Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société SOLEMS a demandé au Tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et aux contributions sur cet impôt et celle des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2005, 2006 et 2007.
Par un jugement n° 0909006 du 19 novembre 2013, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 20 janvier 2014, le 23 septembre 2014, le 2 mars 2015 et le 23 novembre 2015, la société SOLEMS, représentée par Me Bornhauser, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et aux contributions sur cet impôt et celle des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2005, 2006 et 2007 ;
3° de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle ne peut pas être regardée comme ayant cédé une partie de son activité à la société Balzers ;
- elle n'avait jamais utilisé les éléments d'actifs en cause dans le cadre d'une exploitation autonome ; elle exerçait uniquement l'activité de développement de la recherche sur les cellules solaires en vue de la fabrication de photopiles de petite taille ; les cessions intervenues en 1992 et en 1993 n'ont entraîné aucune modification de son activité, qui par principe était la fabrication et la vente de photopiles ; son partenaire dans le projet " Eurêka " avait l'objectif de fabriquer des photopiles de grande dimension, elle-même poursuivait celui de développer et améliorer le rendement des cellules ;
- la société Balzers s'est débarrassée de la plupart des matériels acquis et a mis huit ans pour concevoir des machines de grande taille puis commercialiser des écrans plats ;
- le prix de vente prévu par la convention I n'est pas significatif puisque la convention stipule que seulement 2,7 % de ce prix sera payé à la signature, le reste devant être payé sous forme des redevances en cas de réussite du projet ;
- la marque cédée " Plasma box " ne présentait pas d'intérêt pour l'activité de la requérante ni pour celle de la société Balzers ; la " Plasma box " permet le dépôt symétrique de deux plaques de verre en position verticale, or cette géométrie est inapplicable dans le domaine de la micro-électronique ;
- le prix de la cession au groupe Total de brevets dont les dossiers sont demeurés dans ses locaux, correspond à une subvention déguisée du groupe ;
- elle a continué à utiliser la technique de la " Plasma box " par le biais de licences ;
- la société Balzers a repris sept salariés pour accélérer les phases de développement et de fabrication de son produit, or ils n'avaient aucune compétence en matière de développement de photopiles de grande surface.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vinot,
- les conclusions de Mme Garrec, rapporteur public,
- et les observations de Me B...substituant Me Bornhauser, pour la société SOLEMS.
1. Considérant qu'à la suite de vérifications successives de la comptabilité de la société SOLEMS l'administration fiscale a remis en cause le droit au report, dont s'était prévalu cette société au titre des exercices clos de 1997 à 2007 à hauteur d'un total de
7 043 550 euros, des amortissements réputés différés (ARD) et non encore imputés, pour lesquels le délai de cinq ans prévu par le I de l'article 209 du code général des impôts n'était pas expiré en 2007 selon la société, au motif que cette dernière avait cédé une partie de son activité au cours des exercices 1992 et 1993 ; qu'en conséquence, l'administration a ramené à zéro les déficits de la société restant à reporter en avant au 31 décembre 2004, et a rehaussé à due concurrence les résultats de la société soumis à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices 2005 à 2007 ; que la société SOLEMS fait appel du jugement du 19 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et aux contributions sur cet impôt et celle des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2005, 2006 et 2007, mises en recouvrement le 26 janvier 2009 ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 209 du code général des impôts, dans sa version applicable au cours des années 1992 et 1993, au cours desquelles sont intervenues les cessions en cause : " I. (...) / (...) / (...) en cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l'exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice. Si ce bénéfice n'est pas suffisant pour que la déduction puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté successivement sur les exercices suivants jusqu'au cinquième exercice qui suit l'exercice déficitaire. (...) / La limitation du délai de report prévue à l'alinéa précédent n'est pas applicable à la fraction du déficit qui correspond aux amortissements régulièrement comptabilisés mais réputés différés en période déficitaire. Toutefois, cette faculté de report cesse de s'appliquer si l'entreprise reprend tout ou partie des activités d'une autre entreprise ou lui transfère tout ou partie de ses propres activités, lorsque ces opérations de reprise ou de transfert concernent, au cours d'un exercice donné, pour l'une ou l'autre de ces entreprises, des activités représentant au moins 5 p. 100 soit du montant brut des éléments de l'actif immobilisé, soit du chiffre d'affaires, soit de l'effectif des salariés " ;
