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15/03/2016 | FRANCE | N°15VE02695

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 15 mars 2016, 15VE02695


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G...J...D...a demandé au Tribunal administratif de Versailles l'annulation de l'arrêté du 22 janvier 2014 du préfet de l'Essonne refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1405285 du 17 juillet 2015, le Tribunal administratif de Versailles a accueilli cette demande, a enjoint au PRÉFET DE L'ESSONNE

de délivrer à l'intéressée une carte de séjour temporaire dans un délai de trois mo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G...J...D...a demandé au Tribunal administratif de Versailles l'annulation de l'arrêté du 22 janvier 2014 du préfet de l'Essonne refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1405285 du 17 juillet 2015, le Tribunal administratif de Versailles a accueilli cette demande, a enjoint au PRÉFET DE L'ESSONNE de délivrer à l'intéressée une carte de séjour temporaire dans un délai de trois mois et a mis à la charge de l'État, au profit de Me Hug, avocat de Mme J... D..., une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire ampliatif, enregistrés les 12 et 25 août 2015, et un mémoire en réplique, enregistré le 18 novembre 2015, le PRÉFET DE L'ESSONNE demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de rejeter la demande présentée par Mme J...D...devant le Tribunal administratif de Versailles.

Le PRÉFET DE L'ESSONNE soutient que :

- si Mme H...a épousé au Cap-Vert, M. A...D..., lui-même titulaire d'un titre de séjour en qualité de parent d'un enfant français né d'une autre relation, et que le couple a eu une enfant née en France le 21 octobre 2012, l'intéressée, qui, lors du dépôt de son dossier avait déclaré être séparée de son époux depuis 2011, n'établit pas, comme allégué dans sa demande, que la vie commune aurait repris en juillet 2012 ; par suite, et alors au surplus que Mme H...ne peut se prévaloir d'une bonne intégration, la décision de refus de séjour litigieuse n'a méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- par ailleurs, la décision de refus de séjour a été signée par une autorité compétente ;

- en outre, cette décision, prise après un examen approfondi de la demande, est suffisamment motivée en droit et en fait ;

- enfin, s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français, l'intimée n'établit pas être dans l'impossibilité de retourner dans son pays d'origine, où elle n'établit ni qu'elle serait dépourvue d'attaches ni qu'elle y encourrait des risques pour sa sécurité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 octobre 2015, Mme J...D..., représenté par Me Hug, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- c'est à bon droit que le tribunal a estimé que la décision de refus de séjour était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; en effet, mariée depuis le 26 juillet 2000 avec un compatriote en situation régulière, elle a repris la vie commune avec son époux, par ailleurs, père d'un enfant français, à partir de 2011, ainsi qu'en attestent les documents versés au dossier ; de surcroît, son enfant est scolarisée en France et, n'ayant jamais cessé de travailler depuis son entrée sur le territoire, elle justifie pour sa part d'une parfaite intégration professionnelle ;

- la décision contestée, qui implique une séparation de l'enfant du couple d'avec son père, méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant ;

- cette décision est entachée d'une double erreur de fait : d'une part, en ce qu'elle mentionne une entrée en France en 2005 alors qu'elle n'est arrivée que le 21 juin 2006 ; d'autre part, en ce qu'elle indique qu'elle s'est séparée de son époux depuis 2011 alors que la vie commune a repris au cours de ladite année ;

- eu égard aux éléments de fait précités, la mesure d'éloignement litigieuse méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Huon,

- et les conclusions de M. Coudert, rapporteur public.

1. Considérant que le PRÉFET DE l'ESSONNE fait appel du jugement du

17 juillet 2015 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a, d'une part, annulé son arrêté du 22 janvier 2014 refusant la délivrance d'un titre de séjour à MmeH..., ressortissante capverdienne, et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et, d'autre part, lui a enjoint de délivrer un titre de séjour à l'intéressée dans un délai de trois mois ;

2. Considérant que, pour annuler l'arrêté litigieux, le Tribunal administratif, après avoir cité les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, a estimé que cet arrêté était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation de Mme J...D... ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;

4. Considérant que Mme J...D...a épousé le 26 juillet 2000, alors qu'elle résidait encore au Cap-Vert, M. I...A...D..., lequel est, par la suite, venu seul s'installer en France où il a refait sa vie avec une ressortissante française ; que celui-ci, de ce fait, réside régulièrement en France en qualité de parent d'enfant français ; que Mme J...D..., qui est entrée sur le territoire national le 22 juin 2006, soutient qu'après avoir résidé dans le sud de la France, aux côtés de sa soeur, elle a repris une vie commune avec son époux en 2011, le couple ayant eu un enfant né le 21 octobre 2012 à Arpajon (91) ; que, toutefois, d'une part, ainsi que le fait valoir le préfet, l'acte de naissance de cet enfant indique que Mme J...D...résidait alors à Brétigny-sur-Orge (91) alors que son époux habitait à Courbevoie (92) ; qu'en outre, l'attestation de la caisse d'allocations familiales de l'Essonne établie le 20 mars 2013 fait apparaître que Mme J...D...vivait seule à Brétigny-sur-Orge avec son enfant ; que, de surcroît, il n'est pas contesté que lors de la demande de renouvellement de son titre de séjour, venu à expiration en juillet 2013,

