre de l'imposition des bénéfices des sociétés, n'offre aux filiales nationales la possibilité de constituer entre elles une entité fiscale que si leur société mère est également établie sur le territoire national ou si, bien qu'établie dans un autre État membre, elle dispose d'un établissement stable sur ce territoire ;

7. Considérant que si les régimes d'intégration fiscale français et néerlandais diffèrent en ce que, dans le système français, chaque société établit son propre résultat et ne s'octroie qu'ensuite les effets de l'intégration fiscale sous la forme de transferts de perte et de la neutralisation fiscale de chacune des transactions internes au groupe, alors que, dans le système néerlandais, ce résultat est atteint en traitant les sociétés du groupe comme un seul contribuable, cette circonstance n'est pas de nature à entraîner une appréciation différente quant à l'existence d'une restriction injustifiée à la liberté d'établissement, ainsi d'ailleurs que le reconnaît le ministre ;

Sur l'obligation d'avoir à respecter, pour la constitution du groupe fiscal revendiqué, l'option et les accords donnés par les sociétés membres prévus aux 1er et 6ème alinéas de l'article 223 A du code général des impôts dans les conditions de forme et délais prescrits au 7ème alinéa de cet article ainsi qu'aux articles 46 quater-0 ZD et 46 quater-0 ZE de l'annexe III à ce code, pris pour son application :

8. Considérant qu'aux termes des dispositions du 7ème alinéa de l'article 223 A du code général des impôts : " Les options mentionnées aux premier, deuxième ou troisième alinéas sont notifiées au plus tard à l'expiration du délai prévu au deuxième alinéa du 1 de l'article 223 pour le dépôt de la déclaration de résultat de l'exercice précédant celui au titre duquel le régime défini au présent article s'applique. Elles sont valables pour une période de cinq exercices. Les accords mentionnés au sixième alinéa sont formulés au plus tard à l'expiration du délai prévu pour le dépôt de la déclaration de résultat de l'exercice précédant celui où la société devient membre du groupe (...). Les options et les accords sont renouvelés par tacite reconduction, sauf dénonciation (...) " ; que, selon l'article 46 quater-0 ZD de l'annexe III à ce code, pris pour leur application : " Les options mentionnées aux premier, deuxième et troisième alinéas de l'article 223 A du code général des impôts sont notifiées au service des impôts auprès duquel est souscrite la déclaration du résultat d'ensemble. / La société mère adresse à ce même service : 1. Lors de la notification de l'option : a) la liste des personnes morales et des établissements stables qui seront membres du groupe / (...) / b) Des attestations par lesquelles les sociétés filiales font connaître leur accord pour que la société mère retienne leurs propres résultats pour la détermination du résultat d'ensemble (...) " et qu'en vertu de l'article 46 quater-0 ZE de la même annexe : " Les sociétés filiales qui acceptent de faire partie du groupe défini à l'article 223 A du code général des impôts adressent l'attestation mentionnée à l'article 46 quater-0 ZD au service dont elles relèvent au plus tard à l'expiration du délai de dépôt de la déclaration de résultat de l'exercice précédant celui au titre duquel le régime défini à l'article 223 A précité s'applique. L'accord est valable jusqu'à la sortie du groupe de la société filiale concernée. Il peut être dénoncé au plus tard à l'expiration du délai de dépôt de la déclaration de résultat du dernier exercice précédant la période couverte par le renouvellement de l'option prévu au septième alinéa de l'article 223 A précité. / (...) / Pour remplir les obligations prévues au présent article et à l'article 46 quater-0 ZD, la société doit utiliser des documents conformes aux modèles établis par l'administration " ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 6. et 7., que la législation fiscale française, alors applicable, ne reconnaissait pas à la société BPD France le droit de devenir seule redevable de l'impôt sur les sociétés du groupe intégré qu'elle aurait formé avec les sociétés des groupes MAB Development France et BFPHF en faveur duquel elle avait opté, en sorte que le ministre ne saurait lui faire grief de ne pas avoir produit, dès l'introduction de sa réclamation, l'accord donné par les sociétés candidates à la formation d'un tel groupe ; qu'en effet, quand bien même ces sociétés auraient formulé leur accord dans le délai prévu au 7ème alinéa de l'article 223 A, l'administration, en l'absence de loi autorisant l'intégration horizontale de sous-filiales résidentes détenues par des sociétés non résidentes et, a fortiori, de dispositions en prévoyant les modalités d'exercice, se serait, en tout état de cause, opposée, par principe, à sa constitution - ce qu'elle a d'ailleurs fait, ainsi qu'il a été rappelé au point 1. du présent arrêt ;

