Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La Société LE WIN PROPERTY SA a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer le rétablissement du droit au report sur l'exercice clos le 30 novembre 2009 de ses déficits constatés au titre des exercices clos les 30 novembre 2007 et 2008 pour un montant de 1 079 318 euros.
Par un jugement n° 1308121 du 1er juillet 2014, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 31 juillet 2014 et 27 mars 2015, la société LE WIN PROPERTY SA, représentée par Me C...et MeB..., avocats, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de prononcer le rétablissement des reports déficitaires litigieux ;
3° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle peut prétendre au report sur le résultat imposable de l'exercice clos le 30 novembre 2009 des déficits subis au titre des exercices clos les 30 novembre 2007 et 2008 au titre desquels elle était passible de l'impôt sur les sociétés en France, sur le fondement des articles 206 et 209 du code général des impôts, en raison de sa forme juridique de société anonyme et du caractère lucratif de ses activités ; qu'il n'y a pas lieu de faire application de la convention franco-luxembourgeoise dès lors qu'elle n'était redevable d'aucun impôt en France en raison de sa situation déficitaire ;
- la remise en cause du report déficitaire conduit à une double imposition ; la réponse ministérielle à M.A..., député, en date du 2 mars 2010 prévoit qu'en cas de cession de l'immeuble, la plus-value, qui sera imposable en France en application de la convention franco-luxembourgeoise modifiée par l'avenant du 24 novembre 2006, sera déterminée en minorant le prix d'acquisition des amortissements qui auraient dû être constatés depuis la date d'acquisition de l'immeuble ; si les déficits des exercices clos en novembre 2007 et 2008, résultant des amortissements de l'immeuble, ne peuvent être déduits, la prise en compte de ces derniers dans le calcul de la plus-value imposable constituera une double imposition contraire au principe constitutionnel d'égalité devant les charges publiques.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention entre la France et le Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions, signée le 1er avril 1958 dans sa version initiale et dans sa version modifiée par l'avenant du 24 novembre 2006 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Chayvialle,
- les conclusions de Mme Garrec, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., pour la société LE WIN PROPERTY SA.
1. Considérant que la société LE WIN PROPERTY SA, société établie au Luxembourg qui possède en France un immeuble qu'elle donne en location, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant notamment sur les résultats soumis à l'impôt sur les sociétés relatifs à l'exercice correspondant à la période du 1er décembre 2008 au 30 novembre 2009 au titre duquel la société requérante avait déclaré un résultat déficitaire de 547 919 euros ; qu'au terme de ce contrôle, le service vérificateur a notamment remis en cause le report de déficits subis au titre des exercices clos les 30 novembre 2007 et 2008 et a rectifié en conséquence le déficit déclaré au titre de l'exercice vérifié ; que la société LE WIN PROPERTY SA relève appel du jugement du 1er juillet 2014 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant au rétablissement du report déficitaire litigieux sur l'exercice clos en novembre 2009 ;
2. Considérant qu'aux termes du I. de l'article 164 du code général des impôts : " Sont considérés comme revenus de source française : / a. Les revenus d'immeubles sis en France (...) " ; qu'aux termes du I de l'article 209 du même code, dans la rédaction applicable à l'exercice clos le 30 novembre 2009 résultant des dispositions interprétatives de l'article 22 de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 : " Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45, 53 A à 57, 237 ter A et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, de ceux mentionnés au(x) a (...) du I de l'article 164 B ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions. (...) Sous réserve de l'option prévue à l'article 220 quinquies, en cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l'exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice. Si ce bénéfice n'est pas suffisant pour que la déduction puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté sur les exercices suivants. " ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention entre la France et le Luxembourg, dans sa rédaction applicable aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2008, issue de l'avenant du 24 novembre 2006 : " 1. Les revenus des biens immobiliers (...) ne sont imposables que dans l'Etat où les biens sont situés.(...)2. Les dispositions du paragraphe 1 s'appliquent également aux revenus provenant de l'exploitation et de l'aliénation des biens immobiliers d'une entreprise. " ;
