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15/03/2016 | FRANCE | N°14VE03162

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 15 mars 2016, 14VE03162


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... B...née C...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que des intérêts de retard et majorations pour manquement délibéré auxquels elle a été assujettie pour l'année 2010, qu'il soit sursis à statuer sur le litige dans l'attente de l'issue de la procédure pénale mettant en cause l'employeur de son mari, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en appli

cation des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... B...née C...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que des intérêts de retard et majorations pour manquement délibéré auxquels elle a été assujettie pour l'année 2010, qu'il soit sursis à statuer sur le litige dans l'attente de l'issue de la procédure pénale mettant en cause l'employeur de son mari, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1303618 du 22 septembre 2014, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 novembre 2014 et 14 avril 2015, ainsi qu'un mémoire en production de pièces, enregistré le 4 janvier 2016, MmeB..., représentée par Me Dirakis, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de surseoir à statuer sur le litige dans l'attente de la décision pénale à venir ;

3° de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Mme B...soutient que :

- la décision en date du 21 janvier 2013 par laquelle l'administration fiscale a rejeté sa réclamation préalable est insuffisamment motivée ;

- cette décision est entachée d'un vice d'incompétence ;

- le vérificateur a commis une erreur de fait car ni elle, ni son mari, n'ont bénéficié des sommes litigieuses ; son mari était alors en situation irrégulière, employé par un entrepreneur peu scrupuleux qui les a forcés à recevoir des sommes virées par lui sur leurs comptes en banque puis à les lui reverser en espèces ; cet entrepreneur fait actuellement l'objet d'une procédure judiciaire en cours d'instruction par un magistrat de Bobigny ;

- si l'administration fiscale lui oppose un courrier du 14 mai 2012 par lequel elle informait le service de ce que les sommes en litige bénéficiaient à son cousin, ni elle ni son époux n'ont pu écrire cette lettre ; c'est l'employeur ou des personnes travaillant avec lui qui ont écrit ce courrier ; elle-même ne sait ni parler ni écrire le français, n'a aucun cousin en France, son mari et elle sont sans ressource, dépendants de l'aide sociale et il aurait été étonnant qu'ils demandent ainsi de l'aide aux services sociaux pour des besoins aussi primaires que de se nourrir, s'ils avaient perçu des dizaines de milliers d'euros ;

- l'administration n'apporte pas la preuve, qui lui incombe en vertu de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, de l'existence de la mauvaise foi ou de manoeuvres frauduleuses ;

- il est nécessaire de surseoir à statuer en attendant que soit rendue la décision du juge pénal saisi de l'affaire engagée contre l'ancien employeur de son mari et diverses autres personnes.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 16 mars et 4 septembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics a conclu au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la requête est recevable en la forme ;

- il n'y a pas lieu de surseoir à statuer ;

- la décision de rejet du 21 janvier 2013 est suffisamment motivée au regard de l'article R. 198-10 du livre des procédures fiscales ;

- son signataire, M. G...D..., bénéficiait d'une délégation de signature consultable sur le site internet de l'administration fiscale, donnée par l'administrateur général des finances publiques en application de l'article 410 de l'annexe II du code général des impôts ;

- par courrier du 14 mai 2012 produit aux débats, l'intéressée a informé le service que les sommes qu'elle a encaissées par virement de la part de l'EURL Etoile, à savoir 7 889,21 euros le 6 décembre 2010 et 17 379,15 euros le 13 décembre 2010, avaient été retirées en liquide au guichet puis remises à son cousin AliC... ; elle n'a toutefois produit aucune preuve établissant que lesdites sommes auraient été remises à cette personne et ainsi, n'établit pas le caractère non imposable desdites sommes.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 29 mai 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Moulin-Zys,

- les conclusions de M. Coudert, rapporteur public,

- et les observations de Me Dirakis, pour MmeB....

Une note en délibéré, présentée pour MmeB..., par Me Dirakis, a été enregistrée le 25 février 2016.

1. Considérant que la vérification de la comptabilité de l'EURL Etoile (Paris 20e) ayant révélé l'existence de sommes distribuées, l'administration a exercé son droit de communication et a ainsi mis en évidence qu'en 2010, Mme B...avait perçu des sommes en provenance de cette société, qui par suite ont été regardées comme imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; que Mme B... relève régulièrement appel du jugement du 22 septembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que des intérêts de retard et majorations pour manquement délibéré auxquels elle a ainsi été assujettie pour l'année 2010 ;

Sur la demande tendant à ce qu'il soit sursis à statuer :

