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20/07/2017 | FRANCE | N°16VE02290

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 20 juillet 2017, 16VE02290


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société ADECCO HOLDING FRANCE a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de lui accorder la restitution de la taxe additionnelle à la cotisation de valeur ajoutée sur les entreprises dont elle s'est acquittée au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1408751 du 2 juin 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par un recours, enregistré le 19 juillet 2016, la société ADECCO HOLDING FRANCE, représentée par Me Roirand, a

vocat, demande à la Cour :

1° de réformer ce jugement ;

2° de lui accorder la restitution de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société ADECCO HOLDING FRANCE a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de lui accorder la restitution de la taxe additionnelle à la cotisation de valeur ajoutée sur les entreprises dont elle s'est acquittée au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1408751 du 2 juin 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par un recours, enregistré le 19 juillet 2016, la société ADECCO HOLDING FRANCE, représentée par Me Roirand, avocat, demande à la Cour :

1° de réformer ce jugement ;

2° de lui accorder la restitution de la taxe additionnelle à la cotisation de valeur ajoutée sur les entreprises dont elle s'est acquittée pour un montant, frais de gestion inclus, de 4 497 euros au titre de l'année 2012, augmenté des intérêts moratoires ;

3° de mettre à la charge de l'État la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société ADECCO HOLDING FRANCE soutient que :

- les dispositions du II de l'article 39 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 ne lui sont pas opposables dès lors qu'elles n'ont pas été correctement retranscrites sur le site " Légifrance " lors de la codification du texte à l'article 1600 du code général des impôts ;

- l'article 39 de la loi du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012, qui institue le recouvrement de la taxe additionnelle à la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises, est contraire au paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui garantit le droit à un procès équitable, en ce qu'il présente un caractère rétroactif ; l'article 1600 III 1 bis du code général des impôts ne saurait dès lors recevoir application pour les impositions antérieures à l'entrée en vigueur de l'article 39 de la loi de finances rectificative pour 2012 ;

- l'article 39 de la loi du 16 août 2012 est également contraire à l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention ; cet article porte atteinte aux espérances légitimes des contribuables, qui avaient un droit à la restitution ou au dégrèvement de l'imposition litigieuse quelle que soit la date à laquelle ils l'ont contestée ; la loi de validation ne poursuit pas un but d'intérêt général suffisant ; un intérêt purement financier ne constitue pas un tel motif ;

- l'article 39 de la loi du 16 août 2012 est contraire au principe du droit à un recours juridictionnel effectif posé par l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- en validant les recours formés avant le 11 juillet 2012 et en refusant les autres, cet article 39 méconnaît le principe de non discrimination posé par l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; cette différence de traitement dans l'exercice d'un droit reconnu est sans justification objective ni raisonnable ;

- l'article 39 de la loi du 16 août 2012 est contraire aux principes communautaires de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime dégagés par la Cour de justice de l'Union européenne car elle a privé le contribuable de manière rétroactive et sans préavis de son droit d'agir en justice pour obtenir le dégrèvement ou le remboursement d'un impôt perçu en violation du droit de l'Union ;

- en l'absence de dispositions législatives régissant le recouvrement de la taxe additionnelle à la cotisation de valeur ajoutée sur les entreprises, les impositions contestées sont illégales.

........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 ;

- les décisions du Conseil constitutionnel n° 2012-298 QPC du 28 mars 2013 et n° 2013-327 QPC du 21 juin 2013.

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bruno-Salel ;

- et les conclusions de Mme Rudeaux, rapporteur public.

1. Considérant que, par une réclamation datée du 10 juin 2013, la société ADECCO HOLDING FRANCE a demandé la restitution de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises qu'elle a acquittée au titre de l'année 2012 et, en l'absence de réponse, a saisi de ce litige le Tribunal administratif de Montreuil ; qu'elle demande l'annulation du jugement en date du 2 juin 2016 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la restitution de cette taxe pour un montant, frais de gestion inclus, de 4 497 euros au titre de l'année 2012 ;

2. Considérant, d'une part, que la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises dont il est demandé la restitution a été liquidée sur le fondement des dispositions de l'article 1600 du code général des impôts, dans leur rédaction issue de la loi de finances pour 2011 n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 ; que le I de l'article 39 de la loi de finances rectificative pour 2012 n° 2012-958 du 16 août 2012 a introduit, après les huit premiers alinéas du III de cet article 1600 du code général des impôts, un paragraphe 1 bis précisant les modalités de recouvrement de cette taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ; que le paragraphe II de ce même article 39 précise que : " Le I s'applique aux impositions dues à compter du 1er janvier 2011, sous réserve des impositions contestées avant le 11 juillet 2012 " ;

3. Considérant, d'autre part, que par une décision n° 2012-298 QPC du 28 mars 2013, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires aux droits et libertés que la Constitution garantit les dispositions des huit premiers alinéas du paragraphe III de l'article 1600 du code général des impôts, dans leur rédaction résultant de la loi de finances pour 2011, au motif que celles-ci ne prévoyaient pas les modalités de recouvrement de la taxe additionnelle à la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises ; qu'après avoir visé les dispositions de l'article 39 de la loi du 16 août 2012, il a décidé, en application de l'article 62 de la Constitution, que cette déclaration d'inconstitutionnalité prenait effet à compter de la date de la publication de sa décision et que le moyen d'inconstitutionnalité ne pouvait être invoqué qu'à l'encontre des impositions contestées avant le 11 juillet 2012 ; que, par une décision n° 2013-327 QPC du 21 juin 2013, le Conseil constitutionnel a jugé conforme à la Constitution le paragraphe II de l'article 39 de la loi du 16 août 2011 de finances rectificative pour 2012 ;

