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19/05/2016 | FRANCE | N°15VE01583

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 19 mai 2016, 15VE01583


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 2 septembre 2014 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a prononcé le retrait de sa carte de résident. Par un jugement n° 1410165 du 30 mars 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 25 mai 2015, M. C...A..., représenté par Me Bertrand, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement, ensemble l'arrêt

é contesté du 2 septembre 2014 ;

2° d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui resti...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 2 septembre 2014 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a prononcé le retrait de sa carte de résident. Par un jugement n° 1410165 du 30 mars 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 25 mai 2015, M. C...A..., représenté par Me Bertrand, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement, ensemble l'arrêté contesté du 2 septembre 2014 ;

2° d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui restituer sans délai sa carte de résident ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans un délai de trois mois ;

3° de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A...soutient que :

- en l'absence de justification de l'absence ou de l'empêchement du délégant, le délégataire n'avait pas compétence pour signer l'arrêté contesté ;

- cet arrêté est insuffisamment motivé ;

- en se croyant, à tort, tenu de prononcer le retrait de sa carte de résident, sans procéder à l'examen particulier de sa situation personnelle, le préfet a commis une erreur de droit ;

- ce retrait méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Toutain,

- les conclusions de M. Delage, rapporteur public,

- et les observations de Me Bertrand, pour M.A..., qui persiste dans ses précédentes conclusions, par les mêmes moyens, et précise qu'il demande, à titre principal, l'annulation pour irrégularité du jugement attaqué et le renvoi de l'affaire au Tribunal administratif de Montreuil, afin de ne pas être privé du double degré de juridiction et, à titre subsidiaire, l'annulation pour irrégularité du jugement attaqué et l'annulation de l'arrêté contesté du 2 septembre 2014, pour les motifs déjà exposés dans sa requête.

1. Considérant que M. C...A..., ressortissant pakistanais né le 8 décembre 1964, séjourne régulièrement en France depuis le 8 janvier 1991, sous couvert d'une carte de résident renouvelée, en dernier lieu, jusqu'au 7 janvier 2021, et exerce, à titre individuel, l'activité professionnelle de commerçant ambulant ; qu'à l'occasion d'un contrôle conjointement diligenté par la police et l'URSSAF, le 3 juillet 2013, sur le marché de Franconville, il a été constaté, en flagrant délit, que M. A...employait sur son stand, de manière non déclarée, un ressortissant étranger en situation irrégulière, infraction pénale à raison de laquelle l'intéressé a ultérieurement fait l'objet, le 18 septembre 2014, d'un rappel à la loi par le substitut du procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Pontoise ; qu'entre-temps, le préfet de la Seine-Saint-Denis, après avoir sollicité les observations de M. A... par lettre du 27 mai 2014, à laquelle ce dernier a répondu, a prononcé, par arrêté du 2 septembre 2014, le retrait de la carte de résident de l'intéressé, sur le fondement de l'article L. 314-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par jugement du 30 mars 2015, dont M. A...relève appel, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la régularité du jugement attaqué et sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 314-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de résident peut être retirée à tout employeur, titulaire de cette carte, ayant occupé un travailleur étranger en violation des dispositions de l'article L. 341-6 du code du travail (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 341-6 du code du travail, devenu l'article L. 8251-1 du même code : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France " ;

3. Considérant que la mesure de retrait de la carte de résident, telle que prévue par les dispositions précitées de l'article L. 314-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, revêt le caractère d'une sanction ; que le recours formé contre une telle sanction présente le caractère d'un recours de plein contentieux ; qu'il résulte, toutefois, des termes mêmes du jugement attaqué que le Tribunal administratif de Montreuil a statué sur la demande de M. A...tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 septembre 2014 prononçant le retrait de sa carte de résident en estimant qu'elle relevait du contentieux de l'excès de pouvoir ; que l'erreur ainsi commise par le Tribunal sur l'étendue de ses pouvoirs, qui doit être relevée d'office par le juge d'appel, entache d'irrégularité le jugement attaqué ; que ce dernier doit, dès lors, être annulé ;

Sur l'évocation :