3. Considérant que la société SOLEMS a pour objet, aux termes de ses statuts déposés le 18 juin 1981, l'étude, la fabrication, la mise en vente de tous matériels électroniques et de tous procédés ou programmes utiles à leur mise en oeuvre, plus particulièrement l'étude et le développement industriel des applications des " couches minces " de silicium amorphe et la vente de licences de procédés et d'équipements associés à ces procédés ; qu'il résulte de l'instruction qu'en 1984 le groupe Total a, par l'intermédiaire de sa filiale Total Energie Développement (TED), pris le contrôle de la société SOLEMS, qui employait alors dix-huit salariés et exerçait une activité de développement, de fabrication et de commercialisation de cellules solaires pour petites surfaces (30 cm x 30 cm) dans un bâtiment (A), la recherche fondamentale étant faite par un laboratoire de l'École polytechnique associé au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ; qu'à partir de 1985 cette société a développé dans le cadre du programme " Eurêka ", en partenariat avec la société allemande PST, un projet destiné au développement de procédés de fabrication de cellules solaires destinées à la fabrication de panneaux solaires, la requérante étant spécialisée dans les photopiles ou panneaux de petite surface (30 cm x 30 cm) alors que la société PST assurait la fabrication de photopiles ou panneaux dits de grande surface (60 cm x 90 cm) ; que dans le cadre de ce partenariat, et avec l'appui financier apporté par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) et par le groupe Total, la société SOLEMS a, notamment, mis au point des procédés de formation de films minces de silicium amorphe et de production par plasma de couches minces à usage électronique destinés soit, directement, à la fabrication des panneaux solaires de petite surface, soit, indirectement après une adaptation complémentaire, à la fabrication de panneaux solaires dits de grande surface ; que la société PST ayant pour sa part achevé en 1991 l'installation et la mise en service d'une usine de fabrication, il a été mis fin au partenariat effectué dans le cadre du programme " Eurêka " entre cette société et la société SOLEMS ; que, le 5 novembre 1992, la société SOLEMS a cédé à la société Balzers, société mère d'un sous-traitant ayant participé à la construction de l'usine de la société PST, d'une part, des droits de propriété industrielle afférents à la " Plasma Box " et aux procédés mis au point par la requérante pour le dépôt en couche mince de silicium amorphe pour 1 850 000 francs suisses, valorisés à 7 042 950 francs soit 1 073 691 euros dans un acte substituant à la société SOLEMS, en qualité de vendeur de ces droits, la société TED qui détenait la requérante, d'autre part, la marque déposée " Plasma Box " pour le prix de 190 350 francs soit 29 019 euros, enfin, des matériels d'exploitation pour le prix de 2 320 000 francs soit 353 681 euros ; que la société Balzers a repris concomitamment sept des cinquante-huit salariés de la société SOLEMS ainsi que, par acte du 8 juillet 1993, le droit au bail d'une partie des locaux dans lesquels la requérante avait développé le projet conduit avec la société PST, pour un franc symbolique ; que par ailleurs la société SOLEMS a, le 2 février 1993, cédé à la société TED, pour le prix de 1 242 000 francs, l'ensemble des brevets dont elle avait gardé la propriété après la cession intervenue le 5 novembre 1992 en faveur de la société Balzers, à l'exception de ceux qu'elle avait abandonnés ;
4. Considérant, en premier lieu, qu'il est constant que les salariés de la société SOLEMS transférés à la société Balzers ont représenté une proportion de 12 %, supérieure à 5 %, de l'effectif des salariés de la société requérante ; qu'il résulte en outre de l'instruction que le prix total des immobilisations cédées par la requérante à la société Balzers représente 41 % de la valeur brute de l'ensemble des immobilisations inscrites au bilan de la requérante à la date du
31 décembre 1991, date de clôture du dernier bilan antérieur aux cessions intervenues en 1992 ;
5. Considérant, en second lieu, qu'eu égard aux éléments rappelés au point 4, la société SOLEMS doit être regardée comme ayant eu pour activité, de 1985 jusqu'à l'interruption de son partenariat avec la société PST en 1991, d'une part, une activité de fabrication et de commercialisation de cellules solaires pour petites surfaces (panneaux de 30 cm x 30 cm) et, d'autre part, une activité de recherche et de développement en vue de la mise au point de procédés destinés conjointement soit, directement à la fabrication de panneaux solaires pour petite surface, soit, indirectement après une adaptation complémentaire, à la fabrication de panneaux solaires pour grande surface (panneaux de dimension de 60 cm x 90 cm) exercée en partenariat avec la société allemande PST elle-même spécialisée dans les panneaux de grande surface, dans le cadre de laquelle la requérante a mis au point des procédés spécifiques concernant le dépôt en couche mince de silicium amorphe et permettant la production par plasma de couches minces à usage électronique, et a déposé la marque " Plasma box " le
28 janvier 1992 ; que, contrairement à ce que soutient la société SOLEMS, la circonstance qu'elle n'aurait jamais disposé des techniques spécialisées lui permettant de produire des panneaux de grande surface ne saurait faire obstacle à ce qu'elle soit regardée comme ayant exercé distinctement ces deux activités antérieurement aux cessions en cause ;
