Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mmes D...et C...B...ont demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner le CENTRE HOSPITALIER RENE DUBOS
DE PONTOISE à leur verser diverses sommes en réparation des préjudices subis du fait des fautes commises dans la prise en charge de Mme D...B....
Par un premier jugement avant-dire droit n° 1101280 du 21 février 2012, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a reconnu la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER
RENE DUBOS DE PONTOISE et l'a condamné à verser la somme de 55 000 euros à Mmes B... au titre de leurs préjudices personnels.
Par un second jugement en date du 6 août 2012, il a :
- limité à la somme de 125 005,88 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné le CENTRE HOSPITALIER RENE DUBOS DE PONTOISE en réparation des préjudices patrimoniaux subis par Mmes B... ;
- condamné le centre hospitalier à verser à la caisse générale de sécurité sociale de la Martinique la somme de 80 441,42 euros et, à compter de son jugement, une rente annuelle de 300 euros dont le montant sera revalorisé par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale ;
- condamné le centre hospitalier à verser une indemnité pour les dépenses futures au titre de l'aide d'une tierce personne ;
- condamné le centre hospitalier à verser une indemnité pour les dépenses futures au titre de la perte de revenus ;
- condamné le centre hospitalier à verser à la caisse générale de sécurité sociale de la Martinique une somme de 997 euros en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;
- mis les frais d'expertise à la charge du CENTRE HOSPITALIER RENE DUBOS
DE PONTOISE.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés sous le n° 12VE01820 le 14 mai 2012 et le 24 décembre 2012, Mmes B..., représentées par la SELARL Mathurin-Belia et Rotsen-Meyzindi, avocat, demandent à la Cour :
1° de réformer le jugement du 21 février 2012 en tant qu'il a limité l'indemnisation qui leur a été accordée aux titre des préjudices personnels ;
2° de condamner le centre hospitalier René Dubos de Pontoise à leur verser une somme totale de 250 000 euros en réparation des préjudices subis ;
3° de mettre à la charge du centre hospitalier le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens de l'instance.
Elles soutiennent que :
- le tribunal n'a pas fait une juste appréciation de la perte de chance ; il en découle une sous-estimation du montant du préjudice ;
- elle était en excellente santé jusqu'à son admission où deux éléments n'ont pas été pris en compte, son poids et la recherche de protéines dans les urines ; la recherche de ces deux paramètres aurait permis une prise en charge plus adaptée à son état de santé ; il y a eu une sous-estimation de la situation clinique et une prise en charge retardée ; ce retard a pu laisser place à la survenue des complications prévisibles de la toxémie gravidique ; Mme D...B...était en situation de pré-éclampsie à son arrivée au centre hospitalier ; il n'aurait pas dû échapper aux praticiens qu'elle avait signalé à son arrivée avoir fait une poussée de tension, qu'elle a fait une poussée d'hypertension vers 10h30 et en début d'intervention ; l'élévation brutale du taux de tension artérielle aurait dû alerter l'équipe soignante ; l'équipe médicale a manqué à l'obligation qui lui incombe de prodiguer à la patiente des soins d'une façon consciencieuse, attentive et conforme à la science ; grâce à une prise en charge précoce de la toxémie, la complication redoutée est rare et il n'y a pas de séquelles ; en privilégiant un accouchement par voie basse, contre-indication absolue en cas de toxémie, l'équipe médicale a non seulement méconnu les recommandations communément appliquées mais de surcroit elle a perdu un temps précieux avant de recourir à une césarienne ; le centre hospitalier est seul responsable de l'accident cérébral dont a été victime Mme D...B... ; les lésions subies sont en lien direct avec la pathologie de toxémie gravidique ; tant le défaut de vérification que le retard fautif et que la perte importante de sang subie lors de l'opération ont compromis les chances de Mme D...B...d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation ;
- le tribunal n'a manifestement pas tenu compte de l'importance et de la diversité desdits préjudices et de son état réel ; la perte de chance est d'autant plus importante qu'au moment des faits Mme D...B...était encore très jeune ;
- elle ne peut mener ses activités de manière autonome.
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II. Par une requête à fin d'appel incident et deux mémoires complémentaires enregistrés sous le n° 12VE03471 les 16 octobre 2012, 30 octobre 2012 et 27 février 2013, le CENTRE HOSPITALIER RENE DUBOS DE PONTOISE, représenté par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, conclut :
1° à l'annulation des jugements en date des 21 février et 6 août 2012 le condamnant à réparer les dommages subis par MmesB... ;
2° au rejet des conclusions de Mmes B...et de la caisse générale de sécurité sociale de la Martinique.
