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09/05/2017 | FRANCE | N°16VE02922

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 09 mai 2017, 16VE02922


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B...D...ont demandé au Tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2006, 2007 et 2008, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement nos 1301538,1304682 du 13 juillet 2016, le Tribunal administratif de Versailles, a, d'une part, déchargé les intéressés, en droits et pénalités, des impositions supplémentaires établ

ies au titre de l'année 2008 et, d'autre part, rejeté le surplus de leur demande.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B...D...ont demandé au Tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2006, 2007 et 2008, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement nos 1301538,1304682 du 13 juillet 2016, le Tribunal administratif de Versailles, a, d'une part, déchargé les intéressés, en droits et pénalités, des impositions supplémentaires établies au titre de l'année 2008 et, d'autre part, rejeté le surplus de leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 14 septembre 2016 et les 7 et 19 avril 2017, M. et MmeD..., représentés par Me Garitey, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement, en tant qu'il n'a pas fait entièrement droit à leur demande ;

2° à titre principal, de prononcer la décharge des impositions restant à leur charge ;

3° de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. et Mme D...soutiennent que :

- la proposition de rectification du 7 décembre 2011 est insuffisamment motivée au sens de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dès lorsque le vérificateur s'est fondé, d'une part, sur des faits faisant l'objet d'une instance pénale toujours en cours et, par suite, non définitivement établis et, d'autre part, sur une base légale erronée ;

- à défaut d'avoir établi l'existence de pures libéralités, l'administration ne pouvait légalement fonder les rectifications sur les dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts ;

- l'administration n'est pas fondée à demander le maintien des impositions par voie de substitution de base légale sur le fondement de l'article 92 du code général des impôts dès lors qu'une telle substitution aurait pour effet de les priver de la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;

- c'est à tort que l'administration a taxé, sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts, la somme de 38 996,44 euros correspondant à un voyage effectué en 2006 à Dubaï qui aurait été payé par la société Rym Paysages, dès lors que la facture a été établie au nom de la société Seev Paysages et qu'aucun document ne permet d'identifier l'auteur du règlement ;

- au regard des insuffisances et contradictions du dossier, il n'est pas établi qu'ils auraient bénéficié d'un avantage occulte, d'une valeur de 65 162 euros, consistant en la prise en charge par les sociétés Rym Paysages et Seev Paysages de la création d'un jardin japonais à leur domicile ;

- il n'est pas davantage établi qu'ils auraient bénéficié d'une prestation de location d'arbustes pour un montant total de 63 826 euros en l'absence de preuve de paiement de cette somme par la société Seev Paysages et de livraison des arbustes à leur domicile ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé comme établi le paiement par la société Rym Paysages de factures émises par la société TTB Piscines pour la construction d'une piscine à leur domicile pour un montant total de 116 166,85 euros ; en effet, ces paiements se sont limités à 30 000 euros ; en outre, ils n'ont jamais eu l'intention de recevoir gratuitement la piscine ;

- aucun élément ne permet à l'administration de conclure qu'ils auraient bénéficié, en 2007, d'un voyage à l'Ile Maurice, d'un montant de 28 000 euros, de la part de la société Sev Paysages ;

- il n'existe aucune preuve objective de ce qu'ils auraient bénéficié, à hauteur de 17 511,40 euros, de prestations octroyées par la société Seber ; par ailleurs, dans le décompte de cette somme, figure une facture de 4 664,40 euros qui est libellée à leur nom et ne saurait ainsi être regardée comme une libéralité imposée en tant qu'avantage occulte ;

- le chèque remis à MeA..., notaire, dans le cadre de l'acquisition d'un immeuble, ne constitue pas un avantage occulte mais correspond à une avance personnelle consenti par

M.C... ;

- conformément à ce qu'a jugé le Conseil constitutionnel (QPC n° 2016-610 du

10 février 2017), l'assiette des prélèvements sociaux assis sur les rémunérations et avantages occultes ne pouvait être majorée de 25 % ;

- l'application de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré est injustifiée ; en effet, d'une part, le service n'établit pas, par le seul examen des documents obtenus auprès de l'autorité judiciaire, la réalité des avantages occultes qu'il a entendu taxer ; d'autre part, il n'est pas démontré qu'ayant eu connaissance des faits motivant les redressements, au sens de la documentation administrative de base référencée 13 N-1223, n° 9 du 14 juin 1996, ils aurait eu l'intention délibérée d'appréhender de tels avantages imposables à l'impôt sur le revenu.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Huon,

- les conclusions de M. Coudert, rapporteur public,

- et les observations de Me Bourgi, avocat de M. et MmeD....

1. Considérant que, dans le cadre d'un droit de communication exercé auprès de l'autorité judiciaire, l'administration a eu connaissance de ce que M.D..., mis en examen pour escroquerie en bande organisée, abus de confiance, corruption et abus de biens sociaux, avait bénéficié, alors qu'il était responsable des travaux au sein de la société Gestrimelec, chargée de l'administration de biens immobiliers, d'avantages en nature de la part de plusieurs entreprises, en contrepartie de paiements que ces dernières avaient reçues pour des chantiers fictifs facturés à cette société, avec l'aval de l'intéressé ; qu'au vu de l'ensemble des éléments issus de la procédure pénale et aux termes de deux propositions de rectification en date du

7 décembre 2011, le service vérificateur a, sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts, taxé entre les mains de M. et MmeD..., au titre des années 2006, 2007 et 2008, le montant des avantages ainsi reçus, majoré de 25 % conformément au 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts et a assorti les impositions correspondantes de la pénalité de