3. Considérant qu'il est constant que la société LE WIN PROPERTY SA constituée le 27 avril 2007 sous le régime des sociétés anonymes selon le droit luxembourgeois est, en raison de ses statuts, passible de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 206 du code général des impôts dès lors qu'elle se livre à une exploitation de caractère lucratif en donnant en location un immeuble situé en France ; que pour l'exercice clos le 30 novembre 2009, il résulte de l'ensemble des dispositions et stipulations précitées que les revenus tirés de l'exploitation de cet immeuble situé en France doivent être pris en compte dans les résultats imposables à l'impôt sur les sociétés ; que, si, en principe, les déficits subis au titre d'exercices antérieurs peuvent, conformément aux dispositions précitées du troisième alinéa du I de l'article 209 du code général des impôts, être reportés, c'est sous réserve qu'aucune disposition de la loi fiscale ou aucune stipulation d'une convention internationale n'y fasse obstacle ;
4. Considérant qu'une convention fiscale internationale telle que celle conclue entre la France et le Luxembourg qui, dans sa version applicable aux exercices ouverts avant le 1er janvier 2008, prive la France de son pouvoir d'imposer le bénéfice d'une opération réalisée par un contribuable fait obstacle à ce que des déficits relatifs à cette opération subis au cours de ces exercices soient pris en compte au titre des déficits à reporter sur les exercices ultérieurs au cours desquels de tels bénéfices sont imposables en France en vertu d'un avenant à cette convention ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention entre la France et le Luxembourg, dans la rédaction applicable aux exercices ouverts avant le 1er janvier 2008, antérieure à l'avenant signé le 24 novembre 2006 : " Les revenus des biens immobiliers (...) ne sont imposables que dans l'Etat où les biens sont situés. " ; qu'aux termes du 1. de l'article 4 de cette convention dans la rédaction applicable aux mêmes exercices : " Les revenus des entreprises industrielles, minières, commerciales ou financières ne sont imposables que dans l'Etat sur le territoire duquel se trouve un établissement stable " ; qu'il résulte de ces stipulations combinées, que les revenus, y compris ceux tirés de biens immobiliers, réalisés par une entreprise commerciale ne pouvaient être imposés en France que si cette entreprise y avait un établissement stable ;
6. Considérant qu'il est constant que la société requérante ne disposait pas d'un établissement stable en France au titre des exercices clos les 30 novembre 2007 et 2008 ; qu'ainsi les stipulations précitées combinées des articles 3 et 4 de la convention entre la France et le Luxembourg, dans leur rédaction applicable, faisaient obstacle à l'imposition en France du résultat des exercices litigieux, ouverts avant le 1er janvier 2008 ; que la circonstance que la société requérante était, ainsi qu'il a été dit au point 3, passible de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 206 du code général des impôts, ne permet pas de déroger au champ d'application territorial de cet impôt résultant, le cas échéant, des stipulations d'une convention fiscale internationale ; que, de même, la circonstance qu'en raison de sa situation déficitaire la société requérante n'a pas acquitté d'impôt sur les sociétés au titre des exercices litigieux ne saurait être utilement invoquée, dès lors que ne sont pas susceptibles d'être déduits des bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés les déficits subis au titre d'activités qui n'étaient pas imposables en France en vertu du I. de l'article 209 du code général des impôts ou d'une convention fiscale internationale ; que, par suite, et ainsi que le fait valoir à bon droit le ministre des finances et des comptes publics les stipulations de la convention entre la France et le Luxembourg, dans leur rédaction applicable aux exercices clos les 30 novembre 2007 et 2008, font obstacle au report des déficits litigieux sur le résultat de l'exercice clos le 30 novembre 2009 ;
7. Considérant que la société requérante fait également valoir qu'en cas de cession de l'immeuble litigieux, elle risque d'être soumise à une double imposition, contraire au principe constitutionnel d'égalité devant les charges publiques en devant acquitter un impôt sur la fraction correspondant aux amortissements qu'elle n'aura pu déduire de ses résultats en l'absence de report de déficits antérieurs ainsi qu'il résulte de la méthode de calcul de la plus-value énoncée dans une réponse ministérielle à M. A...député, en date du 2 mars 2010 qui précise que la valeur d'origine du bien doit être minorée des amortissements qui auraient dû être constatés ; qu'elle ne saurait utilement faire état pour établir l'éventualité d'une double imposition de cette interprétation administrative portant sur l'imposition des plus-values réalisées par des sociétés luxembourgeoises au titre de la cession des immeubles en France à la suite de l'avenant susmentionné à la convention entre la France et le Luxembourg signé le 24 novembre 2006, laquelle ne saurait, en tout état de cause, être le fondement de l'imposition de la plus-value ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société LE WIN PROPERTY SA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que par voie de conséquence ses conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société LE WIN PROPERTY SA est rejetée.
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N° 14VE02355