Il soutient que :
Dans la requête :
- sa requête est recevable ;
- les jugements sont insuffisamment motivés ;
- c'est à tort que le tribunal a retenu que le centre hospitalier n'avait pas vérifié, lors de l'examen d'entrée, le taux d'albumine ;
- c'est à tort que le tribunal a jugé que la responsabilité du centre hospitalier était engagée en raison d'un retard de diagnostic de l'état de pré-éclampsie et d'un retard de prise en charge alors qu'aucun signe clinique ne permettait de poser ce diagnostic ;
- à titre subsidiaire, c'est à tort que le tribunal a évalué la perte de chance d'éviter les complications qui sont survenues à 50 % ;
- à titre encore plus subsidiaire, le tribunal a procédé à une évaluation excessive des préjudices ;
Dans le mémoire complémentaire :
- les défauts de diagnostic et de soins ne constituent une faute qu'en présence d'une erreur grossière de l'évaluation des symptômes ; l'absence de diagnostic n'est pas fautive eu égard aux difficultés particulières pour le poser ou lorsque les symptômes pouvaient conduire à poser un autre diagnostic ; aucun signe clinique ne laissait supposer l'existence d'une pré-éclampsie ; en l'absence de poids de référence, il était difficile pour l'équipe d'apprécier l'importance de la prise de poids ; la tension artérielle était normale à l'admission ; la recherche d'albuminurie a bien été effectuée ; la poussée hypertensive en début d'intervention n'est confirmée par aucune pièce du dossier ;
- la pathologie doit être regardée comme un aléa thérapeutique ;
- les séquelles dont reste atteinte Mme D...B...ne sont que la conséquence de son état initial et ne présentent aucun lien de causalité direct et certain avec la faute imputée au centre hospitalier ;
- à titre subsidiaire, c'est à tort que le tribunal a évalué la perte de chance d'éviter les complications qui sont survenues à 50 %, eu égard à la rapidité de la prise en charge et aux règles de l'art ;
- à titre encore plus subsidiaire, le tribunal a procédé à une évaluation excessive des préjudices ; les frais d'aménagement du domicile ne peuvent être indemnisés sur un simple devis ; les cotisations sociales versées pour la tierce personne ne peuvent être prises en charge ;
- les sommes versées par la caisse générale de sécurité sociale de la Martinique ne sont justifiées par aucune pièce du dossier ; dès lors que la caisse ne pourra établir trimestriellement les sommes exposées au titre de la majoration pour tierce personne, le centre hospitalier ne sera pas en mesure de mettre en oeuvre cette rente avec une périodicité trimestrielle ; c'est à tort que le tribunal a condamné le centre hospitalier à lui verser une rente annuelle de 300 euros ;
- c'est à tort que le tribunal a évalué les pertes de revenus subies à compter de la date de l'accident ; en l'absence de tout manquement imputable au centre hospitalier, Mme D...B...aurait nécessairement été en arrêt en raison de sa grossesse ; seules devaient être prises en compte les pertes de salaire subies à compter du 21 janvier 2001, date à partir de laquelle la caisse lui a versé des indemnités journalières ;
- c'est à tort que le tribunal a évalué les frais exposés au titre de l'assistance à tierce personne en prenant pour base de calcul la somme mensuelle de 1 170 euros ; cette base correspond au montant évalué à la date du jugement soit 2012 ; or, les faits remontant à 2000, il appartenait au tribunal, pour évaluer la somme due jusqu'au jour du jugement, de calculer le montant de la rente par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale.
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Vu :
- les autres pièces des dossiers ;
- l'ordonnance du 14 janvier 2016, par laquelle le président de la Cour a taxé les frais de l'expertise réalisée par le docteur Boutin (sapiteur M.A...) à la somme de 4 174,80 euros à la charge provisoire de MmesB....
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Orio,
- et les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public.
