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06/07/2017 | FRANCE | N°16VE03889

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 06 juillet 2017, 16VE03889


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté en date du 29 avril 2016 du préfet du Val-d'Oise lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et lui assignant un pays de retour.

Par un jugement n° 1605511 du 1er décembre 2016, le Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise a annulé cet arrêté.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée

le 29 décembre 2016, le PREFET DU VAL-D'OISE demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté en date du 29 avril 2016 du préfet du Val-d'Oise lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et lui assignant un pays de retour.

Par un jugement n° 1605511 du 1er décembre 2016, le Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise a annulé cet arrêté.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 29 décembre 2016, le PREFET DU VAL-D'OISE demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de rejeter la demande de M.B....

Le PREFET DU VAL-D'OISE soutient que les premiers juges ont estimé à tort que le pétitionnaire entretenait une relation maritale depuis octobre 2009 avec MmeC..., alors qu'il s'était déclaré célibataire lors de sa demande de titre et qu'il demeurait à une adresse différente de celle de cette dame.

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Soyez a été entendu au cours de l'audience publique.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

1. Considérant qu'au vu de documents administratifs et médicaux et de courriers faisant état de la domiciliation du demandeur chez MmeC..., d'un certificat de vie maritale établi par le maire de Sarcelles en 2016, et de diverses attestations de proches de cette dame, les premiers juges ont estimé que M. B...vivait en concubinage avec cette ressortissante française depuis plusieurs années, et qu'en lui refusant un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", le PREFET DU VAL-D'OISE avait entaché l'arrêté litigieux d'erreur manifeste d'appréciation ; qu'il ressort cependant des pièces du dossier que M. B...s'est déclaré célibataire, le 2 décembre 2015, lors de sa demande en préfecture, que son adresse n'était pas celle de Mme C...avant l'automne 2011 et que la seule facture d'électricité aux deux noms est datée du 24 mai 2016 ; que si Mme C...a rédigé deux attestations " d'hébergement depuis octobre 2009 ", le 23 juillet 2012 et le 27 mai 2016, certifiées par le maire de Sarcelles, l'hébergement mentionné ne saurait faire présumer une vie maritale entre Mme C...et M.B..., la seconde attestation étant au surplus postérieure à l'arrêté attaqué ; que, de même, le certificat de vie maritale depuis 2009 n'a été délivré par le maire en présence de témoins que le 2 juin 2016 et la déclaration de vie maritale depuis 2009 sur l'honneur n'a été souscrite que le 20 juin 2016 par Mme C...; qu'enfin, les attestations de vie maritale des intéressés émanent de l'entourage de Mme C...et sont toutes postérieures à l'arrêté attaqué ; que, dans ces conditions, c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur des attestations de vie maritale établies après la décision attaquée pour annuler l'arrêté litigieux ;

2. Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie par effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M.B..., tant en première instance qu'en appel ;

Sur la légalité de la décision refusant le droit au séjour :

3. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté attaqué énonce les circonstances de fait relatives à la vie privée du pétitionnaire et à ses projets professionnels, et les motifs de droit sur lesquels il se fonde pour lui refuser le droit au séjour ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cet arrêté doit être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que M. B...ayant saisi à tort le PREFET DU VAL-D'OISE d'une demande de titre de séjour en qualité de salarié sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, celui-ci a consenti à examiner sa demande dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire de régularisation ; que, par suite, cette demande n'ayant pas à être instruite dans les règles fixées à l'article L. 5221-2 du code du travail, le PREFET DU VAL-D'OISE n'était pas tenu, avant de statuer sur la demande de titre de séjour présentée par l'intéressé, de saisir le directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de la demande d'autorisation de travail présentée le 29 mars 2016 par la société Dadis, à Sartrouville ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour serait intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière doit être écarté ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'en vertu des dispositions du second alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission du titre de séjour la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ;

6. Considérant que M. B...ne verse au dossier aucune pièce justifiant sa présence en France en 2006 et 2008 ; que, pour 2007, il n'en produit qu'une, relative à l'ouverture d'un compte à la Banque populaire du Maroc le 25 avril ; que, de même pour 2009, il ne fournit qu'un compte-rendu d'examen médical édité le 17 novembre ; que, dans ces conditions, comme le soutient le PREFET DU VAL-D'OISE, M. B...ne justifie pas sa présence ininterrompue en France depuis 10 ans à la date de l'arrêté attaqué ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions rappelées ci-dessus de l'article L. 313-14 ne peut dès lors qu'être écarté ;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de la lecture de l'arrêté attaqué que le préfet a pris en compte les différents aspects de la situation personnelle de M. B...; qu'ainsi, le moyen tiré de l'absence d'examen approfondi de la situation de ce dernier doit être écarté ;

