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04/07/2017 | FRANCE | N°16VE03837

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 04 juillet 2017, 16VE03837


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société The Bank of Tokyo Mitsubishi UFJ Ltd a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations de contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre de ses exercices clos en 2011, 2012, 2013 et 2014 à concurrence de 4 277 505 euros.

Par un jugement n° 1510708 du 3 novembre 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a accordé à la société The Bank of Tokyo Mitsubishi UFJ Ltd la décharge sollicitée, mis à la charge

de l'État une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société The Bank of Tokyo Mitsubishi UFJ Ltd a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations de contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre de ses exercices clos en 2011, 2012, 2013 et 2014 à concurrence de 4 277 505 euros.

Par un jugement n° 1510708 du 3 novembre 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a accordé à la société The Bank of Tokyo Mitsubishi UFJ Ltd la décharge sollicitée, mis à la charge de l'État une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administratif et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par un recours et un mémoire, enregistrés les 23 décembre 2016 et 28 avril 2017, le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement, en tant qu'il lui fait grief ;

2° de remettre à la charge de la société The Bank of Tokyo Mitsubishi UFJ Ltd les impositions dont la décharge a été prononcée par le Tribunal administratif de Montreuil.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal et ainsi que l'a jugé le Conseil d'État dans sa décision n° 395015 du 9 décembre 2016, le seuil d'assujettissement à la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés figurant à l'article 235 ter ZAA du code général des impôts doit s'apprécier au regard du chiffre d'affaires total réalisé par la société et non du seul chiffre d'affaires réalisé par son établissement stable en France, sans qu'y fassent obstacle les règles de territorialité posées à l'article 209 du code général des impôts et 7 de la convention fiscale franco-japonaise ;

- cette disposition ne méconnaît pas la clause de non-discrimination prévue à l'article 24 de la convention fiscale franco-japonaise ; en outre, dans la pratique, l'administration ne traite pas différemment les entreprises françaises et étrangères.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention signée le 3 mars 1995 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Japon en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Huon,

- et les conclusions de M. Coudert, rapporteur public.

1. Considérant que la société The Bank of Tokyo Mitsubishi UFJ Ltd, qui exerce une activité bancaire, a été assujettie, à raison de son établissement stable en France, à la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés prévue par l'article 235 ter ZAA du code général des impôts au titre de ses exercices clos en 2011, 2012, 2013 et 2014, pour un montant total de 4 277 505 euros ; que le MINISTRE DE l'ECONOMIE ET DES FINANCES relève appel du jugement du 3 novembre 2016, en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Montreuil a accordé à cette société la décharge de ces impositions ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " I. - Les redevables de l'impôt sur les sociétés réalisant un chiffre d'affaires supérieur à 250 millions d'euros sont assujettis à une contribution exceptionnelle égale à une fraction de cet impôt calculé sur leurs résultats imposables, aux taux mentionnés à l'article 219, des exercices clos à compter du 31 décembre 2011 et jusqu'au 30 décembre 2015. / Cette contribution est égale à 10,7 % de l'impôt sur les sociétés dû, déterminé avant imputation des réductions et crédits d'impôt et des créances fiscales de toute nature. (...) / Le chiffre d'affaires mentionné au premier alinéa du présent I s'entend du chiffre d'affaires réalisé par le redevable au cours de l'exercice ou de la période d'imposition, ramené à douze mois le cas échéant (...) " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 209 du code général des impôts : " I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France (...) ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (...) " ; qu'aux termes de l'article 7 de la convention fiscale franco-japonaise du 3 mars 1995 susvisée : " 1. Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à cet établissement stable (...) " ;

4. Considérant qu'en application de l'article 235 ter ZAA précité, l'assujettissement à la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés repose sur la qualité de redevable de l'impôt sur les sociétés et sur la réalisation d'un chiffre d'affaires annuel d'au moins