En ce qui concerne l'opposabilité du II de l'article 39 de la loi du 16 août 2012 :

4. Considérant que le texte de loi adopté par le Parlement le 16 août 2012 sous le n° 2012-958 a fait l'objet d'une publication intégrale au Journal officiel de la République française daté du 17 août 2012 ; que ce texte de loi, publié dans les conditions prévues par l'article 1er du code civil, est donc opposable aux contribuables, y compris pour ce qui concerne le II de son article 39 ; que la circonstance que ces dispositions n'auraient pas été correctement retranscrites sur le site " Légifrance " lors de la codification du texte à l'article 1600 du code général des impôts est à cet égard sans incidence ;

En ce qui concerne la violation du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

5. Considérant que, pour faire échec aux dispositions de l'article 39 de la loi du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012, la société ADECCO HOLDING FRANCE se prévaut des stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, cependant, ces stipulations ne peuvent être utilement invoquées pour contester les droits de taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises en litige devant le juge de l'impôt, qui ne statue pas en matière pénale et ne tranche pas des contestations sur des droits et obligations à caractère civil, quand bien même il fait application d'une législation ayant pour effet de priver rétroactivement le contribuable de la possibilité d'obtenir la décharge d'une imposition ;

En ce qui concerne la violation de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 14 de cette convention :

6. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

" Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précitées ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général " ;

7. Considérant qu'une personne ne peut prétendre au bénéfice de ces stipulations que si elle peut faire état de la propriété d'un bien qu'elles ont pour objet de protéger et à laquelle il aurait été porté atteinte ; qu'à défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir une somme d'argent doit être regardée comme un bien au sens de ces stipulations ; que, par ailleurs, si ces stipulations ne font en principe pas obstacle à ce que le législateur adopte de nouvelles dispositions remettant en cause, fût-ce de manière rétroactive, des droits patrimoniaux découlant de lois en vigueur, ayant le caractère d'un bien au sens de ces stipulations, c'est à la condition de ménager un juste équilibre entre l'atteinte portée à ces droits et les motifs d'intérêt général susceptibles de la justifier ;

8. Considérant que l'article 39 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 est issu d'un amendement parlementaire adopté en commission à l'Assemblée nationale le 11 juillet 2012 ; que la loi a été définitivement adoptée le 31 juillet 2012 ; qu'il résulte de ces circonstances qu'à la date à laquelle elle a présenté sa réclamation datée du 10 juin 2013, la société requérante ne pouvait faire état d'une espérance légitime d'obtenir la restitution des droits de taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises en litige en se prévalant de l'absence de définition des modalités de recouvrement de cette taxe ; qu'ainsi, elle ne peut utilement invoquer les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dans le champ desquelles elle n'entre pas ;

9. Considérant que dès lors que les faits invoqués par la requérante n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elle ne peut utilement invoquer la violation des stipulations de l'article 14 de cette convention combinées avec celles de cet article ;

En ce qui concerne la violation de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

10. Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles. " ;

11. Considérant que la requérante fait valoir que l'article 39 de la loi

n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 l'a privée de la possibilité de contester son imposition en invoquant le moyen tiré de l'incompétence négative entachant les huit premiers alinéas du paragraphe III de l'article 1600 du code général des impôts, dans leur rédaction résultant de la loi de finances pour 2011, en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, cependant, il résulte des stipulations précitées de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que le recours effectif dont elles garantissent l'existence doit permettre de se prévaloir des droits et libertés reconnus dans la convention ; que si la requérante a entendu de prévaloir de la violation du paragraphe 1 de l'article 6 et de l'article 14 de la convention ainsi que de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention, ces griefs sont infondés, ainsi qu'il a été dit aux points 5, 8 et 9 ;

En ce qui concerne la violation des principes communautaires de sécurité juridique et de confiance légitime :

12. Considérant que les principes de confiance légitime et de sécurité juridique invoqués en tant que principes généraux du droit communautaire ne trouvent à s'appliquer dans l'ordre juridique national que dans le cas où la situation juridique dont a à connaître le juge administratif français est régie par le droit de l'Union européenne ; que tel n'est pas le cas en l'espèce du recouvrement de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ; que les moyens tirés de la méconnaissance de ces principes ne peuvent, par suite, qu'être écartés comme inopérants ;

13. Considérant qu'il résulte de ce tout qui précède que la société ADECCO HOLDING FRANCE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence et en tout état de cause, ses conclusions tendant au versement d'intérêts moratoires en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales doivent également être rejetées ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société ADECCO HOLDING FRANCE est rejetée.

2

N° 16VE02290


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 16VE02290
Date de la décision : 20/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-03-045-03-02 Contributions et taxes. Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances.


Composition du Tribunal
Président : M. VERGNE
Rapporteur ?: Mme Catherine BRUNO-SALEL
Rapporteur public ?: Mme RUDEAUX
Avocat(s) : SELAS FIDAL - BUREAU DE LYON

Origine de la décision
Date de l'import : 01/08/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-07-20;16ve02290 ?
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