6. Considérant par ailleurs qu'il résulte des termes mêmes des écritures de la requérante que si, postérieurement auxdites cessions, la société SOLEMS a poursuivi son activité relative aux panneaux de petite dimension en continuant à utiliser la technique de la " Plasma box ", c'est seulement en qualité de titulaire d'une licence d'exploitation ; qu'en revanche, il ne résulte pas de l'instruction et n'est pas allégué que, postérieurement aux cessions en cause, la requérante aurait elle-même poursuivi son activité de recherche-développement sur les procédés concernant la production par plasma de couches minces à usage électronique, alors même qu'elle avait cédé des droits de propriété industrielle afférents à la " Plasma Box " et à ces procédés pour le prix de 1 073 691 euros, la circonstance que la convention prévoyant la cession de ces procédés stipulait que 2,7 % de ce prix serait payé à la signature et que le solde serait payé sous forme des redevances à hauteur de 3 % du prix net des appareils en cas de réussite du projet étant sans incidence sur le caractère définitif de ladite cession ; que par ailleurs la société requérante, qui serait seule en mesure d'apporter les éléments pertinents nécessaires à l'appui de ses prétentions, n'apporte aucun début de preuve à l'appui de son allégation selon laquelle ses sept salariés transférés à la société Balzers, et dont elle admet qu'ils ont été repris par cette société dans l'objectif d'accélérer les phases de développement et de fabrication de panneaux de grande taille, n'auraient eu à la date de leur transfert aucune compétence en matière de développement de photopiles de grande surface ; qu'il résulte au contraire de l'instruction, en particulier des termes non sérieusement contestés d'un courrier signé par un ancien salarié de la requérante, embauché à l'occasion de l'engagement du projet conduit dans le cadre du programme " Eurêka " puis transféré à la société Balzers à l'occasion des cessions en cause, que la société Balzers a exploité plusieurs des procédés dont elle avait acheté les droits à la requérante et, notamment, que " l'équipe de recherche et développement de Balzers à Palaiseau a mis au point une ligne de machines commercialisées en Asie sous le nom deA... ! qui intégraient certains des brevets Solems, en particulier celui de la " Plasma Box " " ;
7. Considérant que, dans ces conditions, les cessions en cause doivent être regardées comme ayant eu pour objet et pour effet de transférer aux sociétés Balzers et TED l'activité, jusqu'alors exercée par la société SOLEMS, de recherche et développement de procédés de fabrication impliquant le dépôt en couche mince de silicium amorphe et de production, par plasma, de couches minces à usage électronique ; que sont sans incidence, à cet égard, les circonstances que l'activité cédée par la société requérante ne satisfaisait à aucun critère de rentabilité et qu'elle a été reprise par deux sociétés distinctes, ainsi que celle, à la supposer établie, que le prix acquitté par la société TED pour acquérir les brevets mentionnés au point 3 correspondrait une subvention déguisée consentie à la société requérante ; que sont également sans incidence la circonstance que la société Balzers n'a pas poursuivi l'activité de développement et de fabrication de panneaux solaires mais a exploité les éléments acquis pour développer une activité de production d'écrans plats et celle, à la supposer établie, qu'après sa restructuration en 1993 la société SOLEMS a maintenu son chiffre d'affaires en prenant appui sur d'autres développements et innovations provenant de la période au cours de laquelle elle était la filiale de la société TED et a poursuivi, outre une activité de production et de commerce, une activité de recherche et développement sur laquelle la requérante n'apporte aucune précision ;
8. Considérant par suite, et dès lors que ces ventes caractérisaient un transfert d'activité au sens des dispositions précitées du I de l'article 209 du code général des impôts, que le déficit correspondant aux amortissements réputés différés n'était reportable que dans les conditions du droit commun, c'est-à-dire jusqu'au cinquième exercice qui a suivi l'exercice déficitaire en 1993, en application des dispositions ci-dessus rappelées du quatrième alinéa du I dudit article 209 ; que la société SOLEMS n'est dès lors pas fondée à contester la remise en cause par l'administration de la faculté de report sans limitation de durée dans le temps des amortissements réputés différés à hauteur d'un montant de 7 043 550 euros ; que c'est donc à bon droit que l'administration a considéré que la société ne pouvait imputer sur les résultats des exercices 2005 à 2007 des amortissements réputés différés au cours de l'exercice 1993 ou antérieurement, dès lors que l'imputation litigieuse intervenait plus de cinq ans après la clôture de ces exercices ;
9. Considérant, enfin, que la société requérante ne saurait utilement se prévaloir d'une note de l'administration fiscale datée du 21 août 1962, qui est antérieure à la loi n° 65-566 du
12 juillet 1965 dont sont issues les dispositions du quatrième alinéa de l'article 209 du code général des impôts appliquées par l'administration fiscale ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société SOLEMS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et aux contributions sur cet impôt et celle des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2005, 2006 et 2007 ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société SOLEMS est rejetée.
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N° 14VE00262