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15/12/2016 | FRANCE | N°14VE02836

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 15 décembre 2016, 14VE02836


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société ALLIANCE ÉLYSÉES a demandé au Tribunal administratif de Versailles de condamner la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois à lui verser la somme de 708 322 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la réception de sa demande indemnitaire.

Par un jugement n° 1003274 du 21 juillet 2014, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés respectivement le 26 septembre 2014,

le 10 décembre 2015 et le 25 novembre 2016, la société ALLIANCE ÉLYSÉES, représentée par Me Penteco...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société ALLIANCE ÉLYSÉES a demandé au Tribunal administratif de Versailles de condamner la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois à lui verser la somme de 708 322 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la réception de sa demande indemnitaire.

Par un jugement n° 1003274 du 21 juillet 2014, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés respectivement le 26 septembre 2014, le 10 décembre 2015 et le 25 novembre 2016, la société ALLIANCE ÉLYSÉES, représentée par Me Pentecoste, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de condamner la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois à lui verser la somme de 708 322 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de la réception de sa demande préalable d'indemnisation et de leur capitalisation à compter du 19 octobre 2010 ;

3° de mettre à la charge de la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif, en retenant la faute commise par le maire de la commune en l'informant qu'il n'était plus donné suite à la signature du protocole d'accord, puis en considérant que la commune était fondée à invoquer le changement de partenaire en matière de logement social pour décider qu'il ne serait pas donné suite à l'attribution du contrat, a entaché son jugement de contradiction de motifs ;

- la commune a engagé sa responsabilité en ne respectant pas la délibération du conseil municipal du 12 mai 2009 autorisant le maire à signer le contrat avec elle ;

- la présence d'un bailleur social au sein de l'équipe candidate n'a jamais été requise par la commune ; la société Moulin vert, son partenaire en matière de logements sociaux, n'a jamais fait partie de l'équipe candidate, comme en attestent les pièces de l'offre et les courriers échangés tout au long de la procédure de consultation ; la composition de l'équipe candidate n'a, par suite, jamais été modifiée et ne pouvait régulièrement fonder la décision de la commune ;

- à titre subsidiaire, à considérer que la présence d'un bailleur social ait été implicitement requise, l'intervention d'un tel bailleur à ses côtés a été constante, la société SADIF ayant immédiatement remplacée la société Moulin vert ;

- à titre infiniment subsidiaire, le principe d'intangibilité des candidatures du code des marchés publics est inapplicable à la procédure de consultation lancée par la commune ;

- l'illégalité de la décision du 2 juillet 2009 du maire de ne pas signer le protocole, l'abrogation illégale de la délibération du 12 mai 2009 et la substitution de la société Tradi Art sont constitutives de fautes de nature à engager la responsabilité de la commune ;

- les fautes de la commune ont directement causé des préjudices, résultant des frais engagés en pure perte dans le projet à hauteur de 100 000 euros et du manque à gagner lié à cette opération qui peut être évalué, compte tenu de la marge nette escomptée, à la somme de 608 322 euros hors taxes.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Van Muylder,

- les conclusions de Mme Mégret, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., pour la société ALLIANCE ÉLYSÉES et celles de Me B...pour la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois.

Une note en délibéré présentée pour la société ALLIANCE ÉLYSÉES a été enregistrée le 5 décembre 2016.

