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18/10/2016 | FRANCE | N°15VE00287

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 18 octobre 2016, 15VE00287


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL FOODING a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 24 octobre 2013 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, pour un montant de 58 157 euros et la décision par laquelle il a rejeté son recours gracieux du 23 décembre 2013.

Par un jugement n° 1401861 du 1er décembre 2014, le Tribunal administratif de Montreuil

a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL FOODING a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 24 octobre 2013 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, pour un montant de 58 157 euros et la décision par laquelle il a rejeté son recours gracieux du 23 décembre 2013.

Par un jugement n° 1401861 du 1er décembre 2014, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 28 janvier 2015 et le 7 janvier 2016, la SARL FOODING, représentée par Me Saintilan, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 24 octobre 2013 ;

3° à titre subsidiaire, de réduire à 3 210 euros par travailleur le montant de la contribution spéciale mise à sa charge et de la décharger de l'obligation de payer la contribution forfaitaire ;

4° à titre subsidiaire, d'ordonner l'échelonnement du paiement sur une période de

vingt-quatre mois ;

5° de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SARL FOODING soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors que le tribunal a statué sur le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision du 24 octobre 2013 en se fondant sur la délégation de signature accordée au directeur de l'immigration de l'OFII sans l'avoir invitée à produire des observations sur ce point ;

- la contribution spéciale ne pouvait être mise à sa charge dès lors qu'elle n'avait pas la qualité d'employeur des ressortissants étrangers dépourvus d'autorisation de séjour et de travail présents dans ses locaux lors du contrôle du 18 avril 2012 ; que, par jugement du 24 mai 2012 ayant acquis force de chose jugée et dont les constatations s'imposent au juge administratif, le tribunal correctionnel de Bobigny a constaté que M. C... F...était l'employeur de ces personnes ;

- la décision du 24 octobre 2013 et le courrier du 9 septembre 2013 invitant la société à produire ses observations, ne sont pas signées par une autorité compétente pour ce faire ;

- la somme mise à sa charge au titre de la contribution spéciale excède le montant prévu par l'article R. 8253-8 du code du travail dans sa version applicable aux faits ;

- la contribution forfaitaire prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être mise à sa charge, faute pour l'OFII d'établir que les travailleurs concernés ont effectivement été réacheminés dans leur pays d'origine ;

- le paiement des sommes réclamées aurait pour conséquence d'entraîner la liquidation de la société et le licenciement de ses salariés.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 ;

- la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 ;

- le décret n° 2013-467 du 4 juin 2013 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Guibé,

- les conclusions de Mme Orio, rapporteur public,

- et les observations de Me Saintilan pour la SARL FOODING.

1. Considérant qu'au cours d'un contrôle réalisé le 18 avril 2012, les services de police ont constaté la présence en position de travail pour le compte de la SARL FOODING de trois ressortissants étrangers dépourvus d'autorisation de séjour et de travail ; que, par une décision du 24 octobre 2013, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à la charge de cette société la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, pour un montant de 51 600 euros ainsi que la contribution forfaitaire prévue par l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour un montant de 6 557 euros ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que la SARL FOODING soutient que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors que, pour écarter le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision du 24 octobre 2013, ce jugement se réfère à une décision portant délégation de signature du directeur de l'OFII du 1er novembre 2012 au profit de M.H..., directeur de l'immigration et, en cas d'absence ou d'empêchement, à Mmes G...etE..., adjointes, sans que cette décision ait fait l'objet d'une communication contradictoire ; que, toutefois, dès lors que, comme le relève expressément le jugement, cette décision avait été régulièrement publiée au bulletin officiel du ministère de l'intérieur, et eu égard au caractère réglementaire de cet acte, le tribunal administratif n'a pas méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure en se fondant sur l'existence de cette décision sans en ordonner préalablement la production au dossier et sa communication aux parties ;

Sur la légalité de la décision du 24 octobre 2013 :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 8253-1, dans sa rédaction issue de l'article 78 de la loi du 29 décembre 2010 : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat et est au moins égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12 et, en cas de réitération, à 25 000 fois ce même taux " ; qu'aux termes du même article, dans sa rédaction issue de l'article 42 de la loi du 29 décembre 2012, non modifiée sur ce point par la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016, le montant de cette contribution spéciale " est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger (...). Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux " ; que les dispositions de la loi nouvelle plus douce étaient applicables à la date de la décision en litige, s'agissant de la détermination du montant de la contribution spéciale mise à la charge de l'employeur ; qu'aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine " ;

