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16/11/2016 | FRANCE | N°16VE02769

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 16 novembre 2016, 16VE02769


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...et autres ont demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 26 février 2016 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France a homologué le document unilatéral fixant le plan de sauvegarde de l'emploi de la Société nouvelle d'exploitation de la clinique Ambroise Paré.

Par un jugement n° 1603973 du 4 juillet 2016, le Tribunal administratif de Cergy-Po

ntoise a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...et autres ont demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 26 février 2016 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France a homologué le document unilatéral fixant le plan de sauvegarde de l'emploi de la Société nouvelle d'exploitation de la clinique Ambroise Paré.

Par un jugement n° 1603973 du 4 juillet 2016, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 25 août 2016, Mme A... et autres, représentés par Me Bellaiche, avocat, demandent à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France du 26 février 2016 ;

3° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 100 euros à chacun des appelants sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le comité d'entreprise n'a pas disposé des éléments nécessaires, s'agissant notamment du motif économique de l'opération projetée, pour formuler ses avis en toute connaissance de cause ; le liquidateur n'a pas répondu aux demandes d'information complémentaire du comité d'entreprise ;

- les mesures d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi sont insuffisantes dès lors qu'il n'a pas été procédé à une recherche sérieuse des postes disponibles dans l'ensemble des entreprises du groupe Elsan, que le plan ne contenait pas de précision quant aux modalités d'accès aux postes de reclassement interne, qu'aucune mesure de reclassement adaptée aux salariés âgés n'a été prévue et que la liste des postes de reclassement externe n'a pas été annexé au document.

.................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Guibé,

- les conclusions de Mme Orio, rapporteur public,

- et les observations de Bellaiche, pour Mme A... et autres, de Benkechida, pour la SELARL C. Basse et de Mmes C...et D...pour le ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

1. Considérant que, par un jugement du 15 décembre 2015, le Tribunal de commerce de Nanterre a placé la société nouvelle d'exploitation de la clinique Ambroise Paré en liquidation judiciaire en autorisant la poursuite de son activité jusqu'au 31 janvier 2016 ; que, par un jugement du 29 janvier 2016, le tribunal de commerce a déclaré l'unique offre de reprise présentée irrecevable et autorisé la poursuite de l'activité jusqu'au 12 février 2016 ; que par une décision du 26 février 2016, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France a homologué le document élaboré par la SELARL C. Basse, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société nouvelle d'exploitation de la clinique Ambroise Paré, fixant un plan de sauvegarde de l'emploi pour un projet de licenciement collectif pour motif économique ; que Mme A...et autres relèvent appel du jugement du 4 juillet 2016, par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette décision ;

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1233-61 du code du travail : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. (...) " ; que les articles L. 1233-24-1 et L. 1233-24-4 du même code prévoient que le contenu de ce plan de sauvegarde de l'emploi peut être déterminé par un accord collectif d'entreprise et qu'à défaut d'accord, il est fixé par un document élaboré unilatéralement par l'employeur ; qu'aux termes de l'article L. 1233-58 du code du travail : " I. En cas de redressement ou de liquidation judiciaire, l'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, selon le cas, qui envisage des licenciements économiques, met en oeuvre un plan de licenciement dans les conditions prévues aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-4 (...) II. Pour un licenciement d'au moins dix salariés dans une entreprise d'au moins cinquante salariés, (...) le document mentionné à l'article L. 1233-24-4, élaboré par l'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, est homologué dans les conditions fixées aux articles L. 1233-57-1 à L. 1233-57-3, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 1233-57-4 et à l'article L. 1233-57-7 (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 1233-57-3 du même code : " En l'absence d'accord collectif (...), l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié (...) la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative saisie d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail et fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi de s'assurer que la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise a été régulière ; qu'elle ne peut légalement accorder l'homologation demandée que si le comité a été mis à même d'émettre régulièrement un avis, d'une part sur l'opération projetée et ses modalités d'application et, d'autre part, sur le projet de licenciement collectif et le plan de sauvegarde de l'emploi ; qu'il appartient à ce titre à l'administration de s'assurer que l'employeur a adressé au comité d'entreprise, avec la convocation à sa réunion, ainsi que, le cas échéant, en réponse à des demandes exprimées par le comité, tous les éléments utiles pour qu'il formule ses deux avis en toute connaissance de cause ;