M. I...A...D...n'a fait aucunement état d'une vie commune avec l'intimée et a même déclaré résider chez Mlle B...E...à Courbevoie ; que, si Mme J...D...produit quelques documents faisant état d'une adresse commune avec son mari, au 28 rue Alfred Leblanc à Brétigny-sur-Orge, ces documents, au demeurant peu nombreux, sont tous postérieurs à l'arrêté attaqué et, au surplus, sont contredits par plusieurs bulletins de salaire établis au nom de l'intéressée et mentionnant cette adresse comme étant celle de M. C...F... ; que, d'autre part, il n'est pas sérieusement allégué que M. I...A...D..., par ailleurs père d'un enfant français, contribuerait à l'entretien et à l'éducation de l'enfant né en octobre 2012 ; qu'enfin, si Mme J...D...fait valoir que, depuis son entrée en France, elle a exercé plusieurs emplois en qualité d'agent d'entretien ou d'aide à domicile, elle ne justifie pas d'une intégration professionnelle pérenne et n'apporte aucune précision sur une quelconque intégration sociale ; que, dans ces conditions, et notamment en l'absence, à la date de l'arrêté attaqué, d'une communauté de vie ancienne et stable avec son époux et alors qu'il n'est justifié d'aucune circonstance précise faisant obstacle à ce que Mme J...D...poursuive sa vie à l'étranger et, en particulier, dans son pays d'origine où elle n'allègue pas être dépourvue d'attaches, ni le refus de séjour ni la décision portant obligation de quitter le territoire contestés ne peuvent être regardés comme ayant porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que lesdites décisions n'ont pas davantage méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant, dès lors qu'il n'est ni établi ni même allégué que l'enfant de Mme J...D..., dont il ressort des pièces du dossier qu'elle assume seule la charge, ne pourrait, compte tenu de son jeune âge, s'adapter à un nouvel environnement et, ainsi, l'accompagner à l'étranger et, notamment, au Cap-Vert ; que, pour les mêmes motifs de fait, et faute, notamment, d'une insertion professionnelle et sociale significative, les décisions en cause ne sont pas entachées d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;

5. Considérant, toutefois, qu'il y a lieu pour la Cour saisie par l'effet dévolutif de l'appel de statuer sur les autres moyens soulevés devant le tribunal et devant elle ;

6. Considérant, en premier lieu, que, si Mme J...D...souligne que l'arrêté attaqué mentionne à tort qu'elle est entrée en France le 22 juin 2005 et non le 22 juin 2006, cette simple erreur de plume, qui, au demeurant n'a pu exercer d'influence défavorable sur l'appréciation de la situation de l'intéressée, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté litigieux ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4. qu'en relevant que l'intimée était séparée de M. A...D..., le PRÉFET DE L'ESSONNE n'a pas commis d'erreur de fait, d'autant qu'il n'est pas sérieusement contesté que cette indication résulte des déclarations faites par l'intéressée elle-même lors du dépôt de sa demande ;

8. Considérant, en troisième lieu, que, si l'arrêté contesté ne vise pas l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, il ressort de ses termes que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, le préfet a tenu compte de la présence en France de l'enfant de Mme J...D... ; que, par suite, le moyen tiré de ce que, contrairement à ce que lui prescrit cet article, il n'aurait pas examiné les incidences du refus de séjour contesté sur la situation de cet enfant manque en fait ;

9. Considérant, enfin, que Mme J...D...ne peut utilement se prévaloir, devant le juge de l'excès de pouvoir, des orientations générales que le ministre de l'intérieur a adressées aux préfets pour les éclairer dans la mise en oeuvre de leur pouvoir de régularisation par sa circulaire du 28 novembre 2012 ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PRÉFET DE L'ESSONNE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté litigieux ; que, par voie de conséquence, les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par Mme J...D...devant la Cour ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1405285 en date du 17 juillet 2015 du Tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme J...D...devant le Tribunal administratif de Versailles et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme G...J...D.... Copie en sera adressée au PRÉFET DE L'ESSONNE.

Délibéré après l'audience du 23 février 2016, à laquelle siégeaient :

M. Bergeret, président,

M. Huon, premier conseiller,

Mme Moulin-Zys, premier conseiller.

Lu en audience publique le15 mars 2016.

Le rapporteur,

C. HUONLe président,

Y. BERGERETLe greffier,

C. FOURTEAULa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le greffier,

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N° 15VE02695


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 15VE02695
Date de la décision : 15/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BERGERET
Rapporteur ?: M. Christophe HUON
Rapporteur public ?: M. COUDERT
Avocat(s) : CABINET HUG et ABOUKHATER

Origine de la décision
Date de l'import : 25/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2016-03-15;15ve02695 ?
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