8. Considérant, en cinquième lieu, que, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée ; que, dès lors que l'article 3 de l'accord

franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du

9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord ; que, toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié ;

9. Considérant, d'une part, qu'il résulte des motifs de l'arrêté litigieux que le

PREFET DU VAL-D'OISE, après avoir constaté que M. B...ne pouvait bénéficier d'une admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié sur le fondement des dispositions rappelées plus haut, a examiné, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire de régularisation, sa demande de titre ; que, dès lors, le moyen tiré de ce qu'il n'aurait pas fait usage de son pouvoir de régularisation, manque en fait ; que, d'autre part, en relevant que l'intéressé se borne à présenter une promesse d'embauche en qualité de caissier employé de libre-service, sans justifier

d'une activité professionnelle, le préfet n'a entaché sa décision d'aucune erreur manifeste d'appréciation ;

10. Considérant, en sixième lieu, que, pour lui refuser le bénéfice de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au titre de la vie privée et familiale, le PREFET DU VAL-D'OISE s'est fondé sur la nationalité de M. B...; qu'ainsi, il a fait une inexacte application des dispositions de cet article ; que, toutefois, il a de nouveau examiné, dans le cadre de son pouvoir de régularisation, si l'intéressé ne justifiait pas de circonstances humanitaires ou de motifs exceptionnels emportant sa régularisation ; qu'à cet égard, il a estimé que la durée de séjour ininterrompu de M. B...en France était difficile à établir, que, s'agissant de ses rapports avec MmeC..., les deux intéressés avaient fait des déclarations contradictoires, et qu'ainsi la preuve d'une vie maritale entre eux depuis plusieurs années n'était pas rapportée ; que, dans ces conditions, sans qu'y fasse obstacle l'application par le PREFET DU VAL-D'OISE de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le refus qu'il a opposé d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", à titre exceptionnel, n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

11. Considérant, en septième lieu, que, comme il a déjà été dit, les déclarations contradictoires de M. B...et de MmeC..., et les pièces versées au dossier, faisant état d'adresses différentes jusqu'en juillet 2012, ne permettent de regarder comme établi que l'hébergement du premier par la seconde depuis le mois de juillet 2012 ; que, dans ces conditions et sans qu'y fassent obstacle les déclarations et attestations établies postérieurement à l'arrêté attaqué, le moyen tiré de l'inexactitude matérielle des faits sur lesquels se serait fondé le PREFET DU VAL-D'OISE pour écarter l'existence d'une relation maritale entre ces deux personnes avant la décision attaquée, doit être écarté ;

12. Considérant, en huitième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; et qu'aux termes du 7 ° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit (...) à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ;

13. Considérant que, comme il a été dit aux points 1 et 6, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B...justifie d'une présence ininterrompue en France avant l'arrêté litigieux, tout particulièrement entre 2006 et 2009, ni qu'il ait entretenu avec Mme C...une relation maritale depuis le mois d'octobre 2009 ; que, par suite, et compte tenu notamment de l'âge auquel l'intéressé est arrivé en France, de ses attaches au Maroc où vivent sa mère et un frère, de ce qu'il est célibataire et sans enfant à charge et n'a en France qu'un frère, la décision lui refusant un titre de séjour ne méconnaît pas les dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et n'a pas porté une atteinte excessive à sa vie privée et familiale au sens des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

14. Considérant, en neuvième lieu, que, pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur la situation personnelle de M. B... ;

Sur l'obligation de quitter le territoire :

15. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit plus haut que cette mesure d'éloignement n'a pas été prise en application d'une décision illégale ; que, par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité entachant cette mesure ne peut qu'être écarté ;

16. Considérant que, pour les motifs exposés au point 13, le moyen tiré de ce que cette mesure porterait une atteinte excessive à la vie privée et familiale de M. B...au sens des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit également être écarté ;

17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'aucun moyen du demandeur en première instance ne justifiait l'annulation de la décision administrative et qu'ainsi le PREFET DU VAL-D'OISE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 29 avril 2016 ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de M. B...tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1605511 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 1er décembre 2016 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise est rejetée, ainsi que les conclusions présentées par lui devant la Cour sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2

N° 16VE03889


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE03889
Date de la décision : 06/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. DEMOUVEAUX
Rapporteur ?: M. Jean-Eric SOYEZ
Rapporteur public ?: M. ERRERA
Avocat(s) : SERLARL MONCONDUIT ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-07-06;16ve03889 ?
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