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29/03/2016 | FRANCE | N°15VE04013

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 29 mars 2016, 15VE04013


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Versailles l'annulation de l'arrêté du 17 avril 2014 du préfet de l'Essonne refusant de renouveler son certificat de résidence algérien, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1403971 du 26 novembre 2015, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté cette demande.

Procédure dev

ant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 décembre 2015 et 19 févri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Versailles l'annulation de l'arrêté du 17 avril 2014 du préfet de l'Essonne refusant de renouveler son certificat de résidence algérien, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1403971 du 26 novembre 2015, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 décembre 2015 et 19 février 2016,

M.B..., représenté par Me Boukhari-Saou, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3° d'enjoindre au préfet de l'Essonne, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, de lui délivrer un certificat de résidence dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4° de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B...soutient que :

- l'avis du médecin de l'agence régionale de santé est insuffisamment motivé dès lors que les termes de la décision attaquée, auxquels il peut seul se référer faute d'avoir eu communication de l'avis, ne permettent pas d'établir que le médecin se serait prononcé sur la possibilité de suivre un traitement dans son pays d'origine ou de voyager sans risque ;

- étant titulaire d'un titre de séjour portant la mention " visiteur ", sa demande de renouvellement aurait dû être examinée sur le fondement de l'article 7 de l'accord franco-algérien et non de l'article 6-7 de cet accord, dont il ne s'est pas prévalu ;

- la décision de refus de séjour est entachée d'une triple erreur de fait en ce qu'elle se réfère à la notion de " titre de séjour " et non de " certificat de résidence ", qu'elle indique qu'il est en situation irrégulière et qu'elle précise qu'il a formé sa première demande de titre pour soins le 29 août 2013 ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il ne peut retourner vivre dans son pays, où sont nés les troubles psychiatriques dont il est atteint et où il ne pourrait recevoir des soins appropriés ; en outre, il vit avec une compatriote en situation régulière dont il attend un enfant ;

- elle méconnaît également les stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien ; en effet, il souffre d'une pathologie psychiatrique grave, liée à des évènements vécus dans son pays d'origine, qui implique un traitement lourd dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui n'est pas disponible en Algérie ; à cet égard, la décision est contraire à l'avis du médecin inspecteur de la santé publique ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée au regard de la loi du 11 juillet 1979 et du 2° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision se fonde sur les mêmes erreurs de droit et de fait que celles qui entachent la décision de refus de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droit de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Huon,

- et les observations de Me Boukhari-Saou pour M.B....

1. Considérant que M.B..., de nationalité algérienne, relève appel du jugement du 26 novembre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Essonne du 17 avril 2014 refusant de renouveler son certificat de résidence en vue de lui attribuer un titre en qualité d'étranger malade, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai ;

Sur la légalité de la décision portant refus de renouvellement du certificat de résidence :

2. Considérant, en premier lieu, que si M. B...était titulaire d'un certificat de résidence portant la mention " visiteur ", valable du 19 février au 18 novembre 2013, il ressort des pièces du dossier et, en particulier, du formulaire déposé le 29 août 2013 en préfecture en vue du renouvellement de ce titre, que l'intéressé ne s'est pas prévalu de cette qualité mais a expressément sollicité un certificat de résidence pour raisons médicales ; qu'ainsi, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait inexactement qualifié sa demande en l'instruisant sur le fondement non de l'article 7 mais de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

3. Considérant, en deuxième lieu, d'une part, que, M. B...soutient que la décision attaquée indique, à tort, que sa demande du 29 août 2013 constituerait une première demande de titre de séjour pour motif médical alors qu'il avait déjà présenté une demande pour ce même motif le 22 juillet 2011 ; que, toutefois, cette erreur de fait, dont le requérant ne précise d'ailleurs pas en quoi elle aurait affecté l'appréciation portée sur sa situation actuelle, est sans influence sur la légalité de la décision attaquée ; qu'en outre, ne constitue pas une telle erreur l'emploi des termes " titre de séjour en lieu et place de " certificat de résidence " ; que, d'autre part, est également sans incidence, la circonstance que le préfet ait indiqué que cette décision

" a uniquement pour but de mettre fin à un séjour " irrégulier " sans faire obstacle au retour du requérant en France dans le respect des textes en vigueur ", cette mention ne pouvant être regardée que comme une simple erreur de plume dès lors qu'elle est précédée de l'indication que

M. B...a bénéficié d'un certificat de résidence " visiteur " et qu'ainsi le préfet ne s'est pas mépris sur la situation administrative de l'intéressé ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord

franco-algérien susvisé : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable aux ressortissants algériens en l'absence de stipulations particulières de l'accord franco-algérien relatives à l'instruction d'une demande de certificat de résidence pour raisons de santé : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. Par dérogation, à Paris, ce médecin est désigné par le préfet de police. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 susvisé : " (...) le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : / - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; / - la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays (...) " ;

