Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SCI DE L'YVETTE a demandé au Tribunal administratif de Versailles la réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle avait été assujettie au titre des exercices clos en 2005 et 2006.
Par un jugement n° 1002024 du 5 mai 2014, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 juin 2014 et le 16 février 2015, la SCI DE L'YVETTE, représentée par Me Delpeyroux, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de prononcer la réduction des impositions supplémentaires en litige ;
3° de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les amortissements effectués au titre des deux exercices litigieux, à hauteur de 1 919,60 euros par an, de l'indemnité d'éviction correspondant à l'indemnisation du préjudice versée à sa locataire ne sauraient être remis en cause par l'administration et le tribunal qui lui prêtent à tort une connaissance de l'avenir du preneur ; en effet, le versement de la totalité de l'indemnité de 100 000 euros a été réalisé dans son intérêt dès lors que la société Établissements frigorifiques de l'Essonne, en sa qualité de preneur du bail, devait garantir le droit de deux salariés et n'aurait pas quitté les lieux sans recevoir une indemnité destinée à la faire renoncer à ses droits, quand bien même sa situation était déficitaire ; en outre, elle disposait de la faculté de céder son fonds de commerce ou d'accorder un contrat de location-gérance à un tiers ; la circonstance que le bailleur et le preneur aient des associés communs est sans incidence dès lors qu'ils forment des personnes morales distinctes dont les intérêts diffèrent ; la décision du Conseil d'État n° 18770 du 17 mars 1982 n'est pas transposable dans la mesure où la relocation des locaux repris lui a procuré des loyers supérieurs ; dès lors, la totalité de l'indemnité d'éviction a été versée dans son propre intérêt, et l'administration n'est pas fondée à refuser la déduction d'une partie des amortissements afférents à cette indemnité, qui a été immobilisée en tant que frais de premier établissement ;
- conformément à l'article 202 ter du code général des impôts, l'option à l'impôt sur les sociétés d'une société de personnes laisse une totale liberté quant à la valeur des biens que
celle-ci entend inscrire à l'actif de son bilan d'ouverture de la première période d'assujettissement à l'impôt sur les sociétés ; en effet, si l'entreprise opte pour l'imposition immédiate des plus-values, les biens seront inscrits à la valeur vénale ; si, au contraire, cette imposition n'est pas réalisée lors du changement de régime fiscal, les mêmes biens seront inscrits à leur valeur d'origine ; en l'espèce, elle a opté pour l'inscription des biens à leur valeur vénale et l'imposition immédiate des plus-values, sans que le ministre, qui conteste ce fait, ne rapporte la preuve du contraire et soit, par suite, fondé à soutenir que les biens en cause auraient dû être inscrits pour leur valeur d'acquisition ;
- la thèse de l'administration est contraire à sa propre doctrine et à la jurisprudence ; au cas particulier, l'immeuble de la SCI DE L'YVETTE appartenait à son patrimoine privé antérieurement à son option à l'impôt sur les sociétés, laquelle a entraîné le transfert de l'immeuble de ce patrimoine vers un actif professionnel ; elle pouvait donc, conformément à la jurisprudence du Conseil d'État, reprise par la doctrine de l'administration, inscrire le bien pour sa valeur réelle, sans qu'il y ait lieu de s'attacher à son prix de revient initial.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Locatelli, premier conseiller,
- les conclusions de M. Coudert, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., pour la SCI DE L'YVETTE.
1. Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité, la SCI DE L'YVETTE, dont M. et Mme A...sont associés à parts égales, a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés résultant du rehaussement, par l'administration fiscale, d'une part, de la valeur d'inscription à l'actif du bilan de clôture de l'exercice 2005, premier exercice non prescrit au titre de l'impôt sur les sociétés à la date du contrôle, de travaux immobiliers qu'elle avait fait réaliser en 2001, mais avait omis de comptabiliser pour une somme de 175 388 euros et, d'autre part, des amortissements pratiqués, au titre des exercices clos les 31 décembre 2005 et 2006, sur la fraction, dont le versement été regardé comme anormal à hauteur de 19 196 euros, de l'indemnité d'éviction octroyée à la société " Établissements Frigorifiques de l'Essonne " (EFE), dont M. A...était le gérant, en contrepartie de la résiliation du contrat de location de l'ensemble immobilier qu'elle possédait à Villebon-sur-Yvette ; que, par un jugement du 5 mai 2014, dont la SCI DE L'YVETTE relève appel, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés résultant de ces deux chefs de rectification ;
Sur les amortissements :
2. Considérant que la SCI DE L'YVETTE a, depuis sa création en 1997, consenti à la société EFE la location de locaux commerciaux pour un loyer annuel de 11 123 euros ; que cette dernière les a exploités, en partie conformément à son objet social d'entreposage frigorifique, en partie, après leur transformation partielle à ses frais, en tant que locaux à usage d'habitation
sous-loués, nus ou meublés ; que le bail commercial qui la liait au preneur EFE a été résilié le
30 décembre 2001, moyennant le versement d'une indemnité d'éviction d'un montant de
100 000 euros ; que la société EFE ayant été dissoute le 31 décembre 2001, la SCI DE L'YVETTE a repris l'exploitation des locaux qui avaient changé de destination et, après la transformation des locaux commerciaux restant en locaux à usage d'habitation, les a également donnés en location, nue ou meublée ;
3. Considérant que l'indemnité versée, en cas de non-renouvellement du bail, au preneur d'un local commercial doit être regardée comme une charge dont la déduction est admise par les articles 38 et 39 du code général des impôts lorsque elle permet au bailleur de relouer l'immeuble pour un loyer plus élevé ou à de meilleures conditions ; que, toutefois, cette indemnité n'est pas déductible si l'administration fiscale apporte la preuve de ce qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive et qu'elle relève, pour ce motif, d'une gestion anormale ;
4. Considérant que si le ministre ne conteste pas que les locaux, tous à usage d'habitation après transformation, ont été reloués à des conditions de loyers plus élevés, il résulte toutefois de l'instruction que l'administration avait relevé, dès la proposition de rectification du 11 avril 2008, que le montant de l'indemnité d'éviction versée excédait la somme de 66 739,68 euros représentant les loyers à recevoir au titre des six années de loyers restant à courir au titre du bail ; que la fraction de cette indemnité excédant ce montant, augmentée de divers autres frais regardés comme justifiés pour une somme de 14 064 euros, doit, dès lors, être regardée comme excessive sauf, pour la contribuable, à démontrer que le versement du surplus indemnitaire, d'un montant de 19 196 euros, aurait été intégralement absorbé par les suppléments de loyers attendus des relocations à de bien meilleures conditions et, a fortiori, que la résiliation du bail, à ces conditions, lui a permis d'économiser la perte d'un manque à gagner sur recettes égal à la différence entre la somme des loyers à recevoir à de meilleures conditions sur la période du bail restant à courir et l'indemnité de 100 000 euros versée pour sa résiliation immédiate ; que, dans la mesure où ces justifications ne sont pas apportées, l'administration doit être regardée comme établissant que la société civile immobilière était sans intérêt à pratiquer des dotations aux amortissements sur la fraction, demeurée injustifiée, d'un montant de 19 196 euros, de l'indemnité d'éviction, faute pour elle, notamment, de préciser les montants des surcroîts de loyers attendus de ses relocations à de meilleures conditions ;
