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11/05/2017 | FRANCE | N°16VE01152

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 11 mai 2017, 16VE01152


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 12 juin 2015 par lequel le préfet de l'Essonne a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, dans un délai de départ volontaire de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office à la frontière à l'expiration de ce délai. Par un jugement n° 1504764 du

17 mars 2016, le Tribunal administratif de Versailles a rejet

sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 15 avril ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 12 juin 2015 par lequel le préfet de l'Essonne a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, dans un délai de départ volontaire de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office à la frontière à l'expiration de ce délai. Par un jugement n° 1504764 du

17 mars 2016, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 15 avril 2016, Mme B...A..., représentée par Me Mengelle, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement, ensemble l'arrêté contesté du 12 juin 2015 ;

2° d'enjoindre, sous astreinte, au préfet de l'Essonne de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ;

3° de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Mengelle d'une somme de

1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Mme A...soutient que :

- le préfet ne pouvait statuer sur sa demande sans consulter, au préalable, la commission du titre de séjour ;

- dès lors qu'elle justifie avoir subi des violences conjugales, qui n'avaient pas à être répétées ni davantage à présenter un caractère sexuel, après être entré en France mais avant la première délivrance d'une carte de séjour temporaire en qualité de conjoint de français, elle devait bénéficier de plein droit de ce titre de séjour, contrairement à ce qu'ont retenu l'administration et les premiers juges, en vertu des dispositions de la dernière phrase du deuxième alinéa de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire français doit être annulée en conséquence de l'illégalité du refus de titre contesté.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Toutain.

1. Considérant que Mme B...A..., ressortissante colombienne, a épousé en Colombie, le 10 mai 2013, un ressortissant français puis est entrée régulièrement en France le 14 août 2013, sous couvert d'un visa de long séjour d'un an, valable jusqu'au 8 août 2014, délivré en qualité de conjoint de ressortissant français et valant carte de séjour temporaire en vertu du dernier alinéa de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'une fois la durée de validité de ce visa expirée, Mme A... a sollicité, le 28 août 2014, la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", sur le fondement des dispositions combinées du 4° de l'article L. 313-11 et du deuxième alinéa de l'article L. 313-12 du même code, en indiquant avoir subi des violences conjugales ; que, par arrêté du 12 juin 2015, le préfet de l'Essonne a rejeté cette demande, a fait obligation à Mme A...de quitter le territoire français, dans un délai de départ volontaire de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel l'intéressée pourrait être reconduite d'office à la frontière à l'expiration de ce délai ; que, par jugement n° 1504764 du 17 mars 2016, dont Mme A...relève appel, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur les conclusions à fin d'annulation et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) " ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 313-12 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé, sauf si elle résulte du décès du conjoint français. Toutefois, lorsque l'étranger a subi des violences conjugales de la part de son conjoint et que la communauté de vie a été rompue, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger et peut en accorder le renouvellement. En cas de violence commise après l'arrivée en France du conjoint étranger mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat, par dérogation à l'article L. 311-1, le visa délivré pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois au conjoint d'un ressortissant français donne à son titulaire les droits attachés à la carte de séjour temporaire prévue au 4° de l'article L. 313-11 pour une durée d'un an " ; qu'aux termes de l'article R. 311-3 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sont dispensés de souscrire une demande de carte de séjour : / (...) 4° Les étrangers, conjoints de ressortissants français, séjournant en France sous couvert d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois et portant la mention "vie privée et familiale", délivré en application du septième alinéa de l'article L. 211-2-1, pendant un an ; / (...) Les étrangers mentionnés aux 4°, 5°, 6°, 7°, 9°, 10° et 11° qui souhaitent se maintenir en France au-delà des limites de durée susmentionnées sollicitent une carte de séjour temporaire dans le courant des deux derniers mois précédant l'expiration de leur visa. La demande est instruite conformément aux articles R. 313-35 et R. 313-36 et, selon les cas, aux articles

