Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SAS ADECCO HOLDING FRANCE, venant aux droits et obligations de la SAS Groupe Datavance, a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations de taxe sur les salaires ainsi que des intérêts de retard et majorations auxquels elle a été assujettie au titre des années 2008 et 2009, pour un montant global, en droits et pénalités, de 104 896 euros.
Par un jugement n° 1400221 du 4 mai 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 1er juillet 2015, 22 décembre 2015 et
25 février 2016, la SAS ADECCO HOLDING FRANCE, représentée par Me Roirand, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de prononcer la décharge sollicitée, assortie des intérêts moratoires ;
3° de mettre à la charge de l'État la somme de 15 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- les premiers juges n'ont pas statué sur le moyen tiré de ce que les rémunérations versées à MM. Stéphane Levy et A...C...ne rentraient pas dans le champ de la taxe sur les salaires dès lors qu'ils n'étaient pas des salariés mais des mandataires sociaux ; ils n'ont pas non plus répondu à l'argument selon lequel les intéressés n'étaient salariés que de la société Datavance Informatique ; en outre, ils ont mal apprécié les faits soumis à leur examen ;
- pour l'application de l'article 231 du code général des impôts, les mandataires sociaux, MM. Stéphane Levy et A...C..., ne peuvent être assimilés à des salariés liés à la société par un contrat de travail, de sorte que leurs rémunérations n'entrent pas dans le champ d'application de la taxe sur les salaires ;
- au demeurant, les intéressés n'avaient, ni en 2008 ni en 2009, de pouvoir en matière financière et relevaient ainsi exclusivement du secteur d'activité passible de la taxe sur la valeur ajoutée ; par suite, leur rémunération doit être exclue de l'assiette de la taxe sur les salaires.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Huon,
- et les conclusions de M. Coudert, rapporteur public.
1. Considérant qu'à l'issue d'un contrôle sur pièces puis d'une vérification de comptabilité et aux termes de propositions de rectification des 12 décembre 2011 et
27 juin 2012, la SAS Groupe Datavance, qui exerce une activité de holding a, au titre des années 2008 et 2009, été assujettie à la taxe sur les salaires à raison des rémunérations versées à M. Stéphane Lévy, président puis directeur général et à M. A...C..., directeur général ; que la SAS ADECCO HOLDING FRANCE, venant aux droits de la SAS Groupe Datavance, qu'elle a absorbée le 7 janvier 2011, relève appel du jugement du 4 mai 2015 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations de taxe sur les salaires qui lui ont ainsi été assignées ainsi que des pénalités correspondantes ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés à ce titre ;
2. Considérant qu'à l'appui de sa demande, la SAS ADECCO HOLDING FRANCE avait notamment soutenu qu'eu égard à leur statut de mandataires sociaux, les salaires de MM. B... et C...n'entraient pas dans le champ d'application de la taxe sur les salaires ; que le tribunal ne s'est pas prononcé sur ce moyen, qui n'était pas inopérant ; que, par suite, son jugement est irrégulier et doit être annulé ;
3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SAS ADECCO HOLDING FRANCE devant le Tribunal administratif de Montreuil ;
Sur la procédure d'imposition :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations ; qu'en revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs ;
5. Considérant que la proposition de rectification du 12 décembre 2011, relative à l'année 2008, vise l'impôt en litige, la période concernée, les bases d'imposition retenues, ainsi que les motifs de droit et de fait sur lesquels le service a entendu se fonder pour justifier les rappels envisagés ; qu'elle est ainsi suffisamment motivée au regard des exigences posées par les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; que, si la requérante fait valoir que le vérificateur aurait appliqué un taux erroné pour le calcul de la taxe sur les salaires, cette circonstance, à la supposer établie, se rattache au bien-fondé de l'imposition et est ainsi, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité de la proposition de rectification litigieuse ;
Sur le bien-fondé des impositions :
6. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 231 du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux années en litige : " Les sommes payées à titre de rémunérations sont soumises à une taxe sur les salaires égale à 4,25 % de leur montant, évalué selon les règles prévues aux chapitres Ier et II du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale (...) et à la charge des personnes ou organismes (...) qui paient ces rémunérations lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. L'assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total (...) " ;
7. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des travaux parlementaires de l'article 10 de la loi du 30 décembre 2000 de finances pour 2001, dont sont issues ces dispositions, qu'en alignant l'assiette de la taxe sur les salaires sur celle des cotisations de sécurité sociale, le législateur a entendu y inclure les rémunérations des dirigeants de sociétés visés à l'article L. 311-3 du code de la sécurité sociale et notamment celles des présidents et dirigeants des sociétés par actions simplifiées ; que, par suite, le moyen de la société tiré de ce que les rémunérations de son président et de son directeur général étaient exclues de l'assiette de la taxe sur les salaires dès lors que les dirigeants de sociétés n'ont pas la qualité de salarié au sens du droit du travail ne peut qu'être écarté ;