2. Considérant que, suite à la remise à l'instruction de l'affaire après l'audience du

15 septembre 2015, la Cour constate que le dossier contient désormais les informations suffisantes pour statuer, que le principe du contradictoire a été respecté, et que, par suite, il n'y a pas lieu de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du juge pénal dans la procédure engagée à l'encontre de l'employeur de l'époux de MmeB... et diverses autres personnes, notamment pour travail dissimulé et blanchiment de fraude fiscale ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Considérant que les irrégularités qui peuvent entacher la décision par laquelle le directeur des services fiscaux rejette une réclamation contentieuse sont sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition et sur le bien-fondé des impositions contestées ; que, par suite, les moyens tirés de ce que la décision du 21 janvier 2013 par laquelle a été rejetée la réclamation de Mme B...serait entachée d'incompétence et insuffisamment motivée sont inopérants et ne peuvent qu'être écartés ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) " ; que Mme B...ayant contesté les rectifications proposées par l'administration selon la procédure contradictoire, il appartient à cette dernière d'apporter la preuve de l'existence et du montant des revenus distribués et de leur appréhension par l'intéressée ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme B...a reçu sur son compte bancaire, les 6 et 13 décembre 2010, deux virements pour des montants de 7 889,21 euros et 17 379,15 euros, provenant de l'EURL Etoile ou du dirigeant de cette société, M.E..., qui employait alors son futur mari ; que la requérante, qui convient avoir encaissé lesdites sommes virées sur son compte bancaire aux dates indiquées par le service, sans justifier ni même, mentionner, l'existence d'une contrepartie, a dans un premier temps fait valoir, dans un courrier du 14 mai 2012 signé de sa main, qu'elle a retiré les fonds en espèces pour les remettre entre les mains de son cousin M. A...C..., pour soutenir par la suite que ni elle ni son époux n'ont pu écrire ce courrier car ils ne parlent pas le français et que seul l'employeur, ou des personnes travaillant pour lui, avaient pu écrire ce courrier, qu'elle n'a pas de cousin ni aucun autre membre de sa famille en France, qu'elle et son mari dépendent de l'aide publique pour se loger et se nourrir, ce qui ne serait pas le cas si elle avait effectivement bénéficié de ces sommes, d'un montant supérieur à 25 000 euros ; que si elle fait encore valoir qu'elle a été manipulée par l'employeur de son mari, qui utilisait son compte bancaire à des fins de blanchiment d'argent, ce que confirmerait le retrait en espèces, peu après leur encaissement sur son compte bancaire, de la plus grande partie des sommes litigieuses, et qu'une procédure judiciaire est en cours à l'encontre notamment de M. E...et de son mari pour, notamment, des faits de blanchiment de fraude fiscale dans lesquels s'inscriraient les faits à l'origine du présent litige, il ne ressort toutefois pas des pièces produites, notamment en dernier lieu le 4 janvier 2016 par MmeB..., que celle-ci pourrait être regardée comme n'ayant pas appréhendé tout ou partie des sommes versées sur son compte bancaire, du seul fait des retraits en espèces opérés postérieurement, au bénéfice final de M.E..., selon l'intéressée, qui n'établit pas cette circonstance ; qu'ainsi, ces éléments ne pouvant suffire à remettre en cause les éléments de preuve rapportés par l'administration fiscale, c'est à bon droit que les sommes litigieuses ont été imposées, sur le fondement des dispositions précitées, comme revenus distribués dans les mains de MmeB..., à qui il reste loisible, si elle s'y croit fondée, de rechercher devant la juridiction compétente l'indemnisation de tous les préjudices que lui aurait causé l'instigateur et bénéficiaire du système de fraude et de blanchiment auquel elle soutient avoir été contrainte de participer ;

Sur les pénalités pour manquement délibéré :

6. Considérant que selon l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ; qu'aux termes de l'article

L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs (...) la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration " ;

7. Considérant qu'en relevant l'absence de déclaration par Mme B...des virements de l'EURL Etoile, dont le montant global correspond à l'intégralité de ses revenus imposables au titre de l'année 2010, l'administration apporte la preuve qui lui incombe, en vertu de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales précité, de son manquement délibéré à ses obligations fiscales justifiant l'application de la majoration de 40 % prévue au a) de l'article 1729 du code général des impôts ; que le moyen tiré de la violation de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, ne peut qu'être écarté ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent également être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... B...née C...et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 23 février 2016, à laquelle siégeaient :

M. Bergeret, président,

M. Huon, premier conseiller,

Mme Moulin-Zys, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 mars 2016.

Le rapporteur,

M.-C. MOULIN-ZYSLe président,

Y. BERGERETLe greffier,

C. FOURTEAU

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le greffier,

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 14VE03162
Date de la décision : 15/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : M. BERGERET
Rapporteur ?: Mme Marie-Cécile MOULIN-ZYS
Rapporteur public ?: M. COUDERT
Avocat(s) : DIRAKIS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2016-03-15;14ve03162 ?
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