Sur la fin de non-recevoir :
1. Considérant que par sa requête enregistrée le 16 août 2012 sous le n° 12VE03471, le CENTRE HOSPITALIER RENE DUBOS DE PONTOISE, après avoir brièvement rappelé les faits et la procédure, a indiqué qu'il entendait demander l'annulation du jugement avant-dire droit du 21 février 2012 et du jugement du 6 août 2012 au motif notamment que c'est à tort que le tribunal avait jugé que la responsabilité du centre hospitalier était engagée en raison d'un retard de diagnostic de l'état de pré-éclampsie et d'un retard de prise en charge alors qu'aucun signe clinique ne permettait de poser le diagnostic ; qu'une telle requête, enregistrée dans le délai du recours contentieux qui expirait le 18 août 2012, deux mois francs après la notification du jugement du 6 août 2012, le 17 août, doit être considérée comme contenant l'exposé des faits et moyens prévu par l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; qu'elle est, par suite, suffisamment motivée ; que, dès lors, la circonstance que le mémoire complémentaire annoncé aurait été présenté après l'expiration du délai de recours est sans incidence et la fin de
non-recevoir soulevée par Mmes B...tirée de ce que cette requête serait irrecevable doit être écartée ;
Sur le principe et l'étendue de la responsabilité, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement :
2. Considérant que Mme B...soutient que sa situation clinique a été
sous-estimée et, qu'en conséquence, la prise en charge la plus appropriée à son état de santé a été retardée et que ce retard lui a fait perdre des chances d'échapper aux complications de la pré-éclampsie dont elle a été victime et, au cas particulier, de l'hémorragie cérébrale profonde gauche qui l'a lourdement handicapée ; qu'il résulte de l'instruction que
Mme D...B..., alors âgée de 27 ans et enceinte d'environ six mois, s'est présentée le 16 août 2000 aux urgences du CENTRE HOSPITALIER RENE DUBOS DE PONTOISE pour des contractions irrégulières, des vomissements et des douleurs pelviennes ; qu'un hématome rétro-placentaire responsable de la mort in utero du foetus qu'elle portait a été mis en évidence par échographie à 9h50 ; qu'il résulte des recommandations médicales applicables au moment des faits, telles qu'elles ressortent de la deuxième expertise ordonnée par la Cour, que, quand bien même la patiente aurait pris beaucoup de poids pendant sa grossesse, comme elle ne souffrait pas d'anomalie de coagulation ni d'hypertension artérielle, sa tension étant de 129/78 à son admission et le bilan sanguin HTA demandé n'indiquant pas de troubles de la coagulation, l'équipe médicale pouvait décider, à l'issue du premier examen clinique réalisé à 10h30 d'attendre le moment opportun pour un accouchement par voie basse sous réserve d'une surveillance stricte clinique et biologique ; que si l'absence de recherche d'albumine dans les urines n'est pas conforme à ce protocole, la mise en évidence d'une protéinurie n'aurait pas constitué une contre-indication à un accouchement par voie basse en absence de troubles de la coagulation et de montée de la tension ; que la tension artérielle, même en hausse à 11h20 à 14/8 était encore normale ; que le passage en salle de travail pour césarienne a été décidé en urgence, dès la mise en évidence, à 13h10, d'une montée de la tension artérielle à 17/98 ; que cette intervention a débuté après l'arrivée à 14h des résultats très perturbés du second bilan de coagulation prélevé à 11h40, la patiente étant traitée par " Loxen " avant que le foetus puisse être extrait à 15h15 ; qu'il ressort des deux expertises que cette intervention a été réalisée dans les règles de l'art par une équipe expérimentée ; que l'hypertension intracrânienne a été prise en charge par les moyens médicamenteux et de réanimation nécessaires, le transfert en neurochirurgie était suffisamment précoce pour pouvoir réaliser une craniectomie de sauvetage dès lors que l'hypertension intracrânienne n'était pas contrôlable par un simple traitement médical ; qu'ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que le centre hospitalier aurait commis une faute en sous-estimant la situation clinique de Mme B... et en ne décidant qu'à 13h10 de procéder à une césarienne de sauvetage maternel ; que les préjudices subis par l'intéressée, qui ne sont pas imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins ne constituent pas non plus un aléa thérapeutique de nature à ouvrir droit à indemnisation au titre de la solidarité nationale ;
3. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mmes B...ne sont pas fondées à demander que la somme qui leur a été accordée par jugement du 21 février 2012 soit portée à 250 000 euros et que le CENTRE HOSPITALIER RENE DUBOS DE PONTOISE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a retenu sa responsabilité et l'a condamné à indemniser Mmes B...et la caisse générale de sécurité sociale de la Martinique en réparation des préjudices subis ;
Sur les frais d'expertise :
4. Considérant que les frais définitifs tant de la première expertise taxés et liquidés aux sommes de 2 000 et de 2 729,01 euros par ordonnances du 3 décembre 2010 que de la deuxième expertise taxés et liquidés à la somme de 4 174,80 euros par ordonnance du 14 janvier 2016 doivent être mis à la charge définitive de MmesB... ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du CENTRE HOSPITALIER
RENE DUBOS DE PONTOISE, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mmes B...demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mmes B... est rejetée.
Article 2 : Les jugements n° 1101280 du 21 février 2012 et du 6 août 2012 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise sont annulés.
Article 3 : Les demandes présentées par Mmes B... et la caisse générale de sécurité sociale de Martinique devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ainsi que les conclusions de Mmes B...présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Les frais définitifs tant de la première expertise taxés et liquidés aux sommes de
2 000 et de 2 729,01 euros par ordonnances du 3 décembre 2010 que de la deuxième expertise taxés et liquidés à la somme de 4 174,80 euros par ordonnance du 14 janvier 2016 sont mis à la charge définitive de MmesB....
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