Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E...B...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 10 juin 2013 par laquelle le Directeur général de l'énergie et du climat lui a infligé une sanction financière d'un montant de 683 071,60 euros.
Par un jugement n° 1306196 du 19 janvier 2016, le Tribunal administratif de
Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 21 mars 2016 et un mémoire en réplique et récapitulatif, enregistré le 16 novembre 2016, M.B..., représenté par Me Angotti, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision et de prononcer la décharge totale de l'amende ;
3° à titre subsidiaire, d'exercer son pouvoir de modulation en réduisant le montant de la pénalité prononcée à son encontre à un montant qui ne saurait excéder 15 000 euros ;
4° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B...soutient que :
à titre principal :
- la décision est irrégulière car elle a été prononcée à l'encontre d'une entité n'ayant pas de personnalité juridique ;
- le principe de personnalité des peines qui s'impose à l'établissement des sanctions prévues par l'article L. 222-2 du code de l'énergie n'a, en l'absence de personnalité juridique de l'entité visée et de la mention d'une personne physique par la décision, pas été respecté ; des pénalités ne peuvent pas être prononcées à l'encontre d'une personne décédée ni à l'encontre des successeurs de cette personne ou de la société liquidée ; la pénalité qui n'a pas été prononcée avant le décès d'une personne physique n'est pas transmissible aux successeurs ;
à titre subsidiaire :
- le principe du contradictoire des articles L. 222-3 et L. 222-5 du code de l'énergie n'a pas été respecté car aucune mise en demeure ne lui a été adressée et les griefs ne lui ont pas été notifiés ; la publication au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales du 11 octobre 2011 a informé l'administration du changement de dirigeant ; la décision de sanction confirme que le dossier n'a pas été consulté en vue d'émettre des observations ;
- le pouvoir de sanction du ministre est prescrit en application de l'article L. 222-5 du code de l'énergie ;
à titre infiniment subsidiaire :
- la sanction est manifestement disproportionnée puisqu'il devait acquérir des certificats auprès d'une société du groupe dont les demandes ont été rejetées en raison d'un formalisme rigoureux et pour des motifs formels alors qu'il a réalisé des actions d'économie d'énergie et la sanction est six fois supérieure au montant de 109 290 euros des certificats réclamés et doit donc être réduite à une somme qui ne saurait excéder 15 000 euros ; il n'a pas manqué en totalité à ses obligations, sa bonne foi n'est pas contestable, aucun dommage n'a été causé à l'État et il n'a tiré aucun avantage ; l'article L. 222-2 qui ne dispose pas d'un taux de 0.02 euro n'a pu fonder un montant proportionné de la sanction.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de l'énergie ;
- la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique ;
- le décret n° 2006-600 du 23 mai 2006 relatif aux obligations d'économies d'énergie dans le cadre du dispositif des certificats d'économies d'énergie ;
- le décret n° 2006-603 du 23 mai 2006 relatif aux certificats d'économies d'énergie ;
- l'arrêté du 19 juin 2006 fixant la liste des pièces d'un dossier de demande de certificats d'économies d'énergie ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Geffroy,
- les conclusions de Mme Ribeiro-Mengoli, rapporteur public,
- et les observations de Me Angotti pour M. B...et de Mme A...et M. D...pour la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer.
