Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société COMMERZBANK AG, venant aux droits de la société Dresdner Bank AG, a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la restitution de la somme totale de
1 021 364 euros correspondant aux retenues à la source prélevées sur les dividendes distribués à la société Dresdner Bank AG par des sociétés françaises au titre des années 2003 et 2004, ainsi que le bénéfice du versement des intérêts moratoires sur les sommes correspondantes en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales.
Par un jugement n° 1007469 du 2 décembre 2014, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 26 janvier et 9 octobre 2015, la société COMMERZBANK AG, représentée par Me Sicsic, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de lui accorder la restitution des retenues à la source de 313 988 euros et de
707 376 euros prélevées sur les dividendes distribués à la société Dresdner Bank AG au titre des années 2003 et 2004 assortie des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;
3° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a produit en première instance les justificatifs des établissements payeurs des retenues à la source conformément aux dispositions du d) de l'article R.* 197-3 du livre des procédures fiscales ;
- le mécanisme de retenue à la source prévu par les dispositions du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts est incompatible avec les principes de libre circulation des capitaux et de libre établissement posés par les stipulations des articles 56 et 43 du traité instituant la Communauté européenne, devenus les articles 63 et 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne tels qu'ils ont été rappelés par l'arrêt Denkavit International et l'arrêt Amurta, rendus par la Cour de justice le 14 décembre 2006 et le 8 novembre 2007, ainsi que par la décision rendue par la Cour de l'Association européenne de libre échange (AELE) le 23 novembre 2004 dans l'affaire E-1104 " Fokus Bank ASA " ; la société Dresdner bank AG a subi une discrimination au regard du droit de l'Union dès lors que l'article 119 bis du code général des impôts soumet les dividendes perçus par cette société à un taux discriminatoire par rapport aux dividendes perçus par des sociétés françaises ; la société Dresdner bank AG était en effet placée au titre de ses exercices 2003 et 2004 dans une situation déficitaire comparable à celle d'une société française ainsi que l'établit la " reconstitution " du compte de résultat de cette société.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le traité instituant la Communauté européenne ;
- l'accord sur l'espace économique européen du 2 mai 1992 ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la convention fiscale signée entre la France et l'Allemagne le 21 juillet 1959 modifiée par les avenants du 9 juin 1969, du 28 septembre 1989 et du 20 décembre 2001 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- les arrêts Baars (C-251/98) du 13 avril 2000, Sté Denkavit Internationaal BV
(C-170/05) du 14 décembre 2006, Amurta SGPS (C-379/05) du 8 novembre 2007 et Santander Asset Management SGIIC SA et autres (C-338/11 à 347/11) du 10 mai 2012 de la Cour de justice des Communautés européennes ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Campoy,
- et les conclusions de Mme Belle, rapporteur public.
1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Dresdner Bank AG, société de droit allemand, a perçu au cours des années 2003 et 2004 des dividendes de différentes sociétés françaises, dans le capital desquelles elle détenait une participation n'ouvrant pas droit au régime des sociétés mères ; que ces distributions ont été assujetties à la retenue à la source au titre des années 2003 et 2004 en application des dispositions du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts et des stipulations du paragraphe 2 de l'article 9 de la convention fiscale franco-allemande du 21 juillet 1959 susvisée ; que la société COMMERZBANK AG, venant aux droits de la société Dresdner Bank AG, demande l'annulation du jugement n° 1007469 du 2 décembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes tendant à la restitution de ces retenues à la source et au versement des intérêts moratoires sur les sommes correspondantes en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne le moyen tiré de l'atteinte au principe de libre établissement :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 43 du traité instituant la Communauté européenne, repris à l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " (...) les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat membre dans le territoire d'un autre Etat membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un Etat membre établis sur le territoire d'un Etat membre (...) " ;
3. Considérant que la Cour de justice de l'Union européenne distingue les participations qui permettent d'exercer une influence certaine sur les décisions d'une société et de déterminer les activités de celle-ci, dont la taxation doit respecter le principe de liberté d'établissement garanti par l'article 43 précité du traité, des participations qui sont effectuées dans la seule intention de réaliser un placement financier sans intention d'influer sur la gestion et le contrôle de l'entreprise, dont la taxation est soumise au principe de libre circulation des capitaux garanti par les articles 56 et 58 du traité instituant la Communauté européenne, repris par les articles 63 et 65 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les participations que détenait la société Dresdner Bank AG, au sein du capital de différentes sociétés françaises cotées distributrices des dividendes, lui permettaient d'exercer une influence certaine sur les décisions de ces sociétés et de déterminer leur activité au point de lui assurer un contrôle sur celles-ci ; que, par suite, la société COMMERZBANK AG n'est pas fondée à se prévaloir de ce que la retenue à la source mise à sa charge serait incompatible avec le principe de liberté d'établissement tel que rappelé par l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes en date du 14 décembre 2006, société Denkavit International BV (C-170/05) ;
En ce qui concerne le moyen tiré de l'atteinte au principe de libre circulation des capitaux :
4. Considérant, d'une part, qu'aux termes du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " (...) les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par le 1 de l'article 187 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France. (...) " ; qu'aux termes du 1 de l'article 187 du même code : " Le taux de la retenue à la source prévue à l'article 119 bis est fixé à : 12 % pour les intérêts des obligations négociables (...) ; / 25 % pour tous les autres revenus (...) " ; que la convention fiscale franco-allemande du 21 juillet 1959 susvisée fixe ce taux à 15 % pour les dividendes ;
