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15/09/2016 | FRANCE | N°15VE03665

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 15 septembre 2016, 15VE03665


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le fonds DOW EMPLOYEES' PENSION PLAN a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, à titre principal, de prononcer la restitution des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française, au titre des années 2006 à 2009, soit 212 086,33 euros et de lui accorder le bénéfice du versement des intérêts moratoires en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, à titre subsidiaire, de demander l'avis du Conseil d'État sur l'éventuelle contrariété de la retenue

à la source prélevée sur les dividendes de source française au titre des années ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le fonds DOW EMPLOYEES' PENSION PLAN a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, à titre principal, de prononcer la restitution des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française, au titre des années 2006 à 2009, soit 212 086,33 euros et de lui accorder le bénéfice du versement des intérêts moratoires en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, à titre subsidiaire, de demander l'avis du Conseil d'État sur l'éventuelle contrariété de la retenue à la source prélevée sur les dividendes de source française au titre des années 2006 à 2009 à l'article 56 du Traité instituant la Communauté européenne, et de surseoir à statuer jusqu'à ce que l'avis soit rendu et, à titre plus subsidiaire, de saisir la Cour de Justice de l'Union Européenne d'une question préjudicielle sur l'éventuelle contrariété de la retenue à la source prélevée sur les dividendes de source française au titre des années 2006 à 2009 à l'article 56 du Traité instituant la Communauté européenne, et de surseoir à statuer jusqu'à ce qu'une décision soit rendue.

Par un jugement n° 1404714 du 27 octobre 2015, le Tribunal administratif de Montreuil faisant partiellement droit à sa demande, a décidé de la restitution des retenues à la source prélevées au titre de l'année 2009, à hauteur de 69 259,84 euros et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er décembre 2015 et 25 avril 2016, le fonds DOW EMPLOYEES' PENSION PLAN, représenté par Me de Waal, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette pour irrecevabilité ses conclusions tendant à la restitution des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française au titre des années 2006, 2007 et 2008 ;

2° de prononcer la restitution des montants correspondant aux retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française au titre des années 2006, 2007 et 2008 ;

3° de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le fonds DOW EMPLOYEES' PENSION PLAN soutient que :

- sa réclamation au titre des années 2006, 2007 et 2008 était recevable puisqu'elle a été introduite avant la date du 31 décembre 2011 qui correspond à l'expiration du délai nouveau ouvert par la décision Société Stichting Unilever Pensioenfonds Progress rendue par le Conseil d'État le 13 février 2009 sous le n° 298108, qui constitue un évènement de nature à motiver la réclamation au sens des dispositions de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales et du c) de l'article R. 196-1 du même livre, dans leur rédaction applicable aux décisions de justice intervenues avant le 1er janvier 2013 ; les premiers juges ont estimé à tort que l'application de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales ne pouvait pas se fonder sur la décision Stiching Unilever précitée, car il n'aurait pas constaté la non-conformité du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts au principe de libre circulation des capitaux ; au contraire, dans cette décision le Conseil d'État établit que " la discrimination entre les fonds de pension néerlandais et les organismes français méconnaît l'article 56 du traité instituant la communauté européenne " et par là-même, méconnaît le principe de libre circulation des capitaux ;

- dans l'affaire Stiching Unilever, le Conseil d'État, qui certes était saisi en excès de pouvoir aux fins d'annuler les deux instructions des 28 février et 28 avril 2005, procède en deux temps : elle révèle dans un premier temps l'incompatibilité de la norme interne avec la norme communautaire et ensuite en déduit que l'administration fiscale aurait du proposer, dans le cadre de l'instruction administrative litigieuse, un mécanisme de neutralisation ; si le Conseil d'État a fait droit à cette requête, c'est parce que ces instructions faisaient une application directe du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, et ainsi réitéraient un texte de loi incompatible avec le droit communautaire sans proposer ce mécanisme de neutralisation : il s'agissait d'instructions dites " transparentes " ; la censure trouve ainsi sa source, non pas dans une interprétation à caractère réglementaire contraire au droit communautaire comme dans la décision Société Rallye, du 30 décembre 2013, mais au contraire dans l'absence d'une position à caractère réglementaire venant pallier les lacunes de la norme interne ; c'est d'ailleurs la même interprétation que retient l'administration fiscale dans son instruction administrative référencée 4-H-2-10 du 29 décembre 2009 ; le fait que la décision Stichting Unilever ait été rendue en excès de pouvoir n'influe pas sur sa portée car de toute façon le juge administratif, saisi en excès de pouvoir ou en plein contentieux, ne peut invalider que des normes infra-législatives ;

