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17/11/2016 | FRANCE | N°14VE00011

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 17 novembre 2016, 14VE00011


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le DEPARTEMENT DES YVELINES a demandé au Tribunal administratif de Versailles, dans le dernier état de ses écritures :

- de condamner in solidum la société Imbert, M. D...C...et la société Betom Ingénierie, composant un groupement solidaire chargé de la maîtrise d'oeuvre, la société Groupe Goyer, titulaire du lot n° 7 du marché de travaux, ainsi que la société Bureau Veritas, chargée d'une mission de contrôle technique, à lui verser la somme de 556 353,61 euros TTC, minorée, le cas éché

ant, d'un coefficient de vétusté qui ne saurait être supérieur à 25 %, en réparation des d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le DEPARTEMENT DES YVELINES a demandé au Tribunal administratif de Versailles, dans le dernier état de ses écritures :

- de condamner in solidum la société Imbert, M. D...C...et la société Betom Ingénierie, composant un groupement solidaire chargé de la maîtrise d'oeuvre, la société Groupe Goyer, titulaire du lot n° 7 du marché de travaux, ainsi que la société Bureau Veritas, chargée d'une mission de contrôle technique, à lui verser la somme de 556 353,61 euros TTC, minorée, le cas échéant, d'un coefficient de vétusté qui ne saurait être supérieur à 25 %, en réparation des désordres affectant les châssis coulissants des salles de classe du collège " Galilée " à Limay ;

- de les condamner in solidum au titre des dépens ;

- de mettre à leur charge in solidum le versement d'une somme de 4 784 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1004229 du 17 octobre 2013, le Tribunal administratif de Versailles a :

- condamné in solidum la société Imbert, M. D...C..., la société Betom Ingénierie, la société Groupe Goyer et la société Bureau Veritas à verser au DEPARTEMENT DES YVELINES la somme de 64 600 euros, augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à la date du jugement, au titre des réparations des désordres en cause ;

- condamné le groupement solidaire de maîtrise d'oeuvre et la société Bureau Veritas à garantir la société Groupe Goyer à hauteur, respectivement, de 40 % et de 5 % de la condamnation solidaire prononcée à son encontre, la société Groupe Goyer et la société Bureau Veritas à garantir le groupement solidaire de maîtrise d'oeuvre à hauteur, respectivement, de 55 % et de 5 % du montant de cette condamnation et le groupement solidaire de maîtrise d'oeuvre et la société Groupe Goyer à garantir la société Bureau Veritas à hauteur, respectivement, de 40 % et de 55 % de ce montant ;

- mis les frais d'expertise, d'un montant de 10 303,91 euros, à la charge in solidum de la société Imbert, de M. D...C..., de la société Betom Ingénierie, de la société Groupe Goyer et de la société Bureau Veritas ;

- mis à leur charge in solidum le versement au département de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement le 2 janvier 2014 et le 15 décembre 2014, le DEPARTEMENT DES YVELINES, représenté par Me Bellanger, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement en tant qu'il a limité la condamnation in solidum de la société Imbert, de M. D...C..., de la société Betom Ingénierie, de la société Groupe Goyer et de la société Bureau Veritas à lui verser la somme de 64 600 euros HT au titre des réparations des désordres en cause et de les condamner in solidum à lui verser, à ce titre, la somme de 556 353,61 euros TTC ;

2° de mettre à leur charge la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et la somme de 35 euros sur le fondement des dispositions de l'article R. 761-1 du même code.

Il soutient que :

- le jugement attaqué, qui n'indique pas les raisons pour lesquelles le tribunal administratif a considéré que l'aggravation des désordres résultait du retard mis par le département à déclarer le sinistre à son assureur, est insuffisamment motivé au regard des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative ;

- ce jugement, qui n'explique pas en quoi le défaut de conception à l'origine des désordres n'était pas de nature à justifier le remplacement de l'ensemble des châssis coulissants des salles de classe du collège, est également entaché d'une insuffisance de motivation au regard de ces dispositions ;

