La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/06/2017 | FRANCE | N°17VE00830

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 06 juin 2017, 17VE00830


Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Marriott Rewards Llc a demandé au tribunal administratif de Montreuil de lui accorder le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été facturée en 2013 par les hôtels adhérant au programme de fidélisation dont elle est le gestionnaire pour un montant de 1 411 755,37 euros.

Par un jugement n° 1501119 du 15 novembre 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a fait droit à sa demande et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des disposi

tions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant ...

Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Marriott Rewards Llc a demandé au tribunal administratif de Montreuil de lui accorder le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été facturée en 2013 par les hôtels adhérant au programme de fidélisation dont elle est le gestionnaire pour un montant de 1 411 755,37 euros.

Par un jugement n° 1501119 du 15 novembre 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a fait droit à sa demande et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

I. Par un recours, enregistré le 15 mars 2017, sous le n° 17VE00830, le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES demande à la Cour d'annuler ce jugement.

Il soutenait que les sommes versées par la société Marriott Rewards Llc aux hôteliers établis en France qui échangent les points de fidélité de leurs clients contre des nuitées gratuites ou des surclassements étaient la contrepartie des prestations de services fournies à titre onéreux par les hôteliers ; par suite, l'intimée, qui ne réalise aucune opération d'achat-revente et qui doit être considérée comme effectuant le paiement pour le compte du client ne saurait, conformément aux dispositions de l'article 271 du code général des impôts, déduire la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux prestations de service correspondantes.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 avril 2017, la société Marriott Rewards Llc, représentée par Me Vialaneix, avocat, a conclu au rejet du recours et à ce que soit mis à la charge de l'Etat les dépens et frais de justice.

Elle fait valoir qu'elle réalise une prestation de services imposable à la taxe sur la valeur ajoutée consistant à gérer un programme de fidélisation de clientèle ; par suite, dès lors qu'il existe un lien direct entre la rémunération qu'elle verse aux hôtels et son activité économique et qu'elle est le bénéficiaire direct de la prestation rendue par les hôtels, elle est en droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée qui lui est facturée par les hôtels, sans que ce droit ne se heurte à une quelconque des restrictions prévues par la règlementation.

II. Par un recours, enregistré le 15 mars 2017, sous le n° 17VE00831, le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES demande à la Cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 1501119 du Tribunal administratif de Montreuil du 15 novembre 2016.

Il soutient que :

- les moyens développés dans son recours n° 17VE00830 sont de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative ;

- il existe un risque d'exposer l'Etat à la perte définitive de sa créance justifiant le sursis sur le fondement de l'article R. 811-16 du code de justice administrative ; en effet, la société Marriott Rewards Llc ne dispose pas en France d'une installation fixe d'affaires et la convention fiscale conclue avec les Etats-Unis ne contient pas de clause d'assistance en matière de recouvrement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 avril 2017, la société Marriott Rewards Llc, représentée par Me Vialaneix, avocat, conclut au rejet de la demande de sursis à exécution.

Elle soutient que l'administration ne justifie ni de moyens sérieux ni du risque de perte définitive de sa créance.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la directive 86/560/CEE du 17 novembre 1986 ;

- la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 7 octobre 2010, aff. 53/09 et 55/09 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Huon,

- et les conclusions de M. Coudert, rapporteur public.

1. Considérant que les recours susvisés présentés par le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES, qui tendent à l'annulation et au sursis à l'exécution du même jugement, ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;