4. Considérant que l'objet des réunions du comité d'entreprise des 15 et 22 février 2016 ressort clairement de l'intitulé des points à l'ordre du jour figurant sur les convocations ; qu'il ressort des pièces du dossier que le liquidateur de la société a adressé aux membres du comité d'entreprise, avec la convocation à la première réunion du 15 février 2016, un projet de document unilatéral comportant, dans sa première partie, une présentation de l'opération projetée et de ses modalités d'application et, dans sa seconde partie, le projet de licenciement collectif ; qu'il ne peut être sérieusement soutenu que ce document n'était pas joint à la convocation alors que celle-ci le mentionne expressément et que le procès-verbal de la réunion du 15 février 2016, signé par le secrétaire du comité d'entreprise, ne fait état d'aucune observation émise sur l'absence éventuelle d'un tel document ; que ce projet de document unilatéral exposait notamment les motifs économiques ayant conduit à la liquidation judiciaire et le déroulement de la procédure devant le Tribunal de commerce de Nanterre ; que le liquidateur de la société a également communiqué le 18 février 2016 au comité d'entreprise la lettre qui lui avait été adressée par le groupe Elsan, apportant des précisions relatives au financement par le groupe de certaines mesures d'accompagnement au reclassement interne ; qu'il ressort par ailleurs de la lecture des procès-verbaux des deux réunions du comité d'entreprise que le liquidateur judiciaire a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du comité d'entreprise et que si ces derniers ont émis des observations quant à l'insuffisance des mesures contenues dans le plan de sauvegarde de l'emploi, ils n'ont pas sollicité d'information complémentaire ni demandé la désignation d'un expert ; que le comité d'entreprise a ainsi été mis à même de rendre ses deux avis en toute connaissance de cause ;

En ce qui concerne le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1233-57-3 du code du travail : " en l'absence d'accord collectif (...), l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur (...), après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2 (...) et le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des critères suivants : / 1° Les moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe ; / 2° Les mesures d'accompagnement prévues au regard de l'importance du projet de licenciement ; / 3° Les efforts de formation et d'adaptation tels que mentionnés aux articles L. 1233-3-4 et L. 6321-1 " ; qu'aux termes de l'article L. 1233-58 du même code : " Par dérogation au 1° de l'article L. 1233-57-3, sans préjudice de la recherche, selon le cas, par l'administrateur, le liquidateur ou l'employeur, en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, des moyens du groupe auquel l'employeur appartient pour l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi, l'autorité administrative homologue le plan de sauvegarde de l'emploi après s'être assurée du respect par celui-ci des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 au regard des moyens dont dispose l'entreprise " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'administration doit, au regard de l'importance du projet de licenciement, apprécier si les mesures contenues dans le plan sont précises et concrètes et si, à raison, pour chacune, de sa contribution aux objectifs de maintien dans l'emploi et de reclassement des salariés, elles sont, prises dans leur ensemble, propres à satisfaire à ces objectifs compte tenu, d'une part, des efforts de formation et d'adaptation déjà réalisés par l'employeur et, d'autre part, des moyens dont dispose l'entreprise placée en redressement ou en liquidation judiciaire ;

6. Considérant qu'à ce titre, il revient notamment à l'autorité administrative de s'assurer que le plan de reclassement intégré au plan de sauvegarde de l'emploi est de nature à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité ; que l'employeur doit, à cette fin, avoir identifié dans le plan l'ensemble des possibilités de reclassement des salariés dans l'entreprise ; qu'en outre, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, l'employeur, seul débiteur de l'obligation de reclassement, doit avoir procédé à une recherche sérieuse des postes disponibles pour un reclassement dans les autres entreprises du groupe ; que pour l'ensemble des postes de reclassement ainsi identifiés, l'employeur doit avoir indiqué dans le plan leur nombre, leur nature et leur localisation ;