- ce jugement est entaché d'une dénaturation des faits et des pièces du dossier, d'une erreur de droit et d'une erreur de qualification juridique des faits ; en effet, les désordres sont apparus non pas en 2004, mais en 2005 ; en outre, en retenant d'office à son encontre l'existence d'une faute tenant au retard pris pour déclarer le sinistre à son assureur et en exonérant ainsi partiellement les constructeurs de leur responsabilité, alors qu'aucune des parties défenderesses n'avait soulevé un tel moyen, le tribunal a statué ultra petita et méconnu son office ; enfin, l'exposant n'a, en déclarant auprès de son assureur les désordres, apparus en 2005, dès le mois de juin 2005, puis en 2006, après aggravation, commis aucune faute ;

- en évaluant le préjudice, le tribunal a entaché ce jugement d'une contradiction de motifs, inexactement évalué ce préjudice et dénaturé les pièces du dossier ; en effet, après avoir relevé que les désordres en cause étaient imputables, en partie, à un défaut de conception des châssis coulissants, le tribunal a retenu l'indemnisation préconisée par l'expert dont la solution quant aux travaux de reprise ne permet pas de résoudre ce défaut ; en outre, l'exposant a démontré que la seule solution de nature à remédier définitivement aux désordres est celle, pour un coût devant être évalué à hauteur de la somme de 556 353,61 euros TTC, consistant à remplacer tous les châssis coulissants des salles de classe par des châssis d'un autre type, plus adaptés à leurs conditions d'utilisation dans un collège ;

- son action en garantie décennale ne peut être regardée comme prescrite à l'égard ni de la société Betom Ingénierie, ni de la société Bureau Veritas ; en effet, sa demande en référé-expertise, introduite le 28 juin 2007 et mettant en cause la société Imbert, mandataire commun du groupement solidaire constitué avec la société Bétom Ingénierie et M. D... C..., a eu pour effet d'interrompre le délai de prescription à l'égard de tous les membres de ce groupement ; en outre, cette demande en référé-expertise, mettant en cause la société Contrôle et Prévention qui a fait l'objet au mois de juin 1998, soit dans le délai de la garantie de parfait achèvement, d'une absorption par la société Bureau Veritas venant ainsi aux droits et obligations de cette société à l'égard du maître de l'ouvrage, a eu également pour effet d'interrompre le délai de prescription à l'égard de la société Bureau Veritas ;

- par leur nature et leur importance, les désordres en cause sont de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination et revêtent donc un caractère décennal ;

- ces désordres sont imputables, pour partie, à la société Groupe Goyer, attributaire du lot n° 7, qui a sous-dimensionné la fixation des châssis coulissants sur le gros oeuvre ;

- ces désordres sont également imputables, pour partie, à la maîtrise d'oeuvre qui a fait un choix inadapté, pour des salles de classe d'un collège, de châssis coulissants, compte tenu de leur grande dimension et de leur poids important ;

- la responsabilité du contrôleur technique est également engagée dès lors qu'il n'a fait aucune remarque sur le défaut de conception des pattes de fixation des châssis sur le gros oeuvre ;

- l'ouverture fréquente par les élèves des fenêtres des salles de classe ne saurait être regardée comme une utilisation anormale de ces éléments d'équipement ;

- le département n'a commis aucune faute de nature à exonérer totalement ou partiellement les constructeurs ; en particulier, outre qu'il n'a pas tardé à déclarer le sinistre auprès de son assureur, il n'est pas démontré qu'il aurait mal défini ses besoins lors de la passation du marché litigieux ; par ailleurs, il ne saurait lui être reproché un défaut d'entretien et de maintenance qui serait à l'origine des désordres, ni de ne pas avoir imposé aux élèves du collège une manipulation " pondérée " des châssis coulissants ;

- l'exposant ayant démontré que le groupement de maîtrise d'oeuvre, la société Groupe Goyer et la société Bureau Veritas avaient tous contribué à la réalisation du dommage, il était recevable et bien-fondé à demander leur condamnation solidaire ;

- ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, il n'y a pas lieu d'appliquer à l'indemnité préconisée par l'expert un coefficient de vétusté ; en revanche, un tel coefficient pourrait, le cas échéant, être appliqué à l'indemnité sollicitée, coefficient qui ne saurait cependant être supérieur à 25 %.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- la loi de finances pour 2014 n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Haëm,

- les conclusions de Mme Mégret, rapporteur public,

- et les observations de Me F...pour le DEPARTEMENT DES YVELINES, Me B... pour la société Betom Ingénierie, Me A...pour la société Groupe Goyer et Me E... pour la société Bureau Veritas.