2. Considérant que la société Marriott Rewards Llc, dont le siège est à Washington DC (Etats-Unis d'Amérique), a pour activité de gérer le programme de fidélisation de la clientèle du groupe hôtelier Marriott ; que les séjours dans les hôtels adhérant à ce programme confèrent aux clients des points de fidélité qui peuvent être utilisés pour obtenir des récompenses telles que des nuitées gratuites, des surclassements de catégorie de chambre ou des réductions de prix chez des sociétés partenaires ; qu'en vertu de la convention conclue avec la société Marriott Rewards Llc, les hôtels adhérents, d'une part, lui versent une contribution tenant compte du nombre de points de fidélité attribués à leurs clients et comprenant une rémunération des prestations de gestion du programme et, d'autre part, lui facturent le coût de la fourniture de nuitées gratuites et des surclassements de catégorie de chambre ; que la société Marriott Rewards Llc a demandé à l'administration, sur le fondement de l'article 242-0 Z quater de l'annexe II au code général des impôts, le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée qui figurait sur les factures que les hôtels français du groupe lui ont adressées au titre des prestations qu'ils ont fournies aux clients dans le cadre du programme de fidélisation sur la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2013, soit 1 411 755,37 euros ; qu'à la suite du rejet de cette demande, la requérante a réitéré ses prétentions devant le juge de l'impôt ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES relève appel du jugement du 15 novembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a accordé à la société Marriott Rewards Llc le remboursement qu'elle sollicitait ;

Sur les conclusions à fin d'annulation du jugement attaqué :

3. Considérant qu'en cause d'appel le MINISTRE ne justifie plus le refus de remboursement que par le motif tiré de ce que la société Marriott Rewards Llc ne peut déduire la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des prestations qui ne lui ont pas été rendues ;

4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 2 de la directive 86/560/CEE du 17 novembre 1986 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires : " 1. Sans préjudice des articles 3 et 4, chaque Etat membre rembourse à tout assujetti qui n'est pas établi sur le territoire de la Communauté, dans les conditions fixées ci-après, la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des services qui lui sont rendus ou des biens meubles qui lui sont livrés à l'intérieur du pays par d'autres

assujettis (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 de la même directive : " 1. Aux fins de la présente directive, le droit au remboursement est déterminé selon l'article 17 de la directive 77/388/CEE, tel qu'il est appliqué dans Etat membre de remboursement " ; qu'aux termes de l'article 168 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée qui a repris les dispositions de l'article 17 de la directive 77/388/CEE : " Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l'assujetti a le droit, dans l'Etat membre dans lequel il effectue ces opérations, de déduire du montant de la taxe dont il est redevable les montants suivants : / a) la TVA due ou acquittée dans cet Etat membre pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront fournis par un autre assujetti " ;

5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / (...) V. Ouvrent droit à déduction dans les mêmes conditions que s'ils étaient soumis à la taxe sur la valeur ajoutée : / (...) d) Les opérations non imposables en France réalisées par des assujettis dans la mesure où elles ouvriraient droit à déduction si leur lieu d'imposition se situait en France. Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités et les limites du remboursement de la taxe déductible au titre de ces opérations ; ce décret peut instituer des règles différentes suivant que les assujettis sont domiciliés ou établis dans les Etats membres de la Communauté européenne ou dans d'autres pays " ; qu'aux termes de l'article 242-0 Z quater de l'annexe II à ce code :

" I. - Les assujettis établis hors de l'Union européenne peuvent obtenir le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée qui leur a été régulièrement facturée si, au cours du trimestre ou de l'année auquel se rapporte la demande de remboursement, ils n'ont pas eu en France le siège de leur activité ou un établissement stable, ou, à défaut, leur domicile ou leur résidence habituelle et n'y ont pas réalisé, durant la même période, de livraisons de biens ou de prestations de services situées en France " ; qu'aux termes de l'article 242-0 Z quinquies de la même annexe : " Est remboursée aux assujettis établis hors de l'Union européenne la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les services qui leur ont été rendus et les biens meubles qu'ils ont acquis ou importés en France au cours de l'année ou du trimestre prévu à l'article 242-0 Z quater (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'un assujetti établi hors de l'Union européenne peut obtenir le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'opérations qui auraient été imposables si elles avaient eu lieu en France pour des biens qu'il a acquis ou des services qui lui ont été rendus, dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ces opérations ;

