Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. d'Haëm,
- les conclusions de Mme Mégret, rapporteur public,
- et les observations de MmeC..., pour la commune de Saint-Ouen.
1. Considérant que MmeB..., qui a été recrutée, par voie de mutation, en qualité d'attachée territoriale titulaire par la commune de Saint-Ouen à compter du 2 janvier 2012 pour y exercer les fonctions de directrice de la circonscription sociale, relève appel du jugement du 11 mars 2016 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune à lui verser la somme de 50 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 avril 2014, en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi du fait des agissements constitutifs de harcèlement moral et du refus de protection fonctionnelle dont elle a fait l'objet ;
Sur les conclusions à fin d'indemnité :
2. Considérant que Mme B...fait valoir qu'en tant que directrice de la circonscription sociale de la commune de Saint-Ouen à compter du 2 janvier 2012, elle a été confrontée à l'attitude frondeuse des agents placés sous son autorité, y compris son adjointe, MmeD..., et, en particulier, au comportement de MmeE..., assistante sociale, qui a fait preuve à son égard d'une hostilité croissante, qui n'a eu de cesse de formuler contre elle, parfois en des termes irrévérencieux, des reproches ou griefs manifestement infondés, voire " délirants " et qui l'a accusée, sans preuve, d'être responsable d'un acharnement à son encontre ainsi que d'une dégradation de son état de santé ; qu'elle fait valoir également que sa hiérarchie, au lieu de lui apporter son soutien, a pris fait et cause pour cet agent et, notamment lors d'entretiens qui ont eu lieu les 2 et 29 janvier 2014, l'a expressément accusée, sans fondement, de harcèlement moral et de délit d'entrave à l'exercice du droit syndical envers Mme E..., puis a multiplié à son encontre les reproches sur sa manière de servir, avant de la suspendre, par un arrêté du 18 février 2014, de ses fonctions sans motif valable, de lui refuser illégalement, par une décision du 30 juin 2014, le bénéfice de la protection fonctionnelle et de la " mettre au placard " ; qu'enfin, elle soutient que de tels agissements répétés de la part d'agents, puis de sa hiérarchie, qui sont constitutifs d'un harcèlement moral, et ce refus illégal de protection engagent la responsabilité de la commune ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 susvisée portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction alors applicable : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés (...). " ;
4. Considérant qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
5. Considérant, d'une part, que s'il est constant que le service dirigé par MmeB..., comprenant des agents ayant une forte personnalité, a connu des difficultés importantes de fonctionnement avant même son recrutement, la requérante n'apporte aucun élément de fait susceptible de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre de la part de tout ou partie des agents affectés dans son service et, en particulier, de MmeD..., son adjointe, ou de MmeE..., assistante sociale et représentante syndicale ; qu'en revanche, il ressort des pièces du dossier et, notamment, de l'argumentation et des pièces produites en défense par la commune que les difficultés rencontrées par Mme B...dans la direction de son service sont imputables à ses insuffisances en matière de management et, en particulier, à un comportement autoritaire ou inapproprié à l'égard de ses agents et non, comme elle l'invoque, à des agissements répétés ou vexatoires de leur part à son encontre, qui seraient constitutifs d'un harcèlement moral ; qu'à cet égard, l'activité de la cellule de prévention des risques psycho-sociaux de la commune, qui a été régulièrement sollicitée en 2012 et 2013 par ces agents à raison du comportement de MmeB..., atteste des difficultés rencontrées par l'intéressée dans l'exercice de son autorité hiérarchique ; qu'en outre, Mme B...n'apporte aucune précision, ni aucun élément de nature à l'appui de son allégation selon laquelle son adjointe, MmeD..., aurait " fortement contribué " aux agissements qu'elle lui impute alors qu'il ressort des pièces du dossier que cet agent s'est borné, par un courriel du 20 septembre 2013 adressé à l'autorité territoriale et en des termes, au demeurant, très mesurés, à faire part de ses propres difficultés à collaborer avec l'intéressée ; que, de même, les quelques courriels produits par la requérante, échangés entre fin 2012 et début 2014 avec MmeE..., s'ils révèlent une relation conflictuelle avec cet agent ainsi que les difficultés managériales et relationnelles de Mme B..., qui a reproché à cet agent, à plusieurs reprises, ses absences pour motif médical ou à raison de ses fonctions de délégué syndical et de présidente du comité d'activités sociales et culturelles, malgré les consignes données par sa hiérarchie sur ces autorisations d'absence pour motif syndical auxquelles l'agent avait droit, ne permettent pas, en revanche, de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral de la part de cet agent à l'encontre de sa supérieur hiérarchique ; que, de plus, il n'est pas sérieusement contesté qu'alors qu'une telle décision ne relevait pas de ses attributions et qu'au demeurant, cette décision n'avait pas été encore arrêtée par l'autorité territoriale, Mme B... a fait part, à la fin de l'année 2013, à MmeE..., agent contractuel, qu'elle serait remplacée par un autre agent en voie de recrutement ; que, dans ces conditions, ni le courriel du 26 décembre 2013, ni le courrier du même jour adressés à l'autorité territoriale par Mme E..., pour se plaindre du comportement de Mme B...ou contester son évaluation professionnelle, ne sauraient suffire à faire présumer l'existence, de la part de cet agent, d'agissements qui seraient constitutifs de harcèlement moral ; qu'enfin, il ressort des pièces du dossier que MmeB..., invitée par sa hiérarchie lors d'un entretien du 2 janvier 2014 à produire tout élément de nature à établir que l'agent en cause manifesterait à son égard une attitude irrévérencieuse ou un manque de respect fréquent et mettrait en cause régulièrement ses décisions ou son autorité ainsi qu'un état précis de ses absences depuis le mois de septembre 2013 qui n'auraient pas été, selon elle, justifiées, n'a, contrairement à ce qu'elle soutient, jamais fourni ces éléments ;