40 % pour manquement délibéré ; que les requérants relèvent appel du jugement

nos 1301538,1304682 du 13 juillet 2016 du Tribunal administratif de Versailles en tant que ce jugement a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles ils ont ainsi été assujettis au titre des années 2006 et 2007, ainsi que des pénalités correspondantes ;

Sur l'étendue du litige :

2. Considérant que, par une décision en date du 14 avril 2017, ainsi postérieure à l'introduction de la requête, l'administration a accordé à M. et Mme D...le dégrèvement des suppléments de contributions sociales qui leur ont été assignés au titre des années 2006 et 2007 respectivement à hauteur, en droits et pénalités, de 9 586 euros et 5 782 euros ; que, dans cette mesure, les conclusions à fin de décharge présentées par les intéressés sont devenues sans objet ; qu'il n'y a donc plus lieu d'y statuer ;

Sur les conclusions tendant à la décharge des impositions restant en litige :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) c. Les rémunérations et avantages occultes " ; que lorsqu'une société a pris en charge des dépenses incombant normalement à un tiers sans que la comptabilisation de cette opération ne révèle, par elle-même, l'octroi d'un avantage, il appartient à l'administration, si elle entend faire application des dispositions précitées du c de l'article 111 du code général des impôts pour imposer, dans les mains du tiers, cette somme, d'établir, d'une part, que la prise en charge de cette dépense ne comportait pas de contrepartie pour la société, et d'autre part, qu'il existait une intention, pour celle-ci, d'octroyer, et pour le tiers, de recevoir, une libéralité ;

4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de la proposition de rectification du

7 décembre 2011 afférente aux années 2006 et 2007, le vérificateur a relevé que l'enquête pénale ouverte à l'encontre de M. D...avait mis en évidence un " véritable processus de corruption, justifié par l'existence d'avantages en nature " au bénéfice de l'intéressé et de sa famille, " en contrepartie des sommes versées par Gestrimelec " dont M. D... avait autorisé le règlement ; que le service a aussi souligné que, lors de ses auditions, ce dernier avait déclaré que les entreprises travaillant pour la société Gistrimelec lui avaient offert des cadeaux afin de conserver leurs relations commerciales avec cette société ; que, compte tenu de ces éléments, et notamment du schéma mis en place par M. D...ainsi, que du montant des sommes en cause, le ministre ne saurait sérieusement soutenir, en faisant valoir que l'intéressé a déclaré ne jamais rien avoir sollicité en échange d'une faveur, que les biens et services octroyés aux requérants par les sociétés Seev Paysage, Rym Pejzaze et Seber présentaient le caractère de pures libéralités, dès lors qu'il est manifeste qu'au travers de ces avantages, elles cherchaient soit à obtenir des marchés dans l'attribution desquels M. D...jouait un rôle prépondérant soit à bénéficier de surfacturations ; qu'ainsi, compte tenu de l'existence d'une contrepartie pour les entreprises versantes, les avantages en nature consentis à M. et Mme D...ne peuvent être considérés comme des libéralités, intentionnellement octroyées comme telles, imposables entre leurs mains dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement du c) de l'article 111 du code général des impôts ;

5. Considérant, en second lieu, que le ministre demande, à titre subsidiaire, que l'imposition des sommes en litige soit maintenue, par voie de substitution de base légale, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux sur le fondement de l'article 92 du code général des impôts ;

6. Considérant que si l'administration peut, à tout moment de la procédure, invoquer un nouveau motif de droit propre à justifier l'imposition, une telle substitution de base légale ne saurait avoir pour effet de priver le contribuable d'une garantie de procédure attachée à la nouvelle base légale invoquée et, notamment, de la faculté, prévue par les articles L. 59 et

L. 59 A du livre des procédures fiscales, de demander la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, lorsque celle-ci est compétente pour connaître du différend ;

7. Considérant que la base légale initialement retenue par l'administration pour fonder le redressement relevait de la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; qu'ainsi, le litige n'entrait pas dans le champ de la compétence de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; qu'en revanche, sur la nouvelle base légale d'imposition dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, invoquée par le ministre devant la Cour, le contribuable aurait été en droit de demander que cette commission soit saisie, le cas échéant, d'un désaccord sur le montant de ces bénéfices ; que, par suite, M. et Mme D...ne sauraient être regardés comme ayant pu bénéficier de la faculté de demander la saisine de la commission prévue par les articles L. 59 et L. 59 A du livre des procédures fiscales ; que, dès lors, la demande de substitution de base légale présentée par le ministre ne peut qu'être écartée ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D...sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a partiellement rejeté leur demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

10. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme que demandent M. et Mme D...au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à la décharge des suppléments de contributions sociales assignés à M. et Mme D...au titre des années 2006 et 2007 respectivement à hauteur, en droits et pénalités, de 9 586 euros et 5 782 euros.

Article 2 : M. et Mme D...sont déchargés des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et du surplus des suppléments de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2006 et 2007 dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

Article 3 : Le jugement nos 1301538,1304682 du 13 juillet 2016 du Tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par M. et Mme D...est rejeté.

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N° 16VE02922


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE02922
Date de la décision : 09/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués. Notion de revenus distribués. Imposition personnelle du bénéficiaire.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: M. Christophe HUON
Rapporteur public ?: M. COUDERT
Avocat(s) : GARITEY

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-05-09;16ve02922 ?
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