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11/10/2016 | FRANCE | N°15VE02818

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 11 octobre 2016, 15VE02818


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société CRETEIL INCINERATION ENERGIE a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'annulation du titre exécutoire émis le 22 décembre 2011 par l'Agence de l'eau Seine-Normandie mettant à sa charge le règlement de la redevance pour pollution de l'eau d'origine non domestique due à raison de l'activité de l'usine d'incinération d'ordures ménagères qu'elle a exploitée, au cours de l'année 2008, à Créteil, dont le montant, fixé à 171 092,21 euros, a été plafonné à la somme de 105 253

euros en application de l'article 100 de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société CRETEIL INCINERATION ENERGIE a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'annulation du titre exécutoire émis le 22 décembre 2011 par l'Agence de l'eau Seine-Normandie mettant à sa charge le règlement de la redevance pour pollution de l'eau d'origine non domestique due à raison de l'activité de l'usine d'incinération d'ordures ménagères qu'elle a exploitée, au cours de l'année 2008, à Créteil, dont le montant, fixé à 171 092,21 euros, a été plafonné à la somme de 105 253 euros en application de l'article 100 de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques n° 2006-1772 du 30 décembre 2006, ensemble les décisions implicite et expresse de rejet de son recours préalable contre ce titre de recette, ainsi que le courrier dont ce titre exécutoire était accompagné.

Par un jugement n° 1205099 du 7 juillet 2015, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 août 2015 et 11 avril 2016, la société CRETEIL INCINERATION ENERGIE, représentée par Me Defradas, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler le titre exécutoire et les décisions précitées et de prononcer la décharge de la redevance due au titre de l'année 2008 ;

3° de mettre à la charge de l'Agence de l'eau Seine-Normandie une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a assimilé la redevance pour pollution de l'eau d'origine non domestique à un impôt direct recouvré par voie de rôle alors qu'elle est recouvrée dans les conditions de l'article L. 213-11-8 du code de l'environnement, par simple émission d'un ordre de recette notifié au contribuable ;

- en lui notifiant directement l'avis de redevance à payer, l'Agence de l'eau

Seine-Normandie a méconnu l'article L. 213-11-3 du code de l'environnement qui prévoit la notification préalable d'une proposition de rectification ;

- à supposer que cette redevance puisse être assimilée à une imposition directe, la date de mise en recouvrement mentionnée sur le titre de recette litigieux ne saurait interrompre valablement la prescription que pour les impositions recouvrées par voie de rôle pour lesquelles cette date correspond à la date de la décision administrative ayant homologué le rôle ; pour les impositions recouvrées par simple avis ou ordre de recette, c'est la date de notification du titre exécutoire qui doit être prise en compte pour le calcul du délai de reprise et l'éventuelle prescription des créances, dont le recouvrement est recherché ;

- l'existence juridique d'un ordre de recette n'est prouvée que par la production d'un document portant la signature de l'ordonnateur, soit sur l'un des quatre volets du titre de recette, soit sur le bordereau d'émission de celui-ci ; l'Agence de l'eau Seine-Normandie n'ayant transmis aucun de ces documents, la matérialité de la mise en recouvrement ne peut être tenue pour établie ;

- de plus, l'avis de redevance transmis ne porte pas la signature du directeur général de l'Agence de l'eau Seine-Normandie en méconnaissance de l'article 4 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 aux termes duquel : " Toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte (...) la signature de son auteur (...) " ; en outre, les dispositions de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales qui prévoient que " seul le bordereau des titres de recette est signé " ne sont pas applicables aux titres émis par un établissement public de l'Etat ; en tout état de cause, l'agence n'a produit aucun avis, ni bordereau signé.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Locatelli,

- et les conclusions de M. Coudert, rapporteur public.

1. Considérant que la société CRETEIL INCINERATION ENERGIE relève appel du jugement du 7 juillet 2015 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'ordre de recette, valant titre exécutoire, émis à son encontre le 22 décembre 2011 par l'Agence de l'eau Seine-Normandie mettant à sa charge le règlement de la redevance pour pollution de l'eau d'origine non domestique due, au titre de l'année 2008, à raison de l'activité de l'usine d'incinération d'ordures ménagères qu'elle exploite à Créteil, pour la somme - plafonnée en vertu de l'article 100 de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques

n° 2006-1772 du 30 décembre 2006, à 120 % du montant dû l'année précédente - de 105 253 euros, ensemble l'annulation des décisions, implicite, puis, expresse, de rejet de son recours préalable contre cet ordre de recette et du bordereau dont il était accompagné, et la décharge subséquente du montant de la redevance ainsi mise ainsi à sa charge au titre de l'année 2008 ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions de l'Agence de l'eau

Seine-Normandie relatives à la redevance pour pollution de l'eau d'origine non domestique due au titre de l'année 2008 :

2. Considérant que les décisions implicites ou expresses par lesquelles il est statué sur la réclamation du redevable qui entend contester les créances de l'Agence de l'eau

