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07/04/2016 | FRANCE | N°14VE02302

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 07 avril 2016, 14VE02302


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...C..., épouseA..., a demandé au Tribunal administratif de Versailles l'annulation de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le maire de la commune d'Epinay-sous-Sénart sur sa demande du 10 février 2010 tendant à bénéficier d'un reclassement professionnel, la condamnation de cette commune à lui verser la somme de 200 000 euros en réparation des préjudices subis du fait du défaut de recherche de reclassement et du traitement discriminatoire qui lui a été réservé, d'ordo

nner sa réintégration ou, à défaut, son affectation sur un poste correspondant à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...C..., épouseA..., a demandé au Tribunal administratif de Versailles l'annulation de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le maire de la commune d'Epinay-sous-Sénart sur sa demande du 10 février 2010 tendant à bénéficier d'un reclassement professionnel, la condamnation de cette commune à lui verser la somme de 200 000 euros en réparation des préjudices subis du fait du défaut de recherche de reclassement et du traitement discriminatoire qui lui a été réservé, d'ordonner sa réintégration ou, à défaut, son affectation sur un poste correspondant à ses aptitudes, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du prononcé du jugement à intervenir.

Par ordonnance du 21 juin 2011, le président du Tribunal administratif de Versailles a accordé à la requérante, à titre de provision, la somme de 15 000 euros.

Par un jugement n° 1004142-1102025 du 20 mai 2014, le Tribunal administratif de Versailles a annulé la décision implicite de rejet du maire de la commune d'Epinay-sous-Sénart et rejeté le surplus des conclusions de la demande de MmeC....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 29 juillet 2014 et le 20 janvier 2016, Mme C..., représentée par Me Moulin, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires ;

2° de condamner la commune d'Epinay-sous-Sénart à lui verser la somme de 150 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'absence de tout reclassement entre février 2010 et septembre 2011 et de son reclassement déloyal du 1er septembre 2011 au 30 novembre 2012 ;

3° de mettre à la charge de la commune d'Epinay-sous-Sénart la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement doit être confirmé en ce qu'il a annulé le rejet implicite de sa demande de reclassement ;

- le tribunal ne s'est pas prononcé sur le caractère sérieux de l'offre de reclassement qui lui a été faite le 11 juillet 2011 dès lors que, notamment, il n'a pas vérifié ni si les postes auxquels elle avait postulés étaient toujours vacant le 13 mars 2010, postérieurement à l'avis d'inaptitude, ni le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par la commune d'Epinay-sous-Sénart pour lui refuser trois postes correspondant aux droits résultant de son contrat initial et de niveaux équivalents ;

- le tribunal a commis une erreur d'appréciation en estimant sérieuse cette offre de reclassement ;

- l'absence d'exécution loyale de l'obligation de reclassement par la commune d'Epinay-sous-Sénart constitue une faute lui ouvrant droit à réparation ;

- la commune a commis une faute en ne lui proposant pas, en application de l'article 21 de la loi du 12 mars 2012, un contrat à durée indéterminée alors qu'elle en remplissait les conditions et qu'un poste était vacant le 28 février 2012 ;

- son préjudice financier s'élève, pour la période du 13 mars 2010 au 31 août 2011, en raison de la violation de son obligation de reclassement par la commune, à la somme de 50 000 euros et, pour la période du 1er septembre au 30 novembre 2012 en raison de l'exécution déloyal de cette obligation de reclassement à celle de 25 000 euros ;

- la perte de chance de conserver son agrément d'assistante maternelle doit être évaluée à la somme de 25 000 euros et son préjudice physique et moral à la somme de 50 000 euros.

....................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bigard,

- les conclusions de M. Delage, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., pour la commune d'Epinay-sous-Sénart.