7. Considérant, en premier lieu, que le plan de sauvegarde de l'emploi comporte une liste des emplois disponibles dans les autres entreprises du groupe Elsan, à savoir 93 emplois, et précise, outre l'intitulé des fonctions, le type de contrat proposé, la classification professionnelle, une fourchette indicative de rémunération, la durée et les horaires de travail des postes de reclassement identifiés ; qu'il précise les informations relatives au contenu du poste proposé devant être communiquées au salarié pour chaque offre de reclassement au sein du groupe, pose le principe du maintien de l'ancienneté et des droits à congés des salariés et prévoit la signature d'une convention tripartite entre la société nouvelle d'exploitation de la clinique Ambroise Paré, l'entité d'accueil et le salarié ; qu'il comporte ainsi, contrairement à ce que soutiennent les requérants, toute précision utile quant aux modalités d'accès aux postes de reclassement ; qu'il ressort par ailleurs des pièces du dossier que le mandataire liquidateur de la société a interrogé l'ensemble des cliniques du groupe Elsan quant à l'existence d'un poste disponible pour le reclassement des salariés mais également quant à un éventuel projet de création de poste ; que c'est à bon droit qu'il a formulé cette demande au cours du mois de janvier 2016, avant l'intervention du jugement du Tribunal de commerce de Nanterre du 29 janvier 2016, dès lors que des licenciements étaient envisagés dès l'ouverture de la procédure de liquidation de la société en décembre 2015 ; que des lettres de relance ont également été adressées le 5 février 2016 aux cliniques qui n'avaient pas répondu à la demande ; que la circonstance, à la supposer avérée, que certaines des cliniques contactées aient omis de communiquer la liste des postes disponibles ou n'en aient pas communiqué une liste exhaustive au mandataire liquidateur, qui ne pouvait juridiquement les y contraindre, est sans influence sur le respect par l'employeur de son obligation de reclassement, la société nouvelle d'exploitation de la clinique Ambroise Paré en étant seule débitrice ; que, par ailleurs, le refus par l'inspecteur du travail d'autoriser le licenciement d'un salarié protégé, intervenu le 17 mai 2016 dans le cadre de la mise en oeuvre du plan et fondé sur la méconnaissance par l'employeur de ses obligations de reclassement individualisé, est sans incidence sur l'appréciation du respect des obligations pesant sur l'entreprise dans le cadre de la définition des mesures générales d'accompagnement figurant dans le plan de reclassement intégré au plan de sauvegarde de l'emploi ; qu'ainsi, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'il n'a pas été procédé à une recherche sérieuse des postes disponibles pour un reclassement dans les autres entreprises du groupe Elsan ; qu'en outre, aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe de droit n'imposait d'identifier dans le plan de sauvegarde de l'emploi des postes disponibles pour un reclassement externe ;

8. Considérant, en second lieu, que le plan prévoit l'engagement de solliciter auprès de l'Etat la conclusion d'une convention d'allocation temporaire dégressive, la mise en oeuvre du contrat de sécurisation professionnelle pour l'ensemble des salariés, ainsi que des aides financées par le régime d'assurance de garantie des salaires, en vue de favoriser la création ou la reprise d'entreprise et de prendre en charge les frais annexes aux actions de formations et de validation des acquis de l'expérience ; que les salariés âgés bénéficient d'une majoration du financement accordé par l'assurance de garantie des salaires ; que si ces mesures se bornent à mettre en oeuvre des dispositifs légaux ou financés par des fonds publics, la société nouvelle d'exploitation de la clinique Ambroise Paré, qui a été placée en liquidation judiciaire et présentait, le 15 octobre 2015, un passif exigible de 2,9 millions d'euros pour un actif disponible de 1,7 million d'euros, ne disposait pas de moyens propres pour financer les mesures d'accompagnement du plan de sauvegarde de l'emploi ; que le plan prévoit en outre des mesures d'accompagnement financées par le groupe Elsan, telles que l'accompagnement des salariés au sein d'une cellule de reclassement pendant six ou neuf mois selon leur profil, des aides à la mobilité géographique afin de favoriser le reclassement interne et externe et des mesures de financement de formations ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les mesures du plan de sauvegarde de l'emploi, prises dans leur ensemble, sont propres à satisfaire les objectifs de maintien dans l'emploi et de reclassement des salariés compte tenu des moyens limités dont dispose la société nouvelle d'exploitation de la clinique Ambroise Paré ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à se plaindre que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A...et autres demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu de mettre à la charge de Mme A...et autres une somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SELARL C. Basse, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société nouvelle d'exploitation de la clinique Ambroise Paré, et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... et autres est rejetée.

Article 2 : Mme A...et autres verseront à la SELARL C. Basse, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société nouvelle d'exploitation de la clinique Ambroise Paré, une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la SELARL C. Basse, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société nouvelle d'exploitation de la clinique Ambroise Paré, est rejeté.

5

N° 16VE02769


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE02769
Date de la décision : 16/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07 Travail et emploi. Licenciements.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Céline GUIBÉ
Rapporteur public ?: Mme ORIO
Avocat(s) : BELLAICHE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2016-11-16;16ve02769 ?
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