1. Considérant que le DEPARTEMENT DES YVELINES a engagé, en 1996, la construction du collège " Galilée " à Limay ; que la maîtrise d'oeuvre a été confiée à un groupement solidaire composé de la société Imbert, mandataire commun, de M. D...C...et de la société Betom Ingénierie ; que la réalisation du lot n° 7 " menuiseries extérieures - vitrerie " du marché de travaux a été confiée à la société Groupe Goyer et le contrôle technique à la société Contrôle et Prévention, qui a fait l'objet, en 1998, d'une fusion-absorption par la société Bureau Veritas ; qu'après réception des travaux, intervenue le 4 septembre 1997, des désordres, affectant les châssis coulissants, sont apparus dans différentes salles de classe du collège ; que le département a saisi le 28 juin 2007 le juge des référés en vue de la désignation d'un expert, puis a engagé, le 14 juin 2010, une action en garantie décennale contre les constructeurs ; que le DEPARTEMENT DES YVELINES relève appel du jugement du 17 octobre 2013 du Tribunal administratif de Versailles en tant qu'il limite la condamnation in solidum des constructeurs à lui verser la somme de 64 600 euros, augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à la date du jugement, au titre de la réparation des désordres et demande à la Cour de les condamner in solidum à lui verser la somme de 556 353,61 euros TTC ; que la société Betom Ingénierie, la société Groupe Goyer et la société Veritas demandent, par la voie de l'appel incident, à être mises hors de cause et présentent également des conclusions d'appel provoqué ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que la société Groupe Goyer a soulevé, dans ses mémoires enregistrés au greffe du tribunal administratif les 10 et 30 novembre 2010, le moyen tiré de ce qu'en ayant tardé à déclarer le sinistre auprès de son assureur et en ayant ainsi contribué à l'aggravation des désordres en litige, le département a commis une faute de nature à exonérer les constructeurs de leur responsabilité ; que, par suite, le moyen tiré par le DEPARTEMENT DES YVELINES de ce que les premiers juges auraient relevé d'office un tel moyen manque en fait et doit, dès lors, être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. " ;

4. Considérant, d'une part, qu'il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué, notamment de son point 26, que le tribunal administratif, pour estimer que le département avait commis une faute de nature à exonérer partiellement les constructeurs, a relevé notamment que si les désordres en cause " sont apparus en 2004, ce n'est que le 15 juin 2005 que le maître d'ouvrage a déclaré, pour la première fois, le sinistre à son assureur " et que, " compte tenu de ce délai mis pour déclarer le sinistre, les désordres se sont aggravés durant près d'une année " ; qu'ainsi, les premiers juges ont suffisamment motivé leur décision ; que, par suite, le moyen tiré par le DEPARTEMENT DES YVELINES de ce que le jugement entrepris serait insuffisamment motivé sur ce point ne peut qu'être écarté ;

