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01/06/2017 | FRANCE | N°15VE01832

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 01 juin 2017, 15VE01832


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'établissement public coréen NATIONAL PENSION SERVICE a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la restitution des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française, au titre de l'année 2010, soit 1 525 178,92 euros, au titre de l'année 2011, soit 2 905 673,49 euros et au titre de l'année 2012, soit 2 969 578,80 euros ;

Par un jugement n° 1310677, 1310679 et 1312091 du 21 avril 2015, le

Tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes.>
Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 juin 2015...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'établissement public coréen NATIONAL PENSION SERVICE a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la restitution des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française, au titre de l'année 2010, soit 1 525 178,92 euros, au titre de l'année 2011, soit 2 905 673,49 euros et au titre de l'année 2012, soit 2 969 578,80 euros ;

Par un jugement n° 1310677, 1310679 et 1312091 du 21 avril 2015, le

Tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 juin 2015 et 13 novembre 2015, l'établissement public coréen NATIONAL PENSION SERVICE, représenté par Me Phillippart, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de prononcer la restitution des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française, au titre des années 2010, 2011 et 2012.

Il soutient que :

- étant un établissement public d'assistance en charge du régime général d'assurance vieillesse coréen, il est dans une situation comparable à celle de la caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) ou du fonds de réserve pour les retraites (FRR) au regard des dividendes de source française qu'il perçoit ; il est en effet en charge du régime général obligatoire des retraites des salariés du secteur privé ; il est administré par un conseil d'administration, ne distribue aucune dividende et est soumis au contrôle étroit du ministre de la santé et de l'assistance publique ; son activité est donc comparable à celle de la CNAV ;

- or la CNAV est un établissement public d'assistance non assujetti à l'impôt sur les sociétés visé aux articles 206-1, 206-5 et 219 bis du code général des impôts ;

- La CNAV est d'ailleurs reconnue par la doctrine administrative

BOI-IF-TBF-10-50-10 comme un établissement d'assistance, et à ce titre non imposable à l'impôt sur les sociétés ;

- le fonds de réserve pour les retraites (FRR) est exonéré de l'impôt sur les sociétés prévu au 5 de l'article 206 du code général des impôts par la loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001 ;

- étant dans une situation comparable à la CNAV et au FRR, qu'il s'agisse de ses missions ou de son organisation interne, il a subi une discrimination au titre des années 2010, 2011 et 2012 ;

- ce traitement discriminatoire est contraire aux stipulations de la convention fiscale franco-coréenne du 19 juin 1979, qui s'applique à lui en qualité d'établissement résidant et en qualité de national de Corée du Sud ;

- ce traitement discriminatoire est aussi contraire au principe de libre circulation des capitaux prévu par l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, dès lors que n'étant pas soumis à l'impôt sur les sociétés en Corée, il ne peut bénéficier des stipulations de l'article 23 de ladite convention, destinée à éliminer les doubles impositions ;

- à titre subsidiaire, sa situation est discriminatoire au regard de celle prévalant pour des établissements publics tels que l'IRCANTEC ou l'ERAFP qui ne supportent aucune imposition en France sur les dividendes de source française qu'ils perçoivent, du fait de la constitution de fonds communs de placement ; enfin, les fonds placés en réserve par un établissement public de retraite afin de garantir les engagements souscrits à l'égard des cotisants, dès lors que ces recettes sont procurées par une activité indissociable du but non lucratif poursuivi, doivent être écartés des bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité instituant la Communauté européenne ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la convention fiscale signée le 19 juin 1979 entre la France et la République de Corée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pilven,

- et les conclusions de M. Errera, rapporteur public.

1. Considérant que l'établissement public NATIONAL PENSION SERVICE, caisse de retraite en charge du régime général d'assurance vieillesse coréen, dont le siège est à Séoul, a été initialement soumis, au titre des années 2010, 2011 et 2012, à la retenue à la source sur les dividendes de sociétés françaises perçus par lui au cours de ces années, aux taux de 25% et 30% ; que, par plusieurs décisions des 25 juillet 2011, 11 janvier et 24 juin 2013, l'administration fiscale a fait droit à ses demandes préalables, tendant à l'application du taux de 15% sur les dividendes concernés ; qu'ainsi, le NATIONAL PENSION SERVICE a obtenu le remboursement des sommes correspondant à la différence entre les retenues à la source opérées aux taux de 25 % et 30 % sur les dividendes de source française, au titre des années 2010 à 2012, et les retenues à la source résultant de l'application du taux de 15% à ces mêmes dividendes ; que le NATIONAL PENSION SERVICE a demandé à bénéficier d'une exonération intégrale s'agissant de ces dividendes et de ce fait de la restitution totale des retenues à la source prélevées au titre des années 2010 à 2012 ; que, par jugement du 21 avril 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes ; que l'établissement requérant forme appel aux mêmes fins qu'en première instance ;

Sur l'imposition au regard de la loi fiscale :