R. 313-37 et R. 313-38. A l'échéance de ce délai, il est fait application des dispositions prévues au deuxième alinéa du 4° de l'article R. 311-2 (...) " ; que les dispositions, auxquelles il est ainsi renvoyé fixent respectivement les conditions auxquelles sont subordonnées, à l'article R. 311-2, la première demande de titre de séjour et, aux articles R. 313-35 et suivants, le renouvellement de celui-ci ;

4. Considérant, en l'espèce, que MmeA..., comme il a été rappelé au point 1, n'a sollicité, le 28 août 2014, la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", sur le fondement des dispositions précitées des articles L. 313-11 et L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que postérieurement à l'expiration, intervenue 8 août 2014, de la durée de validité de son visa de long séjour ; qu'ainsi, alors même que ce visa avait valu titre de séjour durant sa période de validité, en vertu des dispositions précitées de l'article L. 211-2-1 du même code, la demande du 28 août 2014 devait être regardée, par application des dispositions réglementaires d'application mentionnées au point 3, comme tendant à la première délivrance d'une carte de séjour temporaire en qualité de conjoint de français, et non comme visant au renouvellement d'un tel titre ; que la requérante était ainsi au nombre des étrangers qui, en cas de violence conjugale commise à leur endroit depuis leur entrée en France, doivent bénéficier de plein droit, sauf si leur présence sur le territoire constitue une menace pour l'ordre public, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", par application des dispositions précitées de l'article L. 313-12 du même code ; qu'à cet égard, les pièces versées au dossier et, notamment, les deux procès-verbaux d'audition de Mme A... respectivement établis, lors de ses dépôts de plainte auprès des services de police, les 18 décembre 2013 et

19 août 2014, ainsi que le certificat médical dressé à cette dernière date permettent de justifier que l'intéressée a fait l'objet, peu après son arrivée en France, de pressions et de menaces réitérées de la part de son époux, qui avait alors entrepris une relation extraconjugale, afin d'obtenir qu'elle consentît à divorcer, comportements ayant le caractère de violences psychologiques et morales ; que la requérante a également été victime, lors d'une dispute conjugale, d'un acte de violence physique lui ayant causé une fracture au doigt ; que, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, de tels agissements n'avaient pas à comporter également des violences de caractère sexuel, pour que la requérante pût bénéficier de la protection instituée par les dispositions législatives ici invoquées ; que l'administration n'établit, ni même n'allègue que la présence de Mme A... sur le territoire français constituerait une menace pour l'ordre public ; que celle-ci est, dès lors, fondée à soutenir qu'en rejetant, par l'arrêté contesté du 12 juin 2015, sa demande de titre de séjour, le préfet de l'Essonne a méconnu les dispositions précitées ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est, pour ce motif, fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté contesté du 12 juin 2015 ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

6. Considérant que, eu égard au motif d'annulation retenu au point 4 et en l'absence de changement allégué dans les circonstances de droit et de fait intervenues depuis l'édiction de l'arrêté contesté du 12 juin 2015, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement la délivrance, au profit de Mme A..., du titre de séjour qu'elle sollicitait ; que, par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Essonne de délivrer à l'intéressée, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

7. Considérant que Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, Me Mengelle, son avocat, peut se prévaloir des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Mengelle de la somme demandée de 1 500 euros, sous réserve que ce mandataire renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement rendu par le Tribunal administratif de Versailles le 17 mars 2016 sous le n° 1504764 et l'arrêté contesté du 12 juin 2016 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Essonne de délivrer à MmeA..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".

Article 3 : L'Etat versera à Me Mengelle une somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Mengelle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par MmeA..., ainsi que le surplus de la demande que l'intéressée avait présentée devant le Tribunal administratif de Versailles, sont rejetés.

2

N° 16VE01152


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE01152
Date de la décision : 11/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. DEMOUVEAUX
Rapporteur ?: M. Eric TOUTAIN
Rapporteur public ?: M. ERRERA
Avocat(s) : MENGELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-05-11;16ve01152 ?
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