1. Considérant que la société ALLIANCE ÉLYSÉES a répondu à une consultation restreinte lancée par la SORGEM en application d'une convention d'assistance à négociation foncière et à consultation d'opérateurs conclue avec la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois et ayant pour objet la construction de logements sociaux sur une parcelle située au 239 route de Corbeil à Sainte-Geneviève-des-Bois ; que le règlement de consultation prévoyait que la parcelle serait cédée par la commune à un coût de 680 000 euros, à charge pour l'opérateur sélectionné de réaliser le programme de logements sociaux conformément à un tableau de programmations immobilières fourni aux candidats ; que la commission d'analyse des offres réunie le 26 mars 2009 s'étant prononcée en faveur du choix de la société ALLIANCE ÉLYSÉES, le maire de la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois a informé ladite société, par un courrier du 7 avril 2009, que son projet était retenu pour la réalisation d'un programme de 45 logements sociaux ; que, par une délibération du 12 mai 2009, le conseil municipal de la commune a approuvé la signature du protocole d'accord à intervenir avec l'opérateur chargé de réaliser l'opération et autorisé le maire à signer l'ensemble des actes relatifs à la propriété sise 239 route de Corbeil et, en particulier, le protocole d'accord avec l'opérateur retenu ; que, répondant à un courrier de la SORGEM du 23 juin 2009 lui demandant, notamment, de compléter le projet de protocole foncier en y faisant apparaître la société Moulin Vert en tant que bailleur social, la société ALLIANCE ÉLYSÉES a informé la SORGEM que la société Moulin Vert n'était plus son opérateur partenaire et que la société anonyme d'Ile de France (SADIF) l'avait remplacée ; que, par un courrier du 2 juillet 2009, la SORGEM a alors informé la société ALLIANCE ÉLYSÉES qu'il ne serait pas donné suite à la signature du protocole d'accord en raison du changement de partenaire identifié sur le logement social ; que, par courrier du 9 juillet 2009, le maire a confirmé les termes du courrier de la SORGEM du 2 juillet 2009 ; que, par deux délibérations du 29 septembre 2009, le conseil municipal, se fondant également sur le changement de partenaire identifié sur le logement social par l'opérateur initialement retenu, a abrogé la délibération du 12 mai 2009, désigné la société Tradi Art en qualité d'opérateur pour la réalisation du projet de construction de logements sociaux et autorisé le maire à signer avec cette société le protocole d'accord ; que, par un courrier du 19 octobre 2009, la société ALLIANCE ÉLYSÉES a demandé en vain à la commune de l'indemniser des préjudices résultant du refus de cette collectivité de procéder à la signature du protocole d'accord foncier ; qu'elle relève appel du jugement en date du 21 juillet 2014 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois à lui verser la somme de 708 322 euros à ce titre ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que si la société ALLIANCE ÉLYSÉES soutient que le tribunal administratif a entaché son jugement d'erreur de fait, de dénaturation des faits, d'erreur de droit et de contradiction de motifs, ces critiques, qui concernent le bien-fondé du jugement, ne sont pas de nature à mettre en cause sa régularité ; que ces moyens doivent, dès lors, être écartés ;

Sur la responsabilité de la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois :

En ce qui concerne les fautes de la commune :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 2122-21 du code général des collectivités territoriales : " Sous le contrôle du conseil municipal et sous le contrôle administratif du représentant de l'État dans le département, le maire est chargé, d'une manière générale, d'exécuter les décisions du conseil municipal et, en particulier: (...) 7°) De passer dans les mêmes formes les actes de vente, échange, partage, acceptation de dons ou legs, acquisition, transaction, lorsque ces actes ont été autorisés conformément aux dispositions du présent code " ;

4. Considérant, ainsi qu'il a été dit au point 1, que si le conseil municipal de la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois a autorisé, par sa délibération du 12 mai 2009, le maire à signer l'ensemble des actes relatifs à la propriété sise 239 route de Corbeil et, en particulier, le protocole d'accord avec l'opérateur retenu à l'issue de la consultation, lequel était la société ALLIANCE ÉLYSÉES, et si le maire a décidé, dès le 9 juillet 2009, de ne pas conclure le protocole avec cette société, le conseil municipal a toutefois, le 29 septembre 2009, abrogé sa délibération du 12 mai 2009 et désigné la société Tradi Art en qualité d'opérateur pour la réalisation du projet de construction de logements sociaux dont il s'agit ; que, dans ces conditions, l'illégalité de la décision du maire du 12 mai 2009 dont se prévaut la société requérante n'est, en tout état de cause, pas en lien direct avec le préjudice dont elle demande réparation ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que, s'il résulte de l'instruction et, notamment, du document établi par la SORGEM en vue de la commission d'analyse des offres du 6 novembre 2008, que l'offre de la société ALLIANCE ÉLYSÉES a été analysée par la SORGEM comme étant présentée par une équipe constituée notamment par la société ALLIANCE ÉLYSÉES et la SA d'HLM Moulin Vert, la candidature de la SA d'HLM Moulin Vert ne ressort cependant d'aucune pièce du dossier, ni davantage la circonstance que la société ALLIANCE ÉLYSÉES se serait engagée vis-à-vis de la commune à ce que cette société ait la qualité de bailleur social pour l'opération dont il s'agit ; qu'à cet égard, la seule circonstance que le courrier d'envoi du dossier de consultation du 28 août 2008 ait été adressé à " Alliance Elysées Moulin vert " ne permet pas d'établir que la SA Moulin Vert ait répondu à l'offre de la commune ; que, par ailleurs, le dossier de consultation ne prévoit pas, dans la liste des pièces ou des renseignements à fournir, d'indications sur l'identité de la société qui aura en charge la gestion des logements sociaux ; que, dans ces conditions, la société ALLIANCE ÉLYSÉES doit être regardée comme ayant été désignée comme le seul opérateur chargé de réaliser l'opération de logements sociaux par la délibération du conseil municipal en date du 12 mai 2009 sans identification d'un partenaire en qualité de bailleur social ; qu'il suit de là que, pour décider d'abroger sa délibération du 12 mai 2009, le conseil municipal ne pouvait légalement se fonder sur le motif tiré du " changement de partenaire identifié sur le logement social " par la société ALLIANCE ; que, par ailleurs, à supposer que la société requérante ait entretenu une ambiguïté quant à la participation de la société Moulin Vert à ses côtés pour ce projet, tant par la présentation de son offre et par le silence gardé sur l'absence d'engagement de la société Moulin Vert, il ne résulte cependant pas de l'instruction que le comportement de la société ALLIANCE puisse être regardé comme frauduleux ; qu'ainsi, la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois n'est pas fondée à soutenir que la délibération du 12 mai 2009 autorisant le maire à signer les actes avec la société ALLIANCE ÉLYSÉES, dont l'acte de substitution de la société à la commune dans la vente de la parcelle, n'aurait pas créé de droits pour la société ; que, dès lors, la délibération du conseil municipal en date du 29 septembre 2009 est illégale et, par suite, fautive ;