Seine-Normandie relatives aux redevances pour pollution de l'eau d'origine non domestique, qui ont la qualité d'imposition de toute nature, ne constituent pas des actes détachables de la procédure d'imposition ; qu'elles ne peuvent, en conséquence, être déférées à la juridiction administrative par la voie du recours pour excès de pouvoir ; que, dans ces conditions, les conclusions de la société CRETEIL INCINERATION ENERGIE tendant à l'annulation de la décision du directeur de l'Agence de l'eau Seine-Normandie du 16 avril 2012, de celle, implicite, de rejet née du silence gardé par ce même directeur pendant plus de quatre mois sur la réclamation de la société CRETEIL INCINERATION ENERGIE présentée le 15 février 2012, de même que du courrier accompagnant l'ordre de recette, ne peuvent qu'être requalifiées de conclusions tendant à la décharge de la redevance en cause ou de l'obligation de la payer ;

Sur les conclusions tendant à la décharge du montant de la redevance :

3. Considérant, toutefois, qu'il résulte des termes mêmes de la requête que la société CRETEIL INCINERATION ENERGIE a uniquement entendu solliciter la décharge de la redevance pour pollution de l'eau d'origine non domestique mise en recouvrement par l'Agence de l'eau Seine-Normandie à concurrence du montant figurant sur l'ordre de recette émis par le directeur de cette agence le 22 décembre 2011 ; que, dès lors, les moyens présentés à cette fin ont la nature de moyens d'assiette ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition et la signature du titre de recette :

4. Considérant, d'une part, qu'en renvoyant, pour la détermination des règles applicables au contentieux de la redevance pour pollution de l'eau d'origine non domestique, aux modalités fixées par le code de l'environnement, et à l'exclusion des cas où ce code renvoie expressément à des articles particuliers du livre des procédures fiscales, le législateur doit être regardé comme ayant entendu exclure l'application des règles relatives au contentieux des impositions prévues au livre des procédures fiscales ; que, dans ces conditions, et à défaut que le code de l'environnement renvoie explicitement à l'article L. 199 C de ce livre, qui permet au contribuable de présenter tout moyen nouveau jusqu'à la clôture de l'instruction, les dispositions de cet article ne sont pas applicables à la procédure en cause ;

5. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que la société CRETEIL INCINERATION ENERGIE n'a invoqué dans sa demande que des moyens contestant le bien-fondé de la redevance ; que les moyens d'appel tirés de ce que l'Agence de l'eau Seine-Normandie aurait dû lui adresser une proposition de rectification préalablement à l'émission de l'ordre de recette et, par ailleurs, doit justifier de la signature effective de cet ordre de recette valant titre exécutoire ne sont pas d'ordre public et ne se rattachent pas à la seule cause juridique invoquée devant le tribunal ; que, par suite, ces moyens sont irrecevables et ne peuvent qu'être écartés ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

6. Considérant qu'en vertu de l'article L. 213-11-4 du code de l'environnement, " le délai de reprise expire à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle les redevances sont dues " ; que, toutefois, par application de l'article L. 213-11-5 de ce code : " La prescription du délai de reprise est interrompue dans les conditions définies au premier alinéa de l'article L. 189 du livre des procédures fiscales " ; que, si la société CRETEIL INCINERATION ENERGIE soutient que l'année 2008 était prescrite à la date où elle a réceptionné, le 2 janvier 2012, l'ordre de recette litigieux, il résulte des dispositions de l'article L. 189 du livre des procédures fiscales, auquel renvoie l'article L. 213-11-5 du code de l'environnement, que la prescription est notamment interrompue par tout acte comportant reconnaissance de la part des contribuables ; que la déclaration souscrite en décembre 2011 par la redevable, au vu de la mise en demeure que lui a adressée l'Agence de l'Eau en octobre 2011, est au nombre de ces actes, et a dès lors valablement interrompu la prescription en ouvrant à l'Agence de l'eau un nouveau délai de reprise, d'égale durée ; que ce nouveau délai, qui courait jusqu'au 31 décembre 2014, n'était pas expiré lorsque l'Agence de l'eau a notifié l'ordre de recette portant sur la redevance en cause en application de l'article L. 213-11-8 du code de l'environnement ; qu'ainsi, en admettant même que le titre exécutoire émis courant décembre par le directeur de l'Agence de l'eau Seine-Normandie n'aurait été réceptionné que le 2 janvier 2012 par la société CRETEIL INCINERATION ENERGIE, celle-ci n'est pas fondée à soutenir que l'Agence de l'eau n'était plus en droit de mettre en recouvrement la redevance litigieuse au motif que son action était prescrite ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société CRETEIL INCINERATION ENERGIE n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions de l'Agence de l'eau Seine-Normandie tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société CRETEIL INCINERATION ENERGIE, perdante à l'instance, le versement, à l'Agence de l'eau Seine-Normandie, de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par cette agence et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société CRETEIL INCINERATION ENERGIE est rejetée.

Article 2 : La société CRETEIL INCINERATION ENERGIE versera à l'Agence de l'eau Seine-Normandie une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administratif.

Article 3 : Le surplus des conclusions de l'Agence de l'eau Seine-Normandie présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

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N° 15VE02818


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 15VE02818
Date de la décision : 11/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Contributions et taxes - Parafiscalité - redevances et taxes diverses - Taxes en matière d'environnement.

Eaux - Gestion de la ressource en eau - Redevances.


Composition du Tribunal
Président : M. BERGERET
Rapporteur ?: M. Franck LOCATELLI
Rapporteur public ?: M. COUDERT
Avocat(s) : SCP BOIVIN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2016-10-11;15ve02818 ?
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