2. Considérant qu'aux termes du 5° du 1 de l'article 206 du code général des impôts, dans sa version applicable aux années en litige : " Sous réserve des exonérations prévues aux articles 1382 et 1394, les établissements publics, autres que les établissements scientifiques, d'enseignement et d'assistance, ainsi que les associations et collectivités non soumis à l'impôt sur les sociétés en vertu d'une autre disposition, à l'exception, d'une part, des fondations reconnues d'utilité publique et, d'autre part, des fonds de dotation dont les statuts ne prévoient pas la possibilité de consommer leur dotation en capital, sont assujettis audit impôt en raison des revenus patrimoniaux qui ne se rattachent pas à leurs activités lucratives. Sont qualifiés de revenus patrimoniaux : (...) c. Des revenus de capitaux mobiliers dont ils disposent, lorsque ces revenus n'entrent pas dans le champ d'application de la retenue à la source visée à

l'article 119 bis ; ces revenus sont comptés dans le revenu imposable pour leur montant brut " ; qu'aux termes du 2° de l'article 219 du même code : " ce taux est fixé à 15 % pour les dividendes " ; et qu'aux termes de l'article 6 de la loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001 portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel : " III.-Le Fonds de réserve pour les retraites visé à l'article L. 135-6 du code de la sécurité sociale est exonéré de l'impôt sur les sociétés prévu au 5 de l'article 206 du code général des impôts " ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions, qui ont été modifiées par l'entrée en vigueur de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009, que les organismes établis en France dont l'objet est de servir des pensions de retraite, telles que la caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV), l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (IRCANTEC) ou l'établissement de retraite additionnelle de la fonction publique (ERAFP) sont assujettis à l'impôt sur les sociétés au titre des dispositions précitées du 5 de l'article 206 susmentionné à raison des revenus qu'ils tirent du placement de leurs fonds et soumis à une imposition au taux de 15 %, à l'exception du fonds de réserve pour les retraites, qui en est exonéré par la loi du 17 juillet 2001 susmentionnée ; que, par suite, le NATIONAL PENSION SERVICE, pour les revenus de capitaux mobiliers issus des dividendes de sociétés françaises perçus en 2010, 2011 et 2012, n'est pas placé dans une situation discriminatoire par rapport à la CNAV, à l'IRCANTEC ou à l'ERAFP ; que si le NATIONAL PENSION SERVICE soutient que ces organismes sont, en méconnaissance de la loi, exonérés de toute imposition sur les dividendes perçus de source française, il n'en apporte pas la preuve et n'avance d'ailleurs aucun élément en ce sens ; que, s'agissant du fonds de réserve des retraites, les sommes qui sont affectées à ce dernier sont mises en réserve jusqu'en 2020 ; que faisant partie des fonds de dotation dont les statuts ne prévoient pas la possibilité de consommer leur dotation en capital, il est, à ce titre, exonéré de l'impôt sur les sociétés prévu au 5° du 1 de l'article 206 du code général des impôts, comme le rappelle par ailleurs l'article 6 de la loi du 17 juillet 2001 susmentionnée ; que sa situation ne peut être comparée à celle de l'établissement requérant, dont les missions sont celles d'une caisse de retraite ;

4. Considérant qu'il suit de là qu'en l'absence de toute discrimination, l'établissement requérant n'est pas fondé à soutenir qu'il ferait l'objet d'une discrimination au sens de l'article 24 de la convention fiscale franco-coréenne du 19 juin 1979 ;

5. Considérant, en second lieu, que l'établissement requérant n'est pas imposé à l'impôt sur les sociétés en Corée du Sud mais perçoit des dividendes sur les actions de sociétés françaises dont il est détenteur ; qu'il est à ce titre imposé sur le fondement du 5° du 1 de

l'article 206 susmentionné ; que, si une société est exonérée d'impôt dans son Etat de résidence en raison de la législation applicable dans cet Etat et si, par suite, la retenue à la source prélevée en France à raison des dividendes que lui ont été versés au titre de ses revenus perçus en France constitue une charge définitive, le respect de la liberté de circulation des capitaux n'implique pas que la France doive, de manière unilatérale ou par voie conventionnelle, assurer la neutralisation de la charge fiscale que cette société supporte du fait de la décision de l'Etat membre, où elle réside, d'exercer sa compétence fiscale et de ne pas la soumettre à l'impôt ; qu'ainsi, le désavantage pouvant résulter pour l'établissement requérant de l'exercice parallèle des compétences fiscales de la France et de son Etat de résidence ne constitue pas, dès lors que cet exercice ne revêt pas un caractère discriminatoire, une restriction à la liberté de circulation des capitaux prohibée par l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Sur l'imposition au regard de la doctrine administrative :

6. Considérant que si l'administration fiscale considère, dans sa doctrine

BOI-IF-TFB-10-50-10, que la CNAV est un établissement public d'assistance exonéré de taxe foncière et de taxe d'habitation, il n'en résulte pas qu'elle aurait en outre entendu l'exonérer de toute imposition sur les dividendes perçus de source française ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le

NATIONAL PENSION SERVICE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande de restitution des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française, au titre des années 2010, 2011 et 2012 ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le NATIONAL PENSION SERVICE demande au titre des frais exposés par lui dans l'instance et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'établissement NATIONAL PENSION SERVICE est rejetée.

2

N° 15VE01832


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 15VE01832
Date de la décision : 01/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-06-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Cotisations d`IR mises à la charge de personnes morales ou de tiers. Retenues à la source.


Composition du Tribunal
Président : M. DEMOUVEAUX
Rapporteur ?: M. Jean-Edmond PILVEN
Rapporteur public ?: M. ERRERA
Avocat(s) : SELARL CAMPBELL-PHILLIPPART-LAIGO et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-06-01;15ve01832 ?
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