Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...C...B...a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 22 mars 2016 par lequel le préfet du Loiret l'a placé en rétention administrative pour une durée de 5 jours, de lui enjoindre de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 152,45 euros par jour de retard, et de procéder à un nouvel examen de sa situation.
Par un jugement n° 1602162 du 25 mars 2016, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a annulé cet arrêté.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 14 juin 2016, le préfet du Loiret demande à la Cour :
1°d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Versailles du 25 mars 2016 ;
2°de rejeter la demande présentée par M. A...C...devant le tribunal administratif.
Le préfet du Loiret soutient qu'il n'a pas commis d'erreur d'appréciation en ordonnant le placement en rétention plutôt qu'une assignation à résidence.
La requête a été communiquée à M. A...C...qui n'a pas produit d'observation en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre l'administration et le public ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Boret,
- et les conslusions de Mme Orio, rapporteur public.
1. Considérant que, par arrêté du 15 mai 2015, le préfet du Loiret a fait obligation à M. A... C...de quitter le territoire français sans délai ; que le préfet du Loiret relève appel du jugement du 25 mars 2016 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté du 22 mars 2016 par lequel, en exécution de la mesure d'éloignement prévue par l'arrêté du 15 mai 2015 précité, il a placé M. A... C...en rétention administrative pour une durée de cinq jours ;
2. Considérant, en premier lieu, que pour prononcer l'annulation de l'arrêté litigieux, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a estimé que le préfet du Loiret avait commis une erreur d'appréciation en ordonnant un placement en rétention plutôt qu'une assignation à résidence ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (....) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation.(...) " ; qu'aux termes de l'article L. 512-3 du même code : " Les articles L. 551-1 et L. 561-2 sont applicables à l'étranger faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dès l'expiration du délai de départ volontaire qui lui a été accordé ou, si aucun délai n'a été accordé, dès la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) " ; qu'enfin, au terme du II de l'article L. 511-1 du même code : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente (...) " ;
4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient au préfet qui entend mettre à exécution une des décisions d'éloignement d'un étranger visées à l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'apprécier si les circonstances et notamment les garanties de représentation de ce dernier lui permettent de le laisser en liberté, ou bien doivent conduire à l'assigner à résidence, ou à défaut, à le placer en rétention administrative ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...C..., qui a été placé en rétention administrative le 22 mars 2016 à la suite de son interpellation le même jour à la suite d'un contrôle routier, s'était soustrait à l'obligation de quitter le territoire français sans délai qui lui avait été notifiée le 15 mai 2015; qu'il s'était en outre soustrait à l'exécution de deux autres décisions d'éloignement prises après le rejet définitif de sa demande d'asile, et de la demande de titre de séjour qu'il avait présentée aux services de la préfecture ; qu'il n'a pu justifier de la possession d'aucun document d'identité ou de voyage en cours de validité ; et que s'il a soutenu qu'il vivait avec sa compagne, laquelle serait enceinte de lui, il ressort des documents produits qu'il vit seul au foyer AFTAM à Saint-Jean-le-Blanc et qu'il n'a pu établir la réalité de cette relation ou de sa paternité alléguée ; que la circonstance qu'il effectue des stages dans le cadre d'une formation professionnelle ne suffit pas, à elle seule, à justifier de garanties de représentation suffisantes au sens de l'article L. 511-1 II susvisé ; que, dans ces conditions, l'arrêté annulé indiquait sans erreur d'appréciation que l'intéressé ne présentait pas de garanties suffisantes de représentation, au sens des dispositions précitées du d) et du f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables en l'espèce en application des dispositions combinées et précitées des articles L. 551-1 et L. 561-2 du même code, et pouvait, par suite, être placé en rétention dans un centre ou local ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ; qu'ainsi, le préfet du Loiret est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler son arrêté précité, le jugement attaqué a retenu que cet arrêté était entaché d'une erreur d'appréciation dans l'application de ces dispositions ;
6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...C...devant le tribunal administratif ;
7. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté attaqué du 22 mars 2016 a été signé par Mme D...E..., directrice de la réglementation et des relations avec les usagers, qui bénéficiait, en vertu d'un arrêté du 1er janvier 2016, versé au dossier de première instance et régulièrement publié au recueil des actes administratifs départementaux, d'une délégation de signature à fin de signer notamment " les décisions de placement en rétention administrative, dans le cadre des dispositions de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " ; que dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée manque en fait et doit être écarté ;
8. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, aujourd'hui codifié à l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques (...) ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de cette même loi, aujourd'hui codifié à l'article L. 211-5 du code précité : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. " ; qu'aux termes de l'article L. 551-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision de placement est prise par l'autorité administrative, après l'interpellation de l'étranger ou, le cas échéant, lors de sa retenue aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour, à l'expiration de sa garde à vue, ou à l'issue de sa période d'incarcération en cas de détention. Elle est écrite et motivée. Elle prend effet à compter de sa notification à l'intéressé. Le procureur de la République en est informé immédiatement. (...) " ;
9. Considérant que l'arrêté attaqué du 22 mars 2016 vise les articles L. 551-1 à L. 551-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et fait référence à l'arrêté du 15 mai 2015 portant obligation de quitter le territoire français notifié à l'intéressé le même jour ; que le préfet du Loiret a en outre indiqué que l'exécution immédiate de cette mesure d'éloignement n'était pas possible en raison des modalités d'organisation du départ de