10. Considérant, en revanche, que, dès lors que la faculté de constituer un groupe d'intégration fiscale horizontale est reconnue à la société qui en sollicite la formation, il lui appartient de produire, à la demande de l'administration, au plus tard devant le juge de l'impôt, les accords des sociétés candidates à l'intégration, mentionnés au 7ème alinéa de l'article 223 A du code général des impôts, dans les formes et conditions prescrites aux articles 46 quater-0 ZD et 46 quater-0 ZE de l'annexe III à ce code, dans leur version en vigueur durant les années en cause, qui lui sont applicables ; que, toutefois, la seule circonstance que ces sociétés n'auraient pas, pour exprimer leur accord, fait usage des documents conformes aux modèles établis par l'administration ne suffit pas à leur faire perdre le droit de se constituer en groupe fiscal intégré, ce formalisme, prévu au dernier alinéa de l'article 46 quater-0 ZE de l'annexe III au code général des impôts, ne constituant pas une condition substantielle à la manifestation de leur accord ;

11. Considérant que, dans le dernier état de ses écritures, le ministre soutient que la transmission tardive, le 9 novembre 2016, par la société BPD France, des déclarations fiscales relatives au régime de groupe dont elle sollicite la constitution, ne saurait la dispenser de communiquer les accords donnés à sa formation, de la grand-mère et de la mère interposée, de droit néerlandais, Rabobank et Rabo Vastggoedgroep Holding NV, ainsi que de ceux de l'ensemble des filiales détenues à plus de 95 % par les sociétés BPD France, MAD Development France et BFPHF ;

12. Considérant qu'il résulte de l'article 223 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige, en particulier de son 6ème alinéa, que seules sont tenus de donner leur accord à la formation d'un groupe fiscal, les sociétés ou les établissements stables membres de ce groupe ; que, si l'article 63 de la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014 a modifié les dispositions de l'article 223 A, et notamment fait obligation à une société membre d'accompagner son accord de celui de l'entité mère non résidente et des sociétés étrangères, ces dernières dispositions n'ont toutefois été rendues applicables, conformément à l'article 71 de la loi de finances rectificative pour 2014, qu'à compter des exercices clos au plus tôt le 31 décembre 2014 ; que, par suite, c'est à tort que le ministre exige, au titre des exercices en litige, que l'accord de la société BPD France soit également accompagné de ceux des sociétés néerlandaises qui, par hypothèse, ne sont pas parties à l'intégration ;

13. Considérant, toutefois, que le ministre est fondé à solliciter la production des accords des filiales détenues à plus de 95 % par les sociétés BPD France, MAD Development France et BFPHF, dès lors qu'elles auraient eu la qualité de membres du groupe d'intégration ; qu'ainsi qu'il ressort des " déclarations rectificatives " relatives au régime de groupe de sociétés établies, signées et transmises par la société défenderesse le 9 novembre 2016 - et au nombre desquels figurent notamment la " liste des sociétés membres " et les " tableaux de synthèse du résultat et des plus ou moins-values des sociétés membres du groupe à retenir pour la détermination du résultat d'ensemble " - que le périmètre du groupe comptait quinze sociétés membres au titre de l'exercice clos en 2009, et en comprenait encore treize au titre des deux exercices suivants ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que la société BPD France n'accompagne son accord, qui résulte de sa réclamation, que des accord donnés, par actes signés en date du 8 avril 2016, des sociétés MAD Development France et BFPHF, en leur seule qualité de société mère, ainsi que de celui de la filiale MAD Participations ; que, dans la mesure où elle ne fait état d'aucun obstacle qui aurait rendu la communication des autres accords, impossible ou excessivement difficile, alors qu'il lui était loisible de les produire jusque devant le juge administratif de l'impôt, la demande de constitution d'un groupe fiscal intégré, telle qu'elle est formulée par la société BPD France, ne peut être accueillie ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du recours, que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES est fondé à soutenir que c'est à tort que, par les articles 1er et 2ème du jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé la restitution d'une somme de 6 996 949 euros correspondant à une fraction des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale assise sur cet impôt dont la société BPD France s'était acquittée au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011 et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, en conséquence, de réformer le jugement attaqué et de rétablir la société BPD France au rôle de l'impôt sur les sociétés et de la contribution sociale assisse sur cet impôt au titre des mêmes exercices, à concurrence de la somme dont la décharge a été prononcée à tort en première instance ;

Sur les conclusions de la société BPD France tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, la somme que la société intimée sollicite au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Les articles 1er et 2ème du jugement n° 1304207 du Tribunal administratif de Montreuil, en date du 30 mars 2015, sont annulés.

Article 2 : Les cotisations d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale assise sur cet impôt dont la restitution a été prononcée à hauteur d'une somme globale de 6 996 949 euros au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011, sont intégralement remises à la charge de la société BPD France.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société BPD France sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

N° 15VE01607 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04-03-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales. Détermination du bénéfice imposable.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. BERGERET
Rapporteur ?: M. Franck LOCATELLI
Rapporteur public ?: M. COUDERT
Avocat(s) : CABINET ARSENE TAXAND

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Date de la décision : 19/09/2017
Date de l'import : 26/09/2017

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 15VE01607
Numéro NOR : CETATEXT000035602004 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-09-19;15ve01607 ?
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