4. Considérant, en premier lieu, que la décision attaquée du 24 octobre 2013 a été signée par Mme G..., adjointe au directeur de l'immigration, laquelle avait reçu du directeur général de l'OFII, par une décision du 1er novembre 2012, délégation pour signer, notamment, les décisions d'application de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire en cas d'absence ou d'empêchement de M.H..., directeur de l'immigration ; qu'il n'est pas établi que ce dernier n'aurait pas été absent ou n'aurait pas été empêché ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'incompétence doit être écarté ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que, par un jugement du 24 mai 2012, le Tribunal correctionnel de Bobigny a déclaré M. C...F...coupable de l'emploi d'un ressortissant étranger non muni d'une autorisation de travail ; que M. C...F..., salarié de la

SARL FOODING, a déclaré lors de son audition par les services de police le 19 avril 2012 qu'il exerçait les fonctions de gérant de fait de cette société ; que M. D...F..., gérant de droit de la SARL FOODING, a déclaré lors de son audition avoir donné une procuration à son frère Tahar pour l'embauche et la gestion de la société depuis le 10 janvier 2011 ; qu'ainsi, à supposer même que M. D... F...n'ait pas eu connaissance des embauches en litige, les trois travailleurs embauchés par M. C...F..., préposé de la SARL FOODING, doivent être regardés comme ayant été employés par cette société ; que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée du 24 octobre 2013 méconnaît l'autorité de la chose jugée au pénal dès lors que le Tribunal correctionnel de Bobigny ne s'est pas prononcé sur la qualité d'employeur de la SARL FOODING, qui n'avait pas été comprise dans les poursuites ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne peut sérieusement être soutenu qu'aucune relation de travail n'existait entre MM. B...et A...et la SARL FOODING alors que

M. C...F..., gérant de fait, a déclaré lors de son audition avoir embauché ces personnes, qui travaillaient dans le restaurant lors du contrôle ; que c'est uniquement parce qu'ils avaient été embauchés la veille du contrôle que ces travailleurs n'avaient pas encore été rémunérés par la société ;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article R. 8253-8 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'article 5 du décret du 7 mars 2008 : " Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est égal à mille fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12 (...) " ; que si l'article L. 8253-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'article 78 de la loi du

29 novembre 2010 en vigueur à la date à laquelle les faits reprochés à la SARL FOODING ont été constatés, dispose que le montant de la contribution spéciale qu'il institue est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, cet article, en tant qu'il dispose que le montant de cette contribution est " au moins égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12 " a édicté une règle suffisamment précise pour être applicable sans attendre l'intervention du décret d'application qu'il prévoit ; que, par suite, ces dispositions législatives ont, dès leur entrée en vigueur, abrogé les dispositions réglementaires de l'article R. 8253-8 du code du travail ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le montant de la sanction mise à la charge de la SARL FOODING excède le montant fixé par l'article

R. 8253-8 du code du travail ne peut qu'être écarté ;

8. Considérant, en cinquième lieu, que les dispositions précitées de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne subordonnent pas la mise à la charge de l'employeur de la contribution représentative des frais de réacheminement des étrangers dans leur pays d'origine à la justification par l'administration du caractère effectif de ce réacheminement ; que par suite, le moyen tiré de ce que l'administration n'aurait pas justifié du réacheminement du travailleur en situation irrégulière employé par la requérante est sans influence sur la légalité de la contribution litigieuse ;

9. Considérant, en dernier lieu, que les dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail et celles de l'article R. 8253-2, dans sa rédaction issue de l'article 1er du décret du 4 juin 2013, n'autorisent l'administration à minorer le montant de la contribution spéciale que dans le cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger sans titre mentionné à l'article R. 8252-6 ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que les sommes réclamées sont excessives et auraient pour conséquence d'entraîner la liquidation de la société et le licenciement de ses salariés ne peut être utilement soulevé pour demander la modulation des contributions mises à la charge de la société ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL FOODING n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SARL FOODING le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'Office français de l'immigration et de l'intégration et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL FOODING est rejetée.

Article 2 : La SARL FOODING versera à l'Office français de l'immigration et de l'intégration une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de l'Office français de l'immigration et de l'intégration est rejeté.

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N° 15VE00287 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 15VE00287
Date de la décision : 18/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

335-06-02-02 Étrangers. Emploi des étrangers. Mesures individuelles. Contribution spéciale due à raison de l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Céline GUIBÉ
Rapporteur public ?: Mme ORIO
Avocat(s) : SAINTILAN

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2016-10-18;15ve00287 ?
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