1. Considérant que M. B...relève régulièrement appel du jugement du 19 janvier 2016 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 juin 2013 du directeur général de l'énergie et du climat, prononçant à son encontre une pénalité d'un montant de 683 071,60 euros, pour manquement à l'article L. 221-2 du code de l'énergie constitué par l'absence d'accomplissement de son obligation d'économies d'énergie fixées, par arrêté du ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables en date du 17 octobre 2007, à
34 153 580 kilowattheures d'énergie finale économisée pour la période comprise entre le
1er juin 2006 et le 30 juin 2009 ;
Sur la régularité de la procédure de sanction :
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 222-2 du code de l'énergie : " " Le ministre met l'intéressé en demeure de se conformer dans un délai déterminé aux dispositions dont le non-respect peut être sanctionné conformément à l'article L. 222-1. Il peut rendre publique cette mise en demeure. / Lorsque l'intéressé ne se conforme pas dans les délais fixés à cette mise en demeure, le ministre peut prononcer à son encontre une sanction pécuniaire dont le montant est proportionné à la gravité du manquement, à la situation de l'intéressé, à l'ampleur du dommage et aux avantages qui en sont tirés, sans pouvoir excéder 2 % du chiffre d'affaires hors taxes du dernier exercice clos, porté à 4 % en cas de nouvelle violation de la même obligation. " ; d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 526-6 du code de commerce : " Tout entrepreneur individuel peut affecter à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel, sans création d'une personne morale. / Ce patrimoine est composé de l'ensemble des biens, droits, obligations ou sûretés dont l'entrepreneur individuel est titulaire, nécessaires à l'exercice de son activité professionnelle. Il peut comprendre également les biens, droits, obligations ou sûretés dont l'entrepreneur individuel est titulaire, utilisés pour l'exercice de son activité professionnelle et qu'il décide d'y affecter. Un même bien, droit, obligation ou sûreté ne peut entrer dans la composition que d'un seul patrimoine affecté. (...) " ;
3. Considérant qu'eu égard aux objectifs et orientations de la politique énergétique fixés par la loi du 13 juillet 2005 de programme fixant lesdites orientations auxquels répondent des sanctions pécuniaires en cas de manquements à l'obligation d'acquérir des certificats d'économies d'énergie, le principe de personnalité des peines ne fait pas obstacle à ce que cette sanction pécuniaire soit mise, compte tenu de la transmission du patrimoine professionnel de Mme C...B..., mère du requérant mentionnée par l'arrêté du 17 octobre 2007 fixant les obligations d'économies d'énergie à réaliser et décédée le 18 juin 2011, à la charge des établissementsB..., géré par le requérant sous la forme d'une entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL), à raison des manquements commis, avant cette opération, par les mêmes établissements ; que M. B...n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que la sanction pécuniaire ne pouvait légalement lui être infligée en raison d'un manquement à l'article L. 221-2 du code de l'énergie commis avant le 2 juin 2012, date à laquelle par l'effet d'une succession et d'une donation, il a repris cette activité professionnelle ;
4. Considérant que si la décision attaquée prise à l'encontre des " établissementsB... " ne mentionne pas que M. E...B...est un entrepreneur individuel à responsabilité limitée exploitant cet établissement, cette circonstance est sans incidence sur sa légalité ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 222-3 du code de l'énergie : " Les sanctions sont prononcées après que l'intéressé a reçu notification des griefs et a été mis à même de consulter le dossier et de présenter ses observations, assisté, le cas échéant, par une personne de son choix. " ;
6. Considérant que si M. B...fait valoir qu'il n'a pas été destinataire des courriers de mise en demeure du 8 janvier 2010, de notification des griefs du 27 décembre 2012 et de convocation pour une réunion du 6 février 2013 qui ont été envoyés à
Mme C...B..., et qu'il n'a donc pu faire valoir ses observations, il résulte cependant de l'instruction que les adresses sont demeurées inchangées après la succession et qu'à la suite de ces courriers, une entrevue a été proposée le 14 février 2013 aux établissements B...par un courriel du 1er février 2013 et un courrier du 6 février 2013 et qu'un représentant de l'entreprise, a, le 5 février 2013, répondu que les sociétés du groupe seraient représentées par le conseil commun à l'ensemble des dossiers ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire ne peut qu'être écarté ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 222-5 du code de l'énergie : " L'instruction et la procédure devant le ministre sont contradictoires. Le ministre ne peut être saisi de faits remontant à plus de trois ans s'il n'a été fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction. " ;
8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par un titre de perception émis par le trésorier-payeur général de l'Essonne, le ministre a, le 26 octobre 2010 déclaré Mme C... B...qui n'avait pas justifié de l'accomplissement de ses obligations d'économies d'énergie pour la période de trois ans s'achevant en septembre 2009, redevable, à ce titre, de la somme de 683 071,60 euros ; que ce titre de perception, alors même qu'il a été annulé par le tribunal administratif par un jugement du 12 mars 2013 a, en tant qu'il notifiait à l'entreprise l'intention de l'autorité compétente de poursuivre les manquements commis, interrompu le délai de prescription ; que, par suite, la décision du 10 juin 2013 est intervenue dans le délai de prescription résultant des dispositions rappelées ci-dessus ;
Sur le montant de la sanction :
9. Considérant que M. B...demande à la Cour, à titre subsidiaire, de ramener le montant de la sanction à un montant qui ne saurait excéder 15 000 euros ;
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 221-1 du code de l'énergie : " Sont soumises à des obligations d'économies d'énergie : (...) 2° Les personnes qui vendent de l'électricité, du gaz, du fioul domestique, de la chaleur ou du froid aux consommateurs finals (...) / Les personnes mentionnées aux 1° et 2° peuvent se libérer de ces obligations soit en réalisant, directement ou indirectement, des économies d'énergie, soit en acquérant des certificats d'économies d'énergie. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 221-2 du même code : " A l'issue de la période considérée, les personnes mentionnées à l'article L. 221-1 justifient de l'accomplissement de leurs obligations en produisant des certificats d'économies d'énergie obtenus ou acquis dans les conditions prévues aux articles L. 221-7, L. 221-8 et L. 221-9.