250 millions d'euros ; que si la territorialité de l'impôt sur les sociétés résultant de l'article 209 du code général des impôts limite les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés à ceux réalisés en France, sous réserve des stipulations des conventions internationales relatives aux doubles impositions, elle n'a ni pour objet ni pour effet de limiter le chiffre d'affaires pris en compte pour apprécier le seuil d'assujettissement à la contribution exceptionnelle à celui réalisé en France ; que, par suite, en jugeant qu'il y avait lieu, pour l'application de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts, de retenir le seul chiffre d'affaires qui se rattache aux bénéfices soumis en France à l'impôt sur les sociétés conformément à l'article 209 de ce code et aux stipulations de la convention fiscale franco-japonaise précitée applicable au cas d'espèce, le tribunal administratif a fait une inexacte interprétation de l'article 235 ter ZAA ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a prononcé la décharge des impositions litigieuses au motif que le chiffre d'affaires imputable à la succursale française de la société The Bank of Tokyo Mitsubishi UFJ Ltd était, au cours des exercices en litige, inférieur au seuil d'assujettissement de 250 millions d'euros, alors que le chiffre d'affaires mondial de cette société était supérieur à ce seuil ;

5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société The Bank of Tokyo Mitsubishi UFJ Ltd devant le Tribunal administratif et devant elle ;

6. Considérant, en premier lieu, qu'en dehors des cas et conditions où il est saisi sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution, il n'appartient pas au juge de l'impôt de se prononcer sur un moyen tiré de la non-conformité de la loi à une norme de valeur constitutionnelle ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'en adoptant les dispositions précitées de de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts, le législateur aurait méconnu le principe d'égalité devant l'impôt est inopérant ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que, dès lors, ainsi qu'il vient d'être dit, que l'imposition litigieuse a été établie conformément à la loi, le moyen soulevé par la requérante et tiré de ce que la doctrine administrative commentant l'article 235 ter ZAA du code général des impôts, sur laquelle elle s'est elle-même fondée pour acquitter les impositions en litige, serait illégale ne peut qu'être écarté ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 24 de la convention fiscale franco-japonaise susvisée : " (...) 2. L'imposition d'un établissement stable qu'une entreprise d'un Etat contractant a dans l'autre Etat contractant n'est pas établie dans cet autre Etat d'une façon moins favorable que l'imposition des entreprises de cet autre Etat qui exercent la même activité. (...) " ;

9. Considérant, d'une part, qu'au regard de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés, une société établie au Japon disposant d'un établissement stable en France est traitée de manière identique à une société établie en France ayant un établissement stable en France ou à l'étranger, et notamment au Japon, dès lors que, dans l'une ou l'autre de ces situations, le seuil d'assujettissement à cette contribution s'apprécie au regard du chiffre d'affaires mondial de l'entreprise et que, par ailleurs, seul le bénéfice réalisé en France est retenu pour l'assiette de l'impôt ;

10. Considérant, d'autre part, que la société requérante ne saurait utilement soutenir qu'elle se trouve placée dans une situation plus défavorable que celle qui serait la sienne si son activité était exercée en France par l'intermédiaire d'une filiale, et non d'une succursale, dès lors que le principe de non-discrimination n'implique pas que les différentes structures susceptibles d'être choisies par les opérateurs pour exercer leurs activités économiques soient soumises à un seul et même traitement fiscal alors, de surcroît, que la filiale et la succursale françaises d'une société résidente ne sont pas elles-mêmes l'objet d'un traitement similaire ; qu'à cet égard, et en tout état de cause, il n'est pas établi que, dans la pratique, l'administration traiterait différemment les entreprises françaises et étrangères ;

11. Considérant, par suite, que le moyen tiré de ce que les modalités d'application de la contribution exceptionnelle, telles que précisées ci-dessus, méconnaîtraient la clause de non-discrimination prévue à l'article 24 de la convention fiscale franco-japonaise ne peut qu'être écarté ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a déchargé la société The Bank of Tokyo Mitsubishi UFJ Ltd de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés établie au titre de ses exercices 2011 à 2014 ;

Sur les conclusions de la société The Bank of Tokyo Mitsubishi UFJ Ltd tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

14. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la société The Bank of Tokyo Mitsubishi UFJ Ltd au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n° 1510708 du 3 novembre 2016 du Tribunal administratif de Montreuil sont annulés.

Article 2 : Les impositions dont le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé la décharge par le jugement précité sont remises à la charge de la société The Bank of Tokyo Mitsubishi UFJ Ltd.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société The Bank of Tokyo Mitsubishi UFJ Ltd au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 16VE03837


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE03837
Date de la décision : 04/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-05 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôts et prélèvements divers sur les bénéfices.


Composition du Tribunal
Président : M. BERGERET
Rapporteur ?: M. Christophe HUON
Rapporteur public ?: M. COUDERT
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS ERNST et YOUNG

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-07-04;16ve03837 ?
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