5. Considérant, d'autre part, qu'il résulte également des motifs mêmes du jugement attaqué, notamment de ses points 30 et 31, que le tribunal administratif, pour évaluer le préjudice subi par le maître de l'ouvrage et après avoir rappelé précisément la solution préconisée par l'expert quant aux travaux de reprise nécessaires, évalués à hauteur de la somme de 68 000 euros HT et consistant notamment en un renforcement des châssis coulissants des salles de classe du collège, a relevé que " si le maître d'ouvrage fait valoir que cette réparation implique nécessairement le remplacement de l'intégralité des châssis coulissants (...) et chiffre son préjudice, dans le dernier état de ses écritures, à 556 353,61 euros TTC eu égard aux marchés passés pour procéder à ce remplacement, les éléments versés au dossier ne permettent pas de contredire les conclusions de l'expertise judiciaire fixant le montant nécessaire à la seule somme devant être engagée par le département des Yvelines pour les travaux de réfection " ; qu'ainsi et compte tenu de l'argumentation invoquée en première instance par le département qui s'est borné à faire valoir que le choix inapproprié par la maîtrise d'oeuvre de châssis coulissants pour des salles de classe d'un collège impliquait nécessairement leur remplacement intégral par un autre type de châssis, les premiers juges ont suffisamment motivé leur décision ; que, par suite, le moyen tiré par le DEPARTEMENT DES YVELINES de ce que le jugement entrepris serait irrégulier, faute d'une motivation suffisante sur ce point, ne peut également qu'être écarté ;

6. Considérant, en dernier lieu, que si le DEPARTEMENT DES YVELINES soutient, d'une part, qu'en estimant que le maître d'ouvrage avait commis une faute exonératoire, le tribunal administratif aurait entaché le jugement attaqué d'une dénaturation des faits et des pièces du dossier, d'une erreur de droit et d'une erreur de qualification juridique des faits, d'autre part, qu'en évaluant le préjudice subi par le maître de l'ouvrage, le tribunal aurait entaché ce jugement d'une contradiction de motifs et dénaturé les pièces du dossier, de tels moyens, qui touchent au bien-fondé du jugement entrepris, ne sont pas de nature à mettre en cause sa régularité ;

Sur le principe de la mise en jeu de la garantie décennale des constructeurs :

7. Considérant que si le rapport d'expertise déposé le 18 mai 2009 relève, comme le fait valoir la société Bureau Veritas, que " les désordres constatés ne compromettent pas la solidité de l'immeuble " et mentionne par ailleurs, sans en tirer d'ailleurs la moindre conclusion, que " l'activité se déroule tout à fait normalement dans le collège ", il résulte de l'instruction et il n'est pas sérieusement contesté que les désordres affectant 70 % des châssis coulissants dans les salles de classe du collège " Galilée ", ayant pour origine une rupture des équerres d'assemblage, en partie basse, des montants et traverses du dormant des châssis et une ouverture de l'assemblage à coupe onglet de ces montants et traverses et qui se traduisent par des infiltrations d'eau et des courants d'air et par une dégradation de ces éléments d'équipement susceptible de mettre en danger la sécurité des usagers, sont de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination ; que, par suite, les désordres en cause sont de nature à engager la responsabilité des constructeurs sur le fondement des principes qui régissent la garantie décennale ;

Sur l'exception de prescription :

8. Considérant qu'aux termes de l'article 2244 du code civil, dans sa rédaction alors applicable : " Une citation en justice, même en référé, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire, interrompent la prescription ainsi que les délais pour agir. " ; qu'aux termes de l'article 2270 du même code : " Toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des 1792 à 1792-4 du présent code est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, en application des articles 1792 à 1792-2, après dix ans à compter de la réception des travaux ou, en application de l'article 1792-3, à l'expiration du délai visé à cet article. " ; qu'il résulte de ces dispositions applicables à la responsabilité décennale des architectes et des entrepreneurs à l'égard des maîtres d'ouvrage publics, qu'une citation n'interrompt la prescription qu'à la double condition d'émaner de celui qui a qualité pour exercer le droit menacé par la prescription et de viser celui-là même qui en bénéficierait ;

9. Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il a été dit au point 1, la réception des travaux de construction du collège " Galilée " à Limay a été prononcée le 4 septembre 1997 ; qu'il résulte de l'instruction, d'une part, que le DEPARTEMENT DES YVELINES a saisi le 28 juin 2007, soit dans le délai de la garantie décennale, le juge des référés du Tribunal administratif de Versailles d'une demande tendant à la désignation d'un expert aux fins de constater les désordres affectant les châssis coulissants du collège " Galilée " à Limay et d'en rechercher les causes et, d'autre part, que cette demande visait en particulier la société Imbert, membre du groupement solidaire de maîtrise d'oeuvre composé avec M. D...C...et la société Betom Ingénierie ; que, par suite, si le département n'a demandé au juge des référés que le 10 mars 2008 la mise en cause, pour les opérations d'expertise, de M. D...C...et de la société Betom Ingénierie, la demande en référé-expertise du 28 juin 2007 a cependant, en raison de la solidarité unissant la société Imbert, M. D...C...et la société Betom Ingénierie, interrompu le délai de la garantie décennale à l'encontre de ces derniers ; que, dès lors, la société Betom Ingénierie n'est pas fondée à soutenir que l'action en garantie décennale, engagée le 14 juin 2010 par le département contre les constructeurs, aurait été à son égard prescrite ;

10. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que, si la demande en référé-expertise présentée par le DEPARTEMENT DES YVELINES le 28 juin 2007 mettait en cause, de façon assez imprécise, un bureau de contrôle technique, dont l'adresse était néanmoins mentionnée, cette demande était toutefois accompagnée d'une copie de la convention passée en 1996 entre le département et la société Contrôle et Prévention ; que, dans ces conditions, ladite demande doit être regardée comme ayant visé cette dernière société, contrairement à ce que soutient la société Bureau Veritas ; qu'en outre, cette citation en justice, présentée dans le délai de la garantie décennale, a eu pour effet d'interrompre, au bénéfice du maître de l'ouvrage, ce délai à l'égard de la société Bureau Veritas, qui est venue, à la suite d'une fusion-absorption effectuée le 9 juin 1998, aux droits et obligations de la société Contrôle et Prévention ; qu'enfin, si la société Bureau Veritas n'a eu connaissance de cette citation en justice que lors de l'instruction de la demande du 10 mars 2008 du département tendant à une extension des opérations d'expertise, cette circonstance est sans incidence sur l'effet interruptif de la demande en référé-expertise du 28 juin 2007 visant l'ensemble des intervenants à la construction et, en particulier, la société Contrôle et Prévention ; que, par suite, la société Bureau Veritas n'est pas fondée à soutenir que l'action en garantie décennale engagée par le département le 14 juin 2010 aurait été à son égard prescrite ;

Sur les responsabilités :

En ce qui concerne les constructeurs :

11. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport de l'expert de l'assureur du maître de l'ouvrage en date du 6 juillet 2006 et du rapport d'expertise déposé le 18 mai 2009 que les désordres affectant les châssis coulissants des salles de classe du collège " Galilée ", qui ont pour origine une rupture des équerres d'assemblage, en partie basse, des montants et traverses du dormant des châssis, résultent, à titre principal, de la rigidité insuffisante, lors de la fermeture des vantaux glissants qui sont d'une grande dimension et d'un poids important, des pattes de fixation, au nombre de deux, du montant des dormants sur le gros oeuvre, la résistance médiocre de ce mode de fixation sollicitant à la longue les équerres d'assemblage qui se cassent ; que, par suite, les désordres en cause sont imputables à la société Groupe Goyer, attributaire du lot n° 7 " menuiseries extérieures - vitrerie " et qui, en particulier, a conçu, fabriqué et réalisé ce mode de fixation sous-dimensionné par rapport à la taille et au poids des vantaux glissants et à leur utilisation fréquente ;

12. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport d'expertise déposé le 18 mai 2009 que les désordres en cause résultent également du choix de ventaux glissants d'une grande dimension et d'un poids important, d'environ 65 kg, nécessitant un effort physique particulier de l'utilisateur pour leur ouverture ou fermeture et revêtant ainsi un caractère inapproprié pour des salles de classe d'un collège, compte tenu de la fréquence de leur utilisation, en particulier afin d'aérer les salles de classe pendant les intercours ou les récréations ; que, par suite, les désordres en cause sont également imputables à la société Imbert, à M. D...C...et à la société Betom Ingénierie, composant le groupement solidaire chargé de la maîtrise d'oeuvre, qui ont opté pour ce type de ventaux coulissants inadapté ;

13. Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la société Contrôle et Prévention, aux droits de laquelle est venue la société Bureau Veritas, s'est vue confier une mission de contrôle technique, lors de la conception et de l'exécution des travaux, portant notamment sur la solidité des ouvrages et des éléments d'équipement ; qu'eu égard à la nature des travaux à réaliser et au caractère généralisé des désordres en cause, affectant les châssis coulissants des salles de classe du collège, de nature à compromettre la solidité de ces éléments d'équipement, la contribution à la prévention des différents aléas techniques de la société Contrôle et Prévention, qui n'a émis aucune remarque sur la conception des châssis en litige et, en particulier, sur les caractéristiques des pattes de fixation des montants sur le gros oeuvre, ne peut être regardée comme ayant été correctement effectuée ; qu'à cet égard, la seule circonstance qu'elle a, dans son rapport initial de contrôle technique en date du 9 mai 1996 et s'agissant des menuiseries extérieures, porté la mention : " indiquer l'emploi d'un procédé faisant l'objet d'un avis technique à caractère favorable du CSTB ", ne saurait permettre d'établir que sa mission aurait été correctement remplie ; que, par suite, les désordres dont il s'agit lui sont également imputables ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées, par la voie de l'appel incident, par les sociétés Groupe Goyer, Betom Ingénierie et Bureau Veritas et tendant à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il leur a imputé une part de responsabilité dans la survenance de ces désordres et les a condamnées in solidum avec les autres intervenants à la construction à verser au maître d'ouvrage une indemnité à ce titre ne peuvent qu'être rejetées ;

En ce qui concerne le maître d'ouvrage :

15. Considérant, en premier lieu, que si la société Groupe Goyer fait valoir que le DEPARTEMENT DES YVELINES aurait, lors de la procédure de passation du marché de travaux en vue de la construction du collège " Galilée ", mal défini la nature ou l'étendue des besoins à satisfaire, elle n'apporte, à l'appui de ce moyen, aucune précision, ni aucun élément de nature à en établir le bien-fondé ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le département aurait commis, à ce titre, une faute de nature à exonérer les constructeurs de leur responsabilité ;

16. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne résulte ni du rapport d'expertise déposé le 18 mai 2009, ni d'aucune autre pièce versée à l'instruction que les désordres en cause seraient imputables à une utilisation anormale, par les professeurs ou les élèves du collège " Galilée ", des châssis coulissants installés dans les salles de classe ; qu'en revanche, il résulte de l'instruction que ces désordres résultent tant du choix de châssis coulissants dotés de ventaux glissants d'une grande dimension et d'un poids important que de la résistance médiocre du procédé de fixation des montants de ces châssis, ce choix et ce procédé étant inadaptés à une utilisation nécessairement fréquente des fenêtres dans des salles de classe ; que, par suite, les sociétés Betom Ingénierie et Bureau Veritas ne sont pas fondées à soutenir qu'une part de responsabilité dans la survenance des désordres devrait être imputée au département, à raison d'un usage anormal des installations en cause ou faute pour lui d'avoir imposé aux élèves du collège un usage normal de ces installations ;

17. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne résulte d'aucune des pièces versées à l'instruction qu'un défaut d'entretien ou de maintenance de la part du DEPARTEMENT DES YVELINES ou que l'absence d'un contrat de maintenance qu'aurait dû passer le département serait à l'origine des désordres affectant les châssis coulissants des salles de classe du collège " Galilée " ; que, par suite, les sociétés Groupe Goyer et Betom Ingénierie ne sont pas fondées à soutenir que le département aurait commis, à ce titre, une faute de nature à exonérer les constructeurs de leur responsabilité ;