Afin de se libérer de leurs obligations, les personnes mentionnées aux 1° et 2° de l'article L. 221-1 sont autorisées à se regrouper dans une structure pour mettre en place des actions collectives visant à la réalisation d'économies d'énergie ou pour acquérir des certificats d'économies d'énergie. " ; qu'aux termes de l'article L. 221-4 du même code : " Les personnes qui ne respectent pas les prescriptions de la mise en demeure dans le délai imparti sont tenues de se libérer par un versement au Trésor public. Ce versement est calculé sur la base d'une pénalité maximale de 0,02 euro par kilowattheure. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 222-2 du même code : " Le ministre met l'intéressé en demeure de se conformer dans un délai déterminé aux dispositions dont le non-respect peut être sanctionné conformément à l'article L. 222-1. Il peut rendre publique cette mise en demeure. / Lorsque l'intéressé ne se conforme pas dans les délais fixés à cette mise en demeure, le ministre peut prononcer à son encontre une sanction pécuniaire dont le montant est proportionné à la gravité du manquement, à la situation de l'intéressé, à l'ampleur du dommage et aux avantages qui en sont tirés, sans pouvoir excéder 2 % du chiffre d'affaires hors taxes du dernier exercice clos, porté à 4 % en cas de nouvelle violation de la même obligation. " ;
11. Considérant que l'administration a retenu le montant maximum de pénalité de
2 centimes d'euro par kilowattheure d'énergie finale économisée dont M. B...n'avait pas justifié pour fixer le montant de la sanction pécuniaire ; que cependant le montant d'une sanction pécuniaire, alors même qu'il n'excèderait pas 2 % du chiffre d'affaires, doit être proportionné à la gravité des manquements reprochés à M.B..., à la situation de l'intéressé, à l'ampleur des dommages et aux avantages que M. B...en a tirés ; qu'il résulte en l'espèce de l'instruction, et qu'il n'est pas contesté par l'administration, que l'ensemble des dossiers de demande, qui sont produits devant la juridiction, déposés le 30 décembre 2010 et déclarés irrecevables, le 15 février 2011, par l'administration, comportaient la réalisation effective d'actions d'économies d'énergie qui n'ont pas fait l'objet d'une valorisation en certificats ; que, par ailleurs, le manquement aux obligations nouvelles de produire des certificats d'économies d'énergie a porté sur un montant total de 34 153 580 kilowattheures d'énergie finale, réparti sur la période comprise entre le 1er juillet 2006 et le 30 juin 2009, pour une valeur totale estimée par l'administration au prix moyen constaté du marché des certificats d'économies d'énergie de 109 000 euros ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que M. B...aurait tiré des avantages du manquement à ses obligations ou que l'ampleur du dommage aurait été minorée par l'entreprise ; que, par suite, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de fixer le montant de la pénalité pour manquement à l'article L. 221-2 du code de l'énergie à la somme de 109 000 euros ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande de modulation de la sanction ;
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à M. B...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La pénalité pour manquement à l'article L. 221-2 du code de l'énergie mise à la charge de M. B...est fixée à un montant de 109 000 euros.
Article 2 : Le jugement n° 1306196 du 19 janvier 2016 du Tribunal administratif de
Cergy-Pontoise est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. B...une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.
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N° 16VE00821