1. Considérant que Mme C... a été recrutée, en 1987, en qualité d'assistante maternelle au sein de la crèche municipale d'Epinay-sous-Sénart, puis a exercé, à compter du 1er janvier 2004, cette même activité à domicile en vertu d'un contrat à durée indéterminée ; qu'elle a été victime d'un accident de travail le 26 septembre 2007 et est restée en arrêt de travail jusqu'au 23 février 2010 ; que, par un courrier en date du 10 février 2010, après avoir indiqué que deux postes d'adjoint administratif qu'elle estimait être en mesure d'occuper étaient à pourvoir dans la commune, Mme C... a demandé au maire de la commune d'Epinay-sous-Sénart un reclassement professionnel, compte tenu de son inaptitude à l'emploi d'assistante maternelle ; que, par une ordonnance du 21 juin 2011, le président du Tribunal administratif de Versailles a condamné la commune d'Epinay-sous-Sénart à verser à Mme C... à titre de provision une somme de 15 000 euros, au motif que la commune ne lui avait fait aucune proposition de reclassement bien qu'elle ait été déclarée inapte à l'exercice de ses fonctions ; qu'ayant obtenu par jugement en date du 20 mai 2014, devenu définitif sur ce point, l'annulation de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le maire d'Epinay-sous-Sénart sur sa demande du 10 février 2010, Mme C... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de la commune d'Epinay-sous-Sénart au paiement d'une somme supérieure à celle de 15 000 euros, obtenue à titre de provision ;

Sur la responsabilité :

2. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que le tribunal administratif a annulé la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le maire de la commune d'Epinay-sous-Sénart sur la demande de Mme C... en date du 10 février 2010 tendant à bénéficier d'un reclassement professionnel, au motif qu'elle était entachée d'illégalité faute pour le maire d'avoir recherché un emploi disponible ou d'avoir prononcé le licenciement de l'intéressée ; que l'illégalité de ce rejet implicite a constitué une faute de nature à engager la responsabilité de la commune d'Epinay-sous-Sénart ; que, par suite, Mme C... est en droit d'obtenir réparation du préjudice direct et certain qui a pu en résulter pour elle ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que, par lettre en date du 18 octobre 2010, après avoir relevé l'absence de recherche de reclassement depuis l'avis en date du 12 mars 2010 du médecin de prévention relatif à son inaptitude au poste d'assistante maternelle et la publication d'offres d'emploi par la commune d'Epinay-sous-Sénart qui ne lui étaient pas proposées, Mme C... a demandé que soit organisée une nouvelle visite de reprise, demande renouvelée le 12 novembre 2010 ; que, par lettre du 8 décembre 2010, l'intéressée a sollicité sa réintégration ; que, le 17 décembre 2010, Mme C... a proposé sa candidature à un poste vacant dans la commune ; qu'il n'a pas été répondu à ces courriers ; qu'il ne lui a été proposé un poste que par courrier en date du 1er juin 2011, soit, ainsi que l'ont mentionné les premiers juges, près de quinze mois après l'avis médical d'inaptitude ; que si la commune d'Epinay-sous-Sénart fait valoir qu'elle n'a pas été en mesure de proposer plus tôt un reclassement à la requérante, en raison du peu de qualification de Mme C... et de son état de santé, elle ne l'établit pas, alors surtout qu'elle n'a jamais demandé un avis médical sur la compatibilité des postes vacants pendant la période en cause et les aptitudes de l'intéressée ; qu'en outre, à la supposer établie, l'impossibilité de reclasser Mme C... aurait dû conduire la commune à prononcer son licenciement dans un délai raisonnable après l'avis médical constatant son inaptitude ; que le délai anormalement long mis par la commune d'Epinay-sous-Sénart pour régler la situation de Mme C..., ainsi que l'injustifiable défaut de réponse aux courriers de l'intéressée afin d'être tenue informée des suites de la procédure de reclassement, caractérisent un manquement à l'obligation de reclassement avant la proposition de poste datée du 1er juin 2011, qui incombait à la commune d'Epinay-sous-Sénart ; que, ce faisant, cette dernière a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

4. Considérant, en troisième lieu, que, d'une part, les circonstances que les postes à temps complet vacants publiés par la commune d'Epinay-sous-Sénart pendant l'année 2010 n'ont pas été proposés à Mme C... alors que le poste qui lui a été proposé le 1er juin 2011 était à temps partiel et que la commune lui a toujours refusé les formations qu'elle sollicitait, ne constitueraient pas, en tout état de cause, une faute distincte de celle relevée au point 3 ; que, d'autre part, il ne résulte de l'instruction ni qu'elle aurait pu occuper les postes d'agent d'accueil à l'épicerie sociale et d'assistant carrière/paie qui lui ont été expressément refusés le 4 juillet 2011, ni qu'il existait un poste à temps complet qui aurait pu lui être proposé le 1er juin 2011, date à laquelle lui a été proposé un poste à temps partiel ; qu'enfin, si la requérante a entendu se fonder sur la méconnaissance par la commune d'Epinay-sous-Sénart des dispositions de l'article 21 de la loi du 12 mars 2012 pour démontrer qu'en la reclassant sur cet emploi à temps partiel par contrat à durée déterminée, cette commune a exécuté déloyalement son obligation de reclassement, ces dispositions sont postérieures au 1er septembre 2011, date de reclassement de Mme C... ; que, dans ces conditions, nonobstant la durée déterminée de ce contrat, au demeurant accepté par Mme C..., la commune d'Epinay-sous-Sénart doit être regardée comme ayant satisfait à son obligation de reclassement ;