- sur le bien-fondé : les retenues à la source en litige, sont discriminatoires et violent le principe général de la libre circulation des capitaux entre les Etats membres de l'Union européenne et les pays tiers, posé par l'actuel article 3 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; elles doivent lui être restituées dès lors qu'il respecte les exigences de l'article 401(a) du code général des impôts américain et que sa situation est objectivement comparable à celle d'une caisse de retraite française dès lors qu'il est un plan de retraite qualifié au sens de la loi américaine " Employee Retirement Income Security Act " (ERISA) qui fixe des conditions de fonctionnement en terme de désintéressement, de gestion et de transparence ; sa gestion est désintéressée dès lors que ses actifs sont gérés et administrés par un trustee dans l'intérêt exclusif des bénéficiaires sans pouvoir retirer aucun profit pour lui-même, que les membres de l'organisme ou leurs ayants droit ne peuvent pas être déclarés attributaires d'une part quelconque de l'actif, sous réserve du droit de reprise des apports et qu'il n'entretient pas de relation privilégiée avec des entreprises et pas davantage de relations de concurrence ; le Conseil d'État a posé le critère relatif à la gestion désintéressée avec sa décision du 30 décembre 2014, Versorgungswerk des Zahnärtzekammer aus Berlin sous le n° 361842 et en a précisé les contours avec la décision du 22 mai 2015 Wellcome trust, n° 369819 : il en ressort que le juge dispose d'une marge d'appréciation et ainsi, si un fonds ne répond pas stricto sensu aux critères définis par le code général des impôts mais que sa situation est objectivement comparable à celle d'un OSBL (organisme sans but lucratif) et que sa gestion doit être regardée comme revêtant un caractère désintéressé, alors l'exonération doit être accordée ; dans cette optique, le fonds de pension doit établir que les rémunérations des dirigeants sont encadrées et qu'elles sont justifiées au regard des tâches qu'ils accomplissent ; or, le fonds n'a versé aucune rémunération au titre des années 2006 et 2007 et, s'agissant de 2008, 26,4 millions d'euros, ce qui représente 0,04% de la valeur des actifs gérés par le fonds et est nettement inférieur à la rémunération versée par l'AGIRC-ARRCO à ses prestataires pour la gestion de ses actifs, comprise entre 0,5% et 2% ; de plus, ces sommes ont été versées à un trustee qui ne peut pas être regardé comme un dirigeant puisqu'il s'agit d'un prestataire externe au fonds de pension, qui gère de façon externalisée ses intérêts et par suite, échappe à toute analyse au regard de la rémunération des dirigeants d'un fonds de pension.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité instituant la Communauté européenne ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Moulin-Zys,

- et les conclusions de M. Coudert, rapporteur public.

1. Considérant que le fonds DOW EMPLOYEES' PENSION PLAN, fonds de droit américain dont le siège est situé 1320, Waldo Avenue, Suite 100 MI 48642 (Etats-Unis), a été, en application des dispositions combinées du 2 de l'article 119 bis et de l'article 187 du code général des impôts ainsi que de la convention fiscale franco-américaine, soumis, au titre des années 2006 à 2009, à la retenue à la source sur les dividendes perçus de sociétés françaises, au taux de 15% ; qu'il relève régulièrement appel du jugement rendu le 27 octobre 2015 par le Tribunal administratif de Montreuil, en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions, qui tendaient à la restitution des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française au titre des années 2006, 2007 et 2008 ;