5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 56 du traité instituant la Communauté européenne applicable au litige, devenu l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites " ; qu'aux termes de l'article 58 du même traité, devenu l'article 65 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. L'article 56 ne porte pas atteinte au droit qu'ont les Etats membres : a) d'appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis ; (...) 3. Les mesures et procédures visées aux paragraphes 1 et 2 ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l'article 56 " ;
6. Considérant qu'il résulte de ces stipulations, telles qu'elles ont été interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que les désavantages pouvant découler de l'exercice parallèle des compétences fiscales des différents Etats membres, pour autant qu'un tel exercice ne soit pas discriminatoire, ne constituent pas des restrictions interdites par le traité instituant la Communauté européenne ; que, toutefois, lorsqu'un Etat membre exerce sa compétence fiscale à l'égard de contribuables résidents et non résidents, pour que la réglementation fiscale nationale qu'il applique à ces contribuables puisse être regardée comme compatible avec les stipulations du traité relatives à la liberté de circulation des capitaux, la différence de traitement entre les contribuables selon leur Etat de résidence doit concerner des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou être justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général ; qu'en matière d'impôts directs, la situation des résidents et celle des non résidents ne sont, en règle générale, pas comparables ; qu'à l'égard des mesures prévues par un Etat membre afin de prévenir ou d'atténuer l'imposition en chaîne ou la double imposition économique de bénéfices distribués par une société résidente, les actionnaires bénéficiaires résidents ne se trouvent pas nécessairement dans une situation comparable à celle d'actionnaires bénéficiaires résidents d'un autre Etat membre ; que, cependant, lorsqu'un Etat membre, de manière unilatérale ou par voie conventionnelle, assujettit à l'impôt non seulement les actionnaires résidents mais également les actionnaires non résidents pour les dividendes qu'ils perçoivent d'une société résidente, la situation des actionnaires non résidents se rapproche de celle des actionnaires résidents ; qu'en pareil cas, pour que les sociétés bénéficiaires non résidentes ne soient pas confrontées à une restriction à la liberté de circulation des capitaux prohibée, en principe, par ces stipulations, l'Etat de résidence de la société distributrice doit veiller à ce que, par rapport au mécanisme prévu par son droit interne afin de prévenir ou d'atténuer l'imposition en chaîne ou la double imposition économique, les sociétés actionnaires non résidentes soient soumises à un traitement équivalent à celui dont bénéficient les sociétés actionnaires résidentes ; que, pour les participations ne relevant pas de la directive 90/345/CEE du Conseil du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'Etats membres différents, il appartient ainsi aux Etats membres de déterminer si, et dans quelle mesure, la double imposition économique des bénéfices distribués doit être évitée et d'introduire à cet effet, de façon unilatérale ou par voie de conventions conclues avec d'autres Etats membres, des mécanismes visant à prévenir ou à atténuer cette double imposition dans le respect de la liberté de circulation des capitaux ; que les moyens soulevés par la société COMMERZBANK AG à l'appui de sa requête doivent être examinés au regard de ces principes ;
7. Considérant que la société COMMERZBANK AG, dont l'exercice 2011 était déficitaire, soutient que le dispositif institué par les dispositions du 2. de l'article 119 bis du code général des impôts crée, à son encontre, une discrimination injustifiée par rapport aux résidents français ; qu'elle fait valoir à cet égard que le mécanisme de retenue à la source entraîne un désavantage de trésorerie entre actionnaires établis en France et en Allemagne ; qu'elle souligne, par ailleurs, qu'elle ne peut imputer les retenues à la source afférentes aux dividendes de source française sur l'imposition prélevée en Allemagne à raison des mêmes dividendes eu égard à l'absence de base imposable alors que dans une telle situation une société résidente française ne paye pas d'impôt sur les sociétés ;
8. Considérant qu'aucune disposition du droit interne français ne prévoit l'exonération des dividendes reçus par une société résidente qui ne relève pas du régime fiscal des sociétés mères lorsque ses résultats sont déficitaires ; qu'en effet, ces dividendes sont effectivement compris dans le résultat de cette société et viennent en diminution du déficit reportable ; que, lorsque le résultat de cette société redevient bénéficiaire, la diminution de ce déficit reportable implique que ces dividendes seront effectivement imposés à l'impôt sur les sociétés au titre d'une année ultérieure au taux de droit commun alors applicable ; que, s'il en résulte un décalage dans le temps entre la perception de la retenue à la source afférente aux dividendes payés à la société non résidente et l'impôt établi à l'encontre de la société établie en France au titre de l'exercice où ses résultats redeviennent bénéficiaires, ce décalage procède d'une technique différente d'imposition des dividendes perçus par la société selon qu'elle est non résidente ou résidente ; que le seul désavantage de trésorerie que comporte la retenue à la source pour la société non résidente ne peut ainsi être regardé comme constituant une différence de traitement caractérisant une restriction à la liberté de circulation des capitaux ; que la société requérante ne peut utilement se prévaloir à cet égard des principes dégagés par la Cour de l'Association européenne de libre-échange (AELE) à la juridiction de laquelle la France n'est pas soumise ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre, la société COMMERZBANK AG n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la restitution des retenues à la source prélevées au titre des années 2003 et 2004 sur les dividendes de source française perçus par la société Dresdner Bank AG ainsi qu'en tout état de cause ses conclusions tendant au versement d'intérêts moratoires ; que, par voie de conséquence, les conclusions qu'elle présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société COMMERZBANK AG est rejetée.
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N° 15VE00341