5. Considérant, d'une part, que l'avis du médecin de l'agence régionale de santé du

30 octobre 2013, au vu duquel a été prise la décision attaquée et qui a été versé au dossier de première instance mentionne que, si l'état de santé de M. B...nécessite une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et précise que l'intéressé peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine vers lequel il peut voyager sans risque ; que, par suite, le moyen tiré de ce que cet avis serait insuffisamment motivé, notamment faute de se prononcer sur ces deux derniers points, manque en fait ;

6. Considérant, d'autre part, que M. B...fait valoir qu'il souffre d'un " syndrome dépressif mélancolique " soigné par un traitement lourd à base de psychotropes ; que, toutefois, les certificats médicaux qu'il produit n'apportent aucune précision sur la nature des conséquences que pourrait entraîner un défaut de traitement ni, surtout, sur l'impossibilité pour l'intéressé - qui se borne à des allégations générales sur le système hospitalier algérien, alors qu'il n'est ni établi ni allégué qu'il requerrait une hospitalisation - d'accéder effectivement dans son pays d'origine aux soins que requiert son état de santé ; qu'à cet égard, et compte tenu de l'intervention de l'avis précité du 30 octobre 2013, le requérant ne saurait se prévaloir de l'avis, rendu le 19 février 2013 par le médecin de l'agence régionale de santé, qui se bornait à préconiser son maintien en France pour une durée de neuf mois, cette recommandation ayant, du reste, été suivie par le préfet qui a délivré un certificat de résidence valable jusqu'au

18 novembre 2013 ; qu'en outre, il n'est pas davantage démontré par les pièces du dossier qu'il existerait un lien entre la pathologie de M. B...et des événements traumatisants qu'il aurait vécus en Algérie, et sur lesquels il n'apporte du reste aucun élément circonstancié, ne permettant pas, au cas particulier, d'envisager un traitement effectivement approprié dans ce pays ; qu'ainsi, en l'absence d'élément de nature à contredire utilement l'avis du 30 octobre 2013 du médecin de l'agence régionale de santé, le requérant n'établit pas qu'en refusant de renouveler son certificat de résidence pour raisons médicales, le préfet aurait inexactement apprécié sa situation au regard des stipulations précitées du 7) du 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

8. Considérant que, si M. B...fait valoir qu'il occupe un emploi, l'intéressé, qui n'est entré en France qu'en novembre 2008 à l'âge de trente ans, ne peut se prévaloir d'une intégration professionnelle et sociale ancienne ; qu'en outre, s'il fait valoir qu'il vit maritalement avec une compatriote en situation régulière qui attend un enfant, il ressort de ses propres déclarations que la communauté de vie alléguée n'aurait débuté qu'en mai 2015, soit un an après la décision attaquée de sorte que cette circonstance est sans incidence sur sa légalité ; qu'en outre, le requérant ne fait précisément état d'aucun lien social ou privé intense et stable ; que, par ailleurs, ainsi qu'il vient d'être dit, il n'est pas établi que M. B...ne puisse recevoir des soins médicaux dans son pays d'origine où, au surplus, il n'est pas dépourvu d'attaches, ni, par suite, qu'il ne pourrait, en raison de sa pathologie, y poursuivre normalement sa vie ; que, dès lors, la décision contestée ne peut être regardée comme portant une atteinte disproportionnée au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. Considérant, en premier lieu, que M. B...n'établit pas que la décision portant refus de séjour qui lui a été opposée serait entachée d'illégalité ; qu'il n'est donc pas fondé à soutenir que cette prétendue illégalité entraînerait par voie de conséquence celle de la mesure d'éloignement en litige ;

10. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III " ;

11. Considérant que l'obligation de quitter le territoire attaquée, qui a été prononcée à la suite d'un refus de renouvellement de titre de séjour, entre dans les prévisions du 3° du I de l'article L. 511 précité et non du 2° du I de cet article et n'a donc pas à faire l'objet d'une motivation en fait distincte de celle de la décision relative au séjour ; qu'en l'espèce, la décision refusant à M. B...le renouvellement de son certificat de résidence comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est ainsi suffisamment motivée ; que, par ailleurs, le préfet de l'Essonne a visé le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui permet d'assortir un refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire ; que, par suite, la mesure d'éloignement contestée est elle-même suffisamment motivée ;

12. Considérant, enfin, qu'il y a lieu, pour les mêmes motifs de fait que ceux énoncés au point 8. de rejeter le moyen tiré de ce que cette mesure méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

13. Considérant que M. B...ne démontrant pas que les décisions portant refus de renouvellement de séjour et obligation de quitter le territoire français seraient illégales, il n'est pas fondé à soutenir que, par voie de conséquence de cette illégalité, la décision fixant le pays de renvoi serait privée de base légale ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal Administratif de Versailles a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

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N° 15VE04013


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 15VE04013
Date de la décision : 29/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: M. Christophe HUON
Rapporteur public ?: M. COUDERT
Avocat(s) : BOUKHARI-SAOU

Origine de la décision
Date de l'import : 09/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2016-03-29;15ve04013 ?
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