Sur la tardiveté de la réclamation au titre des retenues à la source effectuées en 2006, 2007 et 2008 :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de la première partie de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : / (...) b) Du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement (...) c) de la réalisation de l'événement qui motive la réclamation (...) " ; qu'aux termes de la seconde partie du même article : " Toutefois, dans les cas suivants, les réclamations doivent être présentées au plus tard le 31 décembre de l'année suivant celle, selon le cas : / (...) b) Au cours de laquelle les retenues à la source et les prélèvements ont été opérés s'il s'agit de contestations relatives à l'application de ces retenues (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une réclamation est recevable dès lors qu'elle est formée dans le délai prévu dans l'une des hypothèses mentionnées dans la première partie de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ; que la seconde partie de cet article ouvre, en outre, dans les hypothèses qu'elle prévoit, un autre délai pendant lequel une réclamation est également recevable ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable au litige : " Sont instruites et jugées selon les règles du présent chapitre toutes actions tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition ou à l'exercice de droits à déduction, fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure. / Lorsque cette non-conformité a été révélée par une décision juridictionnelle, l'action en restitution des sommes versées ou en paiement des droits à déduction non exercés ou l'action en réparation du préjudice subi ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la troisième année précédant celle où la décision ou l'avis révélant la non-conformité est intervenu (...) / Pour l'application du quatrième alinéa, sont considérés comme des décisions juridictionnelles ou des avis rendus au contentieux les décisions du Conseil d'Etat (...) se prononçant sur un recours en annulation, sur une action en manquement ou sur une question préjudicielle " ;

4. Considérant que, s'agissant des décisions et avis rendus au contentieux, notamment, par le Conseil d'État seuls ceux qui révèlent directement l'incompatibilité avec une règle de droit supérieure de la règle de droit dont il a été fait application pour fonder l'imposition en litige sont de nature à constituer le point de départ du délai dans lequel sont recevables les réclamations motivées par la réalisation d'un événement au sens du c) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ainsi que de la période sur laquelle l'action en restitution peut s'exercer en application de l'article L. 190 du même livre ; qu'une décision ou un avis qui se borne à retenir une interprétation des dispositions du droit de l'Union ou du droit national dont il a été fait application pour fonder l'imposition contestée différente de celle jusqu'alors formellement admise par l'administration dans ses instructions, ne peut constituer le point de départ de ce délai et de cette période, dès lors que l'imposition ne saurait être fondée sur l'interprétation de la loi fiscale que l'administration exprime dans ses instructions ; que, par suite, la décision rendue par le Conseil d'État le 13 février 2009 dans l'affaire " Société Stichting Unilever Pensionenfonds Progress et autres " ne saurait constituer la réalisation d'un " évènement " au sens du c) de la première partie de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, précité, dès lors que celle-ci n'a fait que révéler la non-conformité d'une instruction, en l'espèce applicable aux seuls fonds néerlandais, à une règle de droit supérieure ; que, dès lors, le délai de réclamation le plus long à l'encontre des retenues à la source litigieuses versées au titre des années 2006, 2007 et 2008, après computation selon le b) de la première partie de l'article R. 196-1 et le b) de la seconde partie du même article, expirait au 31 décembre des années 2008, 2009 et 2010 respectivement ; que, par suite, la réclamation du fonds requérant, introduite le 30 décembre 2011, est tardive pour ces années ; qu'ainsi, les conclusions du fonds DOW EMPLOYEES' PENSION PLAN tendant à la décharge des retenues à la source versées au titre des années 2006, 2007 et 2008 sont irrecevables ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le fonds DOW EMPLOYEES' PENSION PLAN n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 27 octobre 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté le surplus de sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du fonds DOW EMPLOYEES' PENSION PLAN est rejetée.

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N° 15VE03665 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 15VE03665
Date de la décision : 15/09/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-06-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Cotisations d`IR mises à la charge de personnes morales ou de tiers. Retenues à la source.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: Mme Marie-Cécile MOULIN-ZYS
Rapporteur public ?: M. COUDERT
Avocat(s) : PAUL HASTINGS (EUROPE) LLP

Origine de la décision
Date de l'import : 20/09/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2016-09-15;15ve03665 ?
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