6. Considérant qu'il résulte des dispositions des directives relatives au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, citées au point 3 ci-dessus, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 7 octobre 2010, Commissioners for Her Majesty's Revenue and Customs c/ Loyalty Management UK Ltd et Baxi Group Ltd, que des paiements effectués par un gestionnaire de programme de fidélité aux fournisseurs qui offrent aux clients des biens ou des services doivent être considérés comme la contrepartie, versée par un tiers, d'une livraison de biens ou d'une prestation de services à ces clients ; qu'il en résulte que, sauf pour la partie des sommes facturées par les fournisseurs qui correspondrait à une prestation de services distincte, ces sommes ne peuvent être regardées comme la rémunération de biens et de services utilisés par le gestionnaire de programme pour les besoins de ses opérations ;

7. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction et qu'il n'est d'ailleurs pas allégué que les paiements opérés par la société Marriott Rewards Llc au profit des hôtels adhérant au programme de fidélisation correspondraient, ne serait-ce que pour partie, à la rémunération de biens et de services utilisés par la requérante, gestionnaire de programme, pour les besoins de ses opérations ; qu'elles doivent donc être considérées comme la contrepartie, versée par un tiers, d'une prestation de services rendue aux clients desdits hôtels ; que, par suite, c'est à bon droit que le ministre fait valoir que la société Marriott Rewards Llc, qui doit être regardée comme effectuant la paiement de la prestation pour le compte du consommateur final, ne peut donc, en application des dispositions et principes rappelés ci-dessus, bénéficier d'aucun droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été facturée à ce titre ;

8. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Marriott Rewards Llc devant le Tribunal administratif et devant elle ;

9. Considérant, en premier lieu, que la société Marriott Rewards Llc ne saurait revendiquer l'application des règles posées par la décision du Conseil d'Etat n° 380624

du 8 juin 2016 qui concerne les dispositions du 1° de l'article 238 de l'annexe II au code général des impôts, désormais reprises au 3° du 2 du IV de l'article 206 de la même annexe, dès lors, ainsi qu'elle l'a d'ailleurs elle-même admis en première instance, que ces dispositions ne sont pas applicables à sa situation et que ni le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée, ni celui de non-discrimination n'impliquent de traiter de la même façon des contribuables se trouvant dans des situations objectivement différentes ;

10. Considérant, en second lieu, que le rejet par l'administration d'une demande tendant au remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée ne constitue pas un rehaussement d'impositions permettant à un contribuable de se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'interprétation administrative de la loi fiscale ; que, par suite, la société Marriott Rewards Llc n'est, en tout état de cause, pas fondée à invoquer, en vertu de cet article, les énonciations du paragraphe 290 de la doctrine administrative référencée

BOI-TVA-DED-30-30-50 ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a accordé à la société Marriott Rewards Llc le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée litigieuse ;

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :

12. Considérant que le présent arrêt réglant l'affaire au fond, les conclusions du recours du MINISTRE tendant à ce que soit ordonné le sursis à exécution du jugement attaqué sont devenues sans objet ; que, par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur ces conclusions ;

Sur les conclusions de la société Marriott Rewards Llc tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante la somme que demande la société Marriott Rewards Llc au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1501119 du Tribunal administratif de Montreuil du 15 novembre 2016 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société Marriott Rewards Llc devant le Tribunal administratif de Montreuil est rejetée.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur le recours du MINISTRE tendant à ce qu'il soit sursis à exécution du jugement précité du Tribunal administratif de Montreuil.

Article 4 : Les conclusions présentées par la société Marriott Rewards Llc sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

5

Nos 17VE00830...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE00830
Date de la décision : 06/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: M. Christophe HUON
Rapporteur public ?: M. COUDERT
Avocat(s) : SCP BAKER et MCKENZIE ; SCP BAKER et MCKENZIE ; SCP BAKER et MCKENZIE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-06-06;17ve00830 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award