18. Considérant, en dernier lieu, que, pour retenir une part de responsabilité du maître de l'ouvrage dans l'aggravation des désordres dont il s'agit, qu'il a évaluée à hauteur de 5 %, le tribunal administratif a estimé que le DEPARTEMENT DES YVELINES avait tardé, pour ces désordres qui sont apparus au cours de l'année 2004, à déclarer le sinistre auprès de son assureur, sa première déclaration de sinistre n'ayant été effectuée qu'au mois de juin 2005 ; que, sur ce point, il résulte de l'instruction que l'expert a relevé lui-même, dans son rapport déposé le 18 mai 2009, cette inertie du maître de l'ouvrage en 2004 et 2005 et indiqué que les " désordres [n'avaient] pu que s'aggraver pendant cette période " ; qu'en appel, si le DEPARTEMENT DES YVELINES soutient que le constat de l'expert résulte d'une " erreur de plume " de son conseil qui aurait indiqué de manière erronée, dans l'un de ses dires à l'expert au cours de l'année 2009, une date de survenance des désordres " courant second semestre 2004 ", il n'apporte aucune précision, ni aucun élément probant quant à la date exacte de survenance de ces désordres alors que, par ailleurs, le rapport de l'expert de son assureur en date 6 juillet 2006 indique déjà une date d'apparition des dommages en 2004 ; qu'en outre, alors que les désordres sont apparus à compter de l'année 2004, le DEPARTEMENT DES YVELINES, qui n'a déclaré le sinistre auprès de son assureur qu'au mois de juin 2005, a, par la suite, refusé toute indemnisation de la part de ce dernier et n'a entrepris aucun des travaux préconisés par l'expert de l'assureur, ni pris aucune mesure conservatoire qui aurait protégé l'immeuble, a ainsi concouru à l'aggravation des désordres jusqu'au premier semestre 2009, date retenue par l'expert judiciaire pour l'évaluation du coût des travaux de reprise ; que, dans ces conditions, le DEPARTEMENT DES YVELINES n'est pas fondé à soutenir que le tribunal administratif aurait fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce, d'une part, en estimant que le département avait commis une faute de nature à atténuer la responsabilité encourue par les constructeurs et, d'autre part, eu égard notamment à ce qui a été dit aux points 11 à 13, en fixant à 5 % la part de responsabilité des désordres dont il s'agit imputable à l'inertie du maître de l'ouvrage ;

Sur la réparation des désordres due au maître de l'ouvrage :

19. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport d'expertise déposé le 18 mai 2009 qu'en ce qui concerne les travaux de réparation nécessaires pour mettre fin aux désordres, l'expert a préconisé notamment la reprise complète ou partielle des châssis coulissants détériorés, comprenant en particulier le remplacement des pattes de fixation du montant des dormants sur le gros oeuvre, soit trois pattes de fixation au lieu de deux avec un gousset de renfort, ainsi que la pose de butées servant à limiter l'ouverture sur l'ensemble des châssis coulissants ; qu'il a évalué le montant du coût de ces travaux de reprise à hauteur de la somme de 68 000 euros HT ;

20. Considérant que, pour contester le coût des travaux ainsi évalué par l'expert et retenu par le tribunal administratif dans le jugement attaqué qui n'est entaché, sur ce point, d'aucune contradiction de motifs, le DEPARTEMENT DES YVELINES se borne à se prévaloir, en appel comme en première instance, du coût des travaux qu'il a fait réaliser en 2010 pour le remplacement de l'intégralité des châssis coulissants du collège " Galilée " par un autre type de châssis et à soutenir que ces travaux, évalués à hauteur de la somme de 465 178,60 euros HT (556 353,61 euros TTC) pour les châssis coulissants des salles de classe de l'établissement, sont rendus nécessaires par le choix initial, opéré en 1996 par le groupement solidaire de maîtrise d'oeuvre, de châssis coulissants qui se sont révélés inappropriés à leur utilisation fréquente dans les salles de classe du collège ;

21. Considérant, toutefois, qu'alors que l'expert n'a jamais envisagé, lors des opérations d'expertise ou dans son rapport, le remplacement de l'ensemble des châssis coulissants, le département requérant ne fournit aucune autre précision ni aucun élément de nature à remettre en cause la nature des travaux de reprise considérés comme nécessaires et suffisants par l'expert pour remédier aux désordres, ni son évaluation du coût de ces travaux de réfection ; qu'en particulier, la circonstance que le choix initial, par la maîtrise d'oeuvre, de châssis coulissants dotés de ventaux d'une grande dimension et d'un poids important, doit être regardé, ainsi qu'il a été dit au point 16, comme ayant contribué à la survenance des désordres, n'implique pas nécessairement, afin d'y remédier, le remplacement de l'ensemble des châssis coulissants par un autre type de châssis dès lors qu'il suffit, ainsi que l'a estimé l'expert, de procéder à leur réparation et à leur confortement ; qu'en outre, les différents documents relatifs au marché que le département a passé en 2010 et, en particulier, la décomposition du prix global et forfaitaire de l'acte d'engagement, désignant d'ailleurs des travaux qui sont, pour partie, sans lien avec les préconisations de l'expert, ne permettent pas davantage de remettre en cause la solution que ce dernier a préconisée, à savoir une réparation et un renforcement des châssis coulissants existants ;