6. Considérant, d'autre part, que Mme B...ne saurait sérieusement soutenir que sa hiérarchie ne lui aurait apporté aucun soutien et aurait commis, à son encontre, des agissements répétés constitutifs de harcèlement moral ; que, sur ce point, alors que la requérante n'apporte aucun élément de fait susceptible de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement, il ressort des pièces du dossier que, outre l'appui fourni par la cellule de prévention des risques psycho-sociaux de la commune, l'autorité territoriale a, pour tenir compte des difficultés managériales de MmeB..., recruté une nouvelle adjointe, MmeD..., qui disposait d'une formation en psychologie et d'une expérience professionnelle importante dans le domaine social, afin de l'aider dans ses différentes tâches de direction du service ; que, de plus, il ressort également des pièces du dossier que les supérieurs hiérarchiques de Mme B...lui ont régulièrement apporté une aide pour la gestion du service, notamment par des rappels à l'ordre de certains agents ou par des consignes données à l'intéressée pour la gestion de certaines situations et, en particulier, pour les demandes d'autorisation d'absence pour motif syndical présentées par MmeE... ; qu'en outre, les deux réunions, qui ont été organisées les 2 et 29 janvier 2014 avec le directeur général adjoint des services et la directrice des ressources humaines d'abord, puis avec le directeur général des services afin d'examiner les difficultés rencontrées par Mme B...dans la direction de son service et, en particulier, la relation conflictuelle avec Mme E...ne constituent, ni ne révèlent des agissements répétés constitutifs de harcèlement moral à l'encontre de l'intéressée ; qu'à cet égard, il ressort des comptes-rendus de ces deux réunions que, contrairement à ce que soutient la requérante, elle n'a pas été " expressément accusée " de harcèlement moral et de délit d'entrave à l'exercice du droit syndical envers Mme E..., mais a été invitée à s'expliquer sur ses difficultés managériales et sa relation conflictuelle avec cet agent, ce qu'elle a refusé de faire sans fournir le moindre élément d'explication sur ces difficultés ou conflit ; que, de même, la requérante n'apporte aucune précision, ni aucun élément de nature à remettre en cause la matérialité des reproches sur sa manière de servir qui lui ont été faits lors de la réunion du 29 janvier 2014, à savoir ses difficultés managériales ou son attitude à l'égard de Mme E..., ni de ceux formulés ultérieurement, à savoir le fait d'avoir diffusé un projet de service qui n'avait pas été validé par ses supérieurs hiérarchiques et le fait d'avoir prévu la fermeture de la circonscription sociale au public tous les mardis et jeudis après-midi des 4 au 27 février 2014 sans en avoir référé préalablement à sa hiérarchie ; qu'enfin, en prononçant à l'encontre de MmeB..., par un arrêté du 18 février 2014, une mesure de suspension de fonctions au motif tenant à la situation dans laquelle se trouvaient les agents du service à raison de son comportement managériale et au signalement de harcèlement moral et de souffrance au travail par un agent, griefs qui présentaient un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité, l'autorité territoriale ne saurait être regardée comme ayant pris une mesure excédant les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique au point de pouvoir être qualifiée d'agissement constitutif de harcèlement moral ;
7. Considérant, enfin, que Mme B...ne fournit aucune précision, ni aucun élément de nature à démontrer qu'après cette mesure de suspension de fonctions qui n'a d'ailleurs pas été exécutée, l'intéressée ayant bénéficié d'un congé de maladie du 1er février 2014 au 16 février 2014, puis de nouveau à compter du 18 février 2014 et ce, durant plusieurs mois, elle aurait fait l'objet d'une " mise au placard " de la part de son employeur ; qu'à cet égard, ni la seule circonstance que, lors d'une réunion de service du 24 juillet 2014, sa hiérarchie a demandé aux agents de son service de lui fournir des éléments illustrant les difficultés rencontrées avec l'intéressée dont un retour à son poste était alors envisagé, ni celle selon laquelle son employeur a demandé, au mois de juin 2015, à un médecin expert de se prononcer, lors d'une visite médicale de reprise, sur l'aptitude de l'intéressée à reprendre ses fonctions antérieures ne suffisent à faire présumer l'existence d'une volonté de l'autorité territoriale de la " mettre au placard " ou d'un agissement révélant un harcèlement moral ;
8. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, dans sa rédaction alors applicable : " (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté (...). " ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit qu'en l'absence d'agissements constitutifs de harcèlement moral qui seraient imputables à tout ou partie des agents de son service ou de sa hiérarchie, Mme B...n'est pas fondée à soutenir que l'autorité territoriale lui aurait illégalement, par sa décision du 30 juin 2014, refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'en l'absence d'agissements constitutifs de harcèlement moral imputables aux agents de son service ou à ses supérieurs hiérarchiques ou d'illégalité fautive dans le refus de la commune de Saint-Ouen de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle, Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses conclusions indemnitaires ;
Sur les dépens :
11. Considérant qu'aucun dépens n'a été exposé au cours de l'instance d'appel ; que les conclusions présentées à ce titre par Mme B...ne peuvent donc qu'être rejetées ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Saint-Ouen, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme B...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B...une somme de 1 000 euros à verser à la commune de Saint-Ouen sur le fondement des mêmes dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Mme B...versera à la commune de Saint-Ouen la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par la commune de Saint-Ouen au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.
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N° 16VE01251