Sur le préjudice :

5. Considérant, en premier lieu, que l'illégalité de la décision implicite de rejet de la demande présentée le 10 février 2010 par Mme C... et le délai anormalement long mis par la commune d'Epinay-sous-Sénart à procéder à son reclassement ont été la cause pour la requérante d'un préjudice financier résultant, en particulier, de ce qu'elle n'a perçu aucun traitement de la commune au cours de la période de responsabilité de février 2010 au 31 août 2011 ; que les premiers juges ont fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en le chiffrant à la somme de 13 000 euros ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que si la requérante a subi un préjudice résultant de l'absence de prise en compte des mois de service qu'elle aurait dû effectuer si la commune l'avait reclassée dans un délai raisonnable, pour ces droits à pension, ce chef de préjudice ne saurait être évalué à la perte de cotisations sociales dont elle demande le versement et qui, en tout état de cause, ne lui aurait pas été versées ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit au point 4, le reclassement de Mme C...sur un emploi à temps partiel par contrat à durée déterminée ne constitue pas une faute de la commune d'Epinay-sous-Sénart ; que, dès lors, le préjudice financier allégué lié à l'absence de reprise d'ancienneté résultant du reclassement de l'intéressée en contrat à durée déterminée ne peut qu'être écarté ;

8. Considérant, en quatrième lieu, que Mme C...ne justifie pas que le coût des crédits à la consommation et des emprunts qu'elle a pris soit la conséquence directe de l'illégalité de la décision implicite de rejet de sa demande présentée le 10 février et du délai anormalement long mis par la commune d'Epinay-sous-Sénart à procéder à son reclassement ; que, par ailleurs, si Mme C... fait valoir qu'elle a dû payer des pénalités du fait de divers retards de paiement, elle n'en justifie pas par la production de lettres de l'administration fiscale relative à un arrêt de prélèvements mensuels ;

9. Considérant, en cinquième lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que le refus en 2015 par l'organisme Pôle Emploi de faire bénéficier à Mme C...d'une formation l'obligeant à prendre en charge elle-même cette formation, puisse être regardé comme étant en lien direct avec les fautes retenues ci-dessus à l'encontre de la commune d'Epinay-sous-Sénart ;

10. Considérant, en sixième lieu, que Mme C... sollicite la réparation de la perte de chance de conserver son agrément d'assistante maternelle ; que, toutefois, elle a été déclarée inapte définitivement à l'exercice des fonctions d'assistante maternelle ; que, par suite, ce chef de préjudice doit être écarté ;

11. Considérant, en septième lieu, que si Mme C... sollicite la réparation d'un préjudice physique en raison d'un nouvel accident de service, il résulte de l'instruction que cet accident est intervenu le 13 septembre 2012, soit plus d'un an après la date effective de son reclassement professionnel ; que, dans ces conditions, le préjudice physique allégué ne présente aucun lien direct avec le délai anormalement long mis par la commune d'Epinay-sous-Sénart pour reclasser l'intéressée ;

12. Considérant, en huitième lieu, que si Mme C... a subi un préjudice moral du fait de la situation d'incertitude dans laquelle elle a été maintenue en raison des fautes commises par la commune d'Epinay-sous-Sénart, il ne résulte pas de l'instruction que le tribunal ait fait une insuffisante appréciation de ce chef de préjudice en lui accordant une somme de 2 000 euros ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de la commune d'Epinay-sous-Sénart au paiement d'une somme supérieure à celle de 15 000 euros obtenue à titre de provision ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la Cour mette à la charge de la commune d'Epinay-sous-Sénart, qui n'est pas la partie perdante, la somme que Mme C... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

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N°14VE02302 3


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 14VE02302
Date de la décision : 07/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Agents contractuels et temporaires.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. SOYEZ
Rapporteur ?: M. Eric BIGARD
Rapporteur public ?: M. DELAGE
Avocat(s) : SELARL LIBERLEX AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2016-04-07;14ve02302 ?
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