22. Considérant qu'il suit de là que le DEPARTEMENT DES YVELINES n'est pas fondé à soutenir que le coût des travaux de réfection nécessaires pour remédier aux désordres devrait être évalué à hauteur de la somme de 556 353,61 euros TTC ;

23. Considérant, en second lieu, qu'eu égard à la nature des travaux nécessaires pour remédier aux désordres, à savoir notamment le renforcement des châssis coulissants par le remplacement des pattes de fixation du montant des dormants sur le gros oeuvre et par la pose de butées, travaux qui auraient dû être effectués dès l'origine, il n'y a pas lieu d'appliquer un abattement pour vétusté à l'indemnité due au maître de l'ouvrage en réparation des désordres dont il s'agit ; que, dès lors, les demandes des sociétés Betom Ingénierie et Bureau Veritas tendant à ce qu'il soit fait application d'un coefficient de vétusté doivent être rejetées ;

24. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le DEPARTEMENT DES YVELINES n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a limité la condamnation in solidum de la société Imbert, de M. D... C..., de la société Betom Ingénierie, de la société Groupe Goyer et de la société Bureau Veritas à lui verser, au titre de l'indemnisation des désordres en cause et eu égard à la part de responsabilité à hauteur de 5 % laissée à sa charge, la somme de 64 600 euros HT, augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée ;

Sur les dépens :

25. Considérant qu'aucun dépens n'a été exposé au cours de l'instance d'appel ; que les conclusions présentées à ce titre par les sociétés Groupe Goyer et Bureau Veritas ne peuvent donc qu'être rejetées ;

Sur les appels en garantie :

26. Considérant que le présent arrêt n'aggrave pas la situation des sociétés Groupe Goyer, Betom Ingénierie et Bureau Veritas ; que, par suite, les conclusions d'appels en garantie qu'elles ont présentées les unes à l'encontre des autres, qui ont le caractère d'appels provoqués, ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

27. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge solidaire de la société Imbert, de M. D... C..., de la société Betom Ingénierie, de la société Groupe Goyer et de la société Bureau Veritas, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement de la somme que le DEPARTEMENT DES YVELINES demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font également obstacle, pour le même motif, à ce que soit mis à la charge solidaire de la société Imbert, de M. D... C..., de la société Betom Ingénierie et de la société Bureau Veritas le versement de la somme que la société Groupe Goyer demande au même titre ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du DEPARTEMENT DES YVELINES le versement à la société Betom Ingénierie, à la société Groupe Goyer et à la société Bureau Veritas d'une somme de 2 000 euros, chacune, sur le fondement des mêmes dispositions ;

Sur les frais de timbre :

28. Considérant que la contribution pour l'aide juridique, antérieurement prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts, a été supprimée par la loi de finances pour 2014 n° 2013-1278 du 29 décembre 2013, pour les procédures engagées à compter du 1er janvier 2014 ; que le DEPARTEMENT DES YVELINES ne peut donc, en tout état de cause, demander le remboursement d'une somme à ce titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du DEPARTEMENT DES YVELINES est rejetée.

Article 2 : Le DEPARTEMENT DES YVELINES versera à la société Betom Ingénierie, à la société Groupe Goyer et à la société Bureau Veritas la somme de 2 000 euros, chacune, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par la société Betom Ingénierie, la société Groupe Goyer et la société Bureau Veritas est rejeté.

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N° 14VE00011


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