En ce qui concerne les préjudices :

6. Considérant que l'illégalité d'une décision constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration que s'il existe un lien de causalité suffisamment direct et certain entre la faute commise et les préjudices subis ; qu'en l'espèce, la société ALLIANCE ÉLYSÉES demande réparation tant du manque à gagner qu'elle estime avoir subi du fait de l'absence de revente du terrain à la société SADIF que des frais qu'elle a exposés pour la préparation de son offre ;

7. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte, d'une part, de l'instruction que, lors de la finalisation de la procédure, la société ALLIANCE ÉLYSÉES a soumis à la commune un projet de protocole devant être passé non pas entre la commune et elle-même, mais avec M.A..., en sa qualité de gérant d'une société à responsabilité limitée au capital de 2 000 euros dénommée SAJU, domiciliée... ; que, dès lors, et ainsi que l'oppose la commune en défense, la société ALLIANCE ÉLYSÉES, qui ne fait état d'aucun accord passé avec la société SAJU, ne se présentait pas pour se substituer à la commune dans la promesse de vente du terrain ; que, d'autre part, la commune fait valoir que ce projet de protocole mentionnait seulement la réalisation d'un programme de construction de 45 logements mais ne comportait aucun engagement quant à la réalité et au contenu du projet de programme de logements sociaux, ce qui témoigne du caractère peu avancé de l'opération ; qu'enfin et en tout état de cause, en se bornant à produire la copie de trois messages électroniques qu'elle aurait échangés avec la société SADIF, la société requérante ne justifie d'aucun engagement contractuel probable de la part de cette dernière quant à la revente de l'opération ; que, dans ces conditions, le préjudice consistant en la perte alléguée d'un manque à gagner de 608 322 euros en cas de réalisation de l'opération de construction ne présente pas, en l'espèce, un caractère direct et certain mais revêt un caractère éventuel et ne peut, dès lors, ouvrir droit à réparation ;

8. Considérant, en second lieu, que les seules dépenses engagées pour la préparation du projet qui sont justifiées par les pièces produites par la société ALLIANCE ÉLYSÉES consistent en une facture d'un géomètre expert pour un montant de 2 780 euros hors taxe ; que, dès lors, il y a lieu d'estimer à ladite somme le montant du préjudice résultant des frais qu'elle a exposés en vain pour la préparation de son offre ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société ALLIANCE ÉLYSÉES est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois à lui verser la somme de 2 780 euros ;

En ce qui concerne les intérêts et la capitalisation des intérêts :

10. Considérant, d'une part, que la société ALLIANCE ELYSEES a droit, ainsi qu'elle le demande, aux intérêts au taux légal sur la somme de 2 780 euros à compter du 15 décembre 2009, date à laquelle la commune a accusé réception de sa demande préalable ;

11. Considérant, d'autre part, que si la société requérante demande la capitalisation des intérêts à compter du 19 octobre 2010, une telle demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 25 novembre 2016 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande à compter de cette date et de rejeter le surplus de ces conclusions ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société ALLIANCE ÉLYSÉES, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois la somme que demande la société ALLIANCE ÉLYSÉES sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1 : Le jugement n° 1003274 du 21 juillet du Tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : La commune de Sainte-Geneviève-des-Bois est condamnée à verser à la société ALLIANCE ÉLYSÉES la somme de 2 780 euros avec intérêts au taux légal à compter du 15 décembre 2009. Les intérêts échus à la date du 25 novembre 2016 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société ALLIANCE ÉLYSÉES est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

N° 14VE02836 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 14VE02836
Date de la décision : 15/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité - Responsabilité pour faute.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Préjudice - Caractère certain du préjudice.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: Mme Céline VAN MUYLDER
Rapporteur public ?: Mme MEGRET
Avocat(s) : SCP ALAIN LEVY et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2016-12-15;14ve02836 ?
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