4. Considérant que si, dans son dernier mémoire déposé le 28 avril 2016 en réponse au moyen d'ordre public lui ayant été communiqué par la Cour de céans, M. A...a conclu à l'annulation pour irrégularité du jugement attaqué et au renvoi de l'affaire au Tribunal administratif de Montreuil, l'intéressé n'y a pas, pour autant, abandonné expressément ses conclusions, telles que précédemment exposées dans sa requête, tendant à l'annulation de l'arrêté contesté du 2 septembre 2014 ; que, dès lors que, comme il a été dit, les premiers juges ont déjà statué au fond sur la demande de M. A...et que ce dernier ne s'est pas désisté en appel de ses conclusions au fond et les a même réitérées à la barre, l'affaire est en état d'être jugée ; que, par suite, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Montreuil ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté contesté du 2 septembre 2014 et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le préfet de la Seine-Saint-Denis devant le Tribunal administratif de Montreuil :

5. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté contesté du 2 septembre 2014 prononçant le retrait de la carte de résident de M. A... a été signé par M. D...B..., directeur de l'immigration et de l'intégration au sein de la préfecture de la Seine-Saint-Denis ; qu'il résulte, d'une part, de l'instruction que ce dernier bénéficiait, pour ce faire, d'une délégation de signature lui ayant été consentie par arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 31 janvier 2014, publié le jour même au bulletin d'informations administratives de la préfecture ; que, d'autre part, aucun élément ne permet d'établir, ainsi que l'allègue le requérant, que le préfet de la Seine-Saint-Denis, lors de la signature de l'arrêté contesté par M.B..., n'aurait pas été absent ou empêché ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que cet arrêté serait entaché d'incompétence doit être écarté ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté contesté du 2 septembre 2014 vise, notamment, les dispositions précitées de l'article L. 314-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et rappelle, au cas particulier, qu'à l'occasion d'un contrôle conjointement diligenté par la police et l'URSSAF, le 3 juillet 2013, sur le marché de Franconville, il a été constaté que M.A..., ressortissant pakistanais titulaire d'une carte de résident et exerçant la profession de commerçant ambulant, avait employé sur son stand, de manière non déclarée, un ressortissant étranger en situation irrégulière ; que l'arrêté contesté mentionne ainsi, avec une précision suffisante, les considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est fondé pour prononcer le retrait de la carte de résident dont était titulaire le requérant ; que ce dernier n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que cette décision de retrait serait insuffisamment motivée ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'eu égard aux termes mêmes de l'arrêté contesté du 2 septembre 2014, rappelés au point 6, M. A...n'est pas davantage fondé à soutenir que l'administration aurait omis de procéder à l'examen particulier de sa situation personnelle avant de prononcer le retrait de sa carte de résident, alors surtout qu'elle avait pris soin, au préalable, de recueillir ses observations par lettre du 27 mai 2014, à laquelle l'intéressé a effectivement répondu ;

8. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que le préfet de la Seine-Saint-Denis se serait, à tort, cru tenu, à raison des circonstances rappelées au point 1, de retirer la carte de résident de M.A... ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le préfet aurait, ce faisant, commis une erreur de droit ne peut qu'être écarté ;

9. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

10. Considérant que la sanction prévue à l'article L. 314-6 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a pour effet, sauf lorsqu'elle n'est pas assortie d'une obligation de quitter le territoire français et s'accompagne de la délivrance d'un autre titre de séjour, de mettre fin au droit au séjour de l'étranger concerné ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être utilement invoqué à l'appui d'un recours dirigé contre une telle sanction lorsqu'il résulte de l'instruction que l'étranger est demeuré sur le territoire français et s'est vu délivrer un autre titre de séjour ;

11. Considérant, d'une part, que l'arrêté contesté du 2 septembre 2014 prononçant le retrait de la carte de résident de M. A... n'a pas été assorti d'une obligation de quitter le territoire français ; que, d'autre part, il résulte de l'instruction que le requérant a, depuis lors, été mis en possession, le 19 novembre 2014, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ; qu'il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est, en l'espèce, inopérant ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 2 septembre 2014 prononçant le retrait de sa carte de résident ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M.A..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que les conclusions à fin d'injonction présentées par l'intéressé ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, le versement d'une somme à M. A...en remboursement des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement rendu par le Tribunal administratif de Montreuil le 30 mars 2015 sous le n° 1410165 est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...et la demande présentée par l'intéressé devant le Tribunal administratif de Montreuil sont rejetés.

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N° 15VE01583


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 15VE01583
Date de la décision : 19/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. SOYEZ
Rapporteur ?: M. Eric TOUTAIN
Rapporteur public ?: M. DELAGE
Avocat(s) : BERTRAND

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2016-05-19;15ve01583 ?
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