M. A... C...vers son pays d'origine et que ce dernier ne présentait pas de garanties de représentation suffisante, eu égard à l'absence de document d'identité ou de voyage, à l'insuffisance de ses ressources, au fait qu'il n'a pas déféré aux précédentes mesures dont il a fait l'objet et à l'opposition qu'il a exprimée, lors de son audition, à tout retour dans son pays d'origine ; que le préfet du Loiret n'était tenu de faire état ni des dispositions relatives à l'assignation à résidence, ni de la situation personnelle et familiale de l'intéressé, qu'ainsi, contrairement à ce que soutient M. A...C..., l'arrêté comporte l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait sur lesquelles la décision litigieuse est fondée et est suffisamment motivé au regard des dispositions précitées de la loi du 11 juillet 1979 ;
10. Considérant, en troisième lieu, que le seizième considérant de la directive du 16 décembre 2008 susvisée énonce que : " Le recours à la rétention aux fins d'éloignement devrait être limité et subordonné au respect du principe de proportionnalité en ce qui concerne les moyens utilisés et les objectifs poursuivis. La rétention n'est justifiée que pour préparer le retour ou procéder à l'éloignement et si l'application de mesures moins coercitives ne suffirait pas. " ; qu'aux termes du 4 de l'article 8 de cette directive : " Lorsque les États membres utilisent - en dernier ressort - des mesures coercitives pour procéder à l'éloignement d'un ressortissant d'un pays tiers qui s'oppose à son éloignement, ces mesures sont proportionnées et ne comportent pas d'usage de la force allant au-delà du raisonnable. Ces mesures sont mises en oeuvre comme il est prévu par la législation nationale, conformément aux droits fondamentaux et dans le respect de la dignité et de l'intégrité physique du ressortissant concerné d'un pays tiers. " ; que l'article 15 de la même directive dispose que : " 1. À moins que d'autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les États membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d'un pays tiers qui fait l'objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l'éloignement, en particulier lorsque : / a) il existe un risque de fuite, ou / b) le ressortissant concerné d'un pays tiers évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d'éloignement (...). "
11. Considérant, que M. A...C...soutient que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction résultant de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, en ce qu'elles permettraient un recours " quasi systématique " à la rétention au détriment de mesures moins coercitives, telle que l'assignation à résidence, méconnaissent les seizième et dix-septième paragraphes du préambule de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 et ses articles 8-4 et 15 ; que, toutefois, le dix-septième considérant du préambule, invoqué par M. A...C..., n'a pas trait aux cas de recours à la rétention, mais aux conditions matérielles de la rétention, et ne saurait donc être méconnu par les dispositions précitées énumérant les cas où la rétention peut être ordonnée ; qu'en outre, s'il résulte du seizième considérant de la directive ainsi que des dispositions de son article 15 que les États membres doivent en principe procéder à l'éloignement au moyen des mesures les moins coercitives possible, en particulier de l'assignation à résidence, ils peuvent recourir à la rétention dans le cas où l'exécution de la décision de retour risque d'être compromise par le comportement de l'intéressé, notamment s'il présente un risque de fuite dont l'existence doit être appréciée, dans chaque cas d'espèce, selon des critères objectifs ; que l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit ainsi la possibilité pour l'autorité préfectorale de prendre une mesure d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à cette obligation ; que, par ailleurs, en vertu de l'article L. 551-1 du même code, le placement en rétention de l'étranger ayant fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français n'est possible que s'il existe des éléments objectifs qui permettent à l'autorité préfectorale de regarder comme établi le risque qu'il s'y soustraie ; que ces différents critères objectifs sont énoncés au 3° du II de l'article L. 511-1 dudit code ; qu'enfin, il incombe à l'autorité compétente de procéder, sous le contrôle du juge, à un examen particulier de la situation de chaque étranger afin notamment d'apprécier si l'intéressé présente ou non un risque de fuite et, le cas échéant, si les conditions légales permettant le placement en rétention sont réunies ; qu'il en résulte que le moyen tiré de ce que les dispositions précitées de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont incompatibles avec l'article 15 de cette directive et avec l'exigence de proportionnalité rappelée par le 4 de l'article 8 de cette directive ainsi que son seizième considérant doit, par suite, être écarté ;
12. Considérant que le moyen de M. A...C...tiré de ce que les limites du contrôle juridictionnel prévu par les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile méconnaissent l'article 15-2 de la même directive aux termes duquel les États membres prévoient un contrôle juridictionnel accéléré de la légalité de la rétention le plus rapidement possible à compter du début de la rétention, n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
13. Considérant, en quatrième lieu, qu'ainsi qu'il a été rappelé aux points 3 à 5, le préfet du Loiret n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que M. A...C...ne présentait pas les garanties de représentation propres à prévenir tout risque de fuite ; que par suite, il n'a pas non plus méconnu les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
14. Considérant, en dernier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté litigieux serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Loiret est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement litigieux, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté du 22 mars 2016 plaçant M. A... C...en rétention administrative ; que doivent être rejetées, en conséquence, les conclusions de M. A... C...présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1602162 du 25 mars 2016 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles est annulé.
Article 2 : La demande de M. A...C...devant le Tribunal administratif de Versailles est rejetée.
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N° 16VE01759