8. Considérant, en second lieu, d'une part, que lorsque les activités d'une entreprise sont, pour l'exercice de ses droits à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, réparties en plusieurs secteurs distincts au sens de l'article 209 de l'annexe II au code général des impôts alors en vigueur, la taxe sur les salaires doit être déterminée par secteur, en appliquant aux rémunérations des salariés affectés spécifiquement à chaque secteur le rapport d'assujettissement propre à ce secteur ; que, toutefois, la taxe sur les salaires des personnels concurremment affectés à plusieurs secteurs doit être établie en appliquant à leurs rémunérations le rapport existant pour l'entreprise dans son ensemble entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total ;
9. Considérant, d'autre part, que les fonctions de président d'une société par actions simplifiée confèrent à son titulaire, en vertu de l'article L. 227-6 du code de commerce, les pouvoirs les plus étendus dans la gestion de la société ; qu'il résulte du même article que " les statuts peuvent prévoir les conditions dans lesquelles une ou plusieurs personnes autres que le président, portant le titre de directeur général ou de directeur général délégué, peuvent exercer les pouvoirs confiés à ce dernier par le présent article " ; qu'en outre, l'article L. 227-8 du même code rend applicables aux présidents et dirigeants d'une société par actions simplifiée les règles de responsabilité applicables aux dirigeants de sociétés anonymes ; que, s'agissant d'une société holding, ces pouvoirs s'étendent en principe au secteur financier, même si le suivi des activités est sous-traité à des tiers ou confié à des salariés spécialement affectés à ce secteur et si le nombre des opérations relevant de ce secteur est très faible ; que, toutefois, s'il résulte des éléments produits par l'entreprise que certains de ses dirigeants n'ont pas d'attribution dans le secteur financier, notamment lorsque, compte tenu de l'organisation adoptée, l'un d'entre eux est dépourvu de tout contrôle et responsabilité en la matière, la rémunération de ce dirigeant doit être regardée comme relevant entièrement des secteurs passibles de la taxe sur la valeur ajoutée et, par suite, comme placée hors du champ de la taxe sur les salaires ;
10. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au cours de l'année 2008, MM. B...et C...occupaient respectivement les fonctions de président et de directeur général de la société Groupe Datavance, dont ils étaient les seuls salariés ; qu'aux termes des articles 12.2 des statuts de la société, mis à jour le 1er juin 2006, en vigueur pour la période considérée, le président " est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société dans la limite de son objet social " ; que, si, en vertu de l'article 12.3, certaines décisions, limitativement énumérées, sont soumises à l'accord préalable du comité de surveillance, ni cet article ni d'ailleurs aucune autre stipulation statutaire n'exclut, de manière générale, le président de toute responsabilité en matière financière ; que, par ailleurs, alors que l'article 13 des mêmes statuts se borne à indiquer que " l'étendue et la durée des pouvoirs délégués au directeur général sont déterminés par l'ensemble des associés ", la SAS ADECCO HOLDING FRANCE n'a fourni aucune décision limitant les pouvoirs du directeur général au seul secteur non financier ; qu'enfin, la circonstance que la société Groupe Datavance, dont MM. B...etC..., ne possédaient chacun que 25 % des parts, était contrôlé par un fonds d'investissement, détenant à lui seul 44,44 % du capital, n'est pas de nature à priver les intéressés, eu égard à leurs fonctions, de toute attribution dans le domaine financier ;
11. Considérant qu'au cours de l'année 2009, MM. Stéphane Levy et A...C...occupaient tous les deux des fonctions de directeur général de la société Groupe Datavance ; qu'aux termes de l'article 13 des statuts de la société, alors en vigueur compte tenu des mises à jour des 16 décembre 2008 et 14 avril 2009, " le directeur général aura les mêmes pouvoirs que le président " ; que, si ce même article soumet, au demeurant de manière limitative, certaines décisions à l'accord préalable du président, il ne prive pas les directeurs généraux de toute compétence en matière financière ; qu'est en tout état de cause sans incidence à cet égard le contenu des délégations de pouvoir consenties à MM. B...et C...le 1er janvier 2010, soit postérieurement aux années en litige ; qu'est également sans incidence, même à la supposer établie, la circonstance que, faute de mention au registre du commerce et des sociétés, les actes pris par les intéressés ne seraient pas opposables aux tiers ; qu'enfin, si la requérante, s'appuyant en particulier sur les termes de la convention conclue entre la société Groupe Datavance et la société Datavance Informatique, se prévaut de l'importance des services accomplis par MM. B... et C...au profit des filiales, il ne ressort ni de la convention en cause, ni d'aucun autre document relatif aux prestations rendues aux filiales, que les dirigeants de la société holding n'auraient eu, tant en 2008 qu'en 2009, d'attributions que dans son secteur soumis à la taxe sur la valeur ajoutée ;
12. Considérant, par suite, que c'est à bon droit que l'administration a, au titre des deux années en litige, inclus les rémunérations de MM. B...et C...dans le champ de la taxe sur les salaires et les a imposées à proportion du rapport existant pour l'entreprise dans son ensemble entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SAS ADECCO HOLDING FRANCE n'est pas fondée à demander la décharge des impositions litigieuses ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SAS ADECCO HOLDING FRANCE la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1400221 du Tribunal administratif de Montreuil en date du 4 mai 2015 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la SAS ADECCO HOLDING FRANCE devant le Tribunal administratif de Montreuil et le surplus de ses conclusions devant la Cour sont rejetés.
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N° 15VE02093