Sur la minoration d'actif :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 1. (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt (...) " ; qu'aux termes de l'article 38 quinquies de l'annexe III au même code, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. Cette valeur d'origine s'entend : Pour les immobilisations acquises à titre onéreux, du coût d'acquisition, c'est-à-dire du prix d'achat minoré des remises, rabais commerciaux et escomptes de règlement obtenus (...) " ; que, si la correction en hausse par l'administration de la valeur pour laquelle un contribuable a inscrit un élément d'actif à son bilan ne conduit, par elle-même, eu égard aux dispositions de l'article 38, à la constatation d'aucun profit, la circonstance qu'un rehaussement de la valeur d'une immobilisation à prendre en compte sur le plan fiscal, opéré par l'administration au titre du bilan de clôture du premier exercice non prescrit, ne puisse être opéré de manière symétrique dans le bilan d'ouverture de ce même exercice conduit, quant à elle, à la constatation d'un profit, et par application de l'article 38, à une augmentation du bénéfice imposable ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SCI DE L'YVETTE a fait réaliser, entre 2001 et 2004, dans l'ensemble immobilier qu'elle possédait rue de Genève à Villebon-sur-Yvette, une série de gros travaux pour une valeur globale de 686 344 euros ainsi qu'il résulte de la facture récapitulative du 2 juin 2004 émise par l'entreprise Pereira Guedes, réalisatrice des travaux ; que ceux-ci étaient immobilisés au bilan de l'exercice clos le 31 décembre 2005, premier exercice non prescrit au titre de l'impôt sur les sociétés à la date du contrôle, pour seulement 510 956 euros, la société ayant comptabilisé, à une valeur nulle, au bilan d'ouverture de son premier exercice d'assujettissement à l'impôt sur les sociétés, clos le 31 décembre 2002, les travaux effectués au cours de l'année 2001 ; qu'il résulte cependant des dispositions et principes précédents que ces travaux auraient également dû être immobilisés, à ce premier bilan, pour leur valeur d'origine, c'est-à-dire la valeur à laquelle la société civile immobilière les avait acquis à titre onéreux alors qu'elle était encore placée sous le régime fiscal des sociétés de personnes ; que, dès lors, l'administration était fondée à rectifier leur valeur au bilan de clôture de l'année 2005 et à réintégrer, en conséquence, la somme de 175 388 euros, résultant de la discordance constatée entre leur coût global et la somme à laquelle ces travaux avaient été passés en compte ; qu'en outre, compte tenu du fait que ces travaux avaient été acquis lors d'un exercice antérieur à celui au titre duquel la rectification était effectuée, et qui était prescrit lors de celle-ci, l'administration n'avait pas à procéder à d'autres rectifications, sur le plan fiscal, que celle des écritures de l'actif du bilan de clôture de l'exercice 2005 ;
7. Considérant, cependant, que la SCI DE L'YVETTE soutient, pour la première fois en cause d'appel, qu'en vertu des dispositions du II de l'article 202 ter du code général des impôts, elle était libre, dès lors qu'elle s'était acquittée de l'impôt sur le revenu dû au titre de la période d'imposition précédant immédiatement son changement de régime fiscal à raison des revenus et des plus-values non encore imposés à cette date, d'immobiliser ces travaux à une valeur autre que leur valeur d'origine au bilan d'ouverture du premier exercice d'assujettissement à l'impôt sur les sociétés, ce qui s'était traduit, en l'espèce, par une immobilisation des travaux exécutés en 2001 à une valeur nulle, ainsi qu'il a été dit ;
8. Considérant qu'aux termes du premier alinéa du II de l'article 202 ter du code général des impôts : " Si une société ou un organisme dont les revenus n'ont pas la nature de bénéfices d'une entreprise industrielle, commerciale, artisanale ou minière, d'une exploitation agricole ou d'une activité non commerciale cesse, totalement ou partiellement, d'être soumis à l'un des régimes définis aux articles 8 à 8 ter (...), l'impôt sur le revenu est établi au titre de la période d'imposition précédant immédiatement le changement de régime, à raison des revenus et des plus-values non encore imposés à la date du changement de régime, y compris ceux qui proviennent des produits acquis et non encore perçus ainsi que des plus-values latentes incluses dans le patrimoine ou l'actif social " ; et qu'aux termes du deuxième alinéa du II du même article de ce code : " Toutefois, en l'absence de création d'une personne morale nouvelle, ces dernières plus-values ne sont pas taxées dans les conditions prévues au premier alinéa du présent II si l'ensemble des éléments du patrimoine ou de l'actif sont inscrits au bilan d'ouverture de la première période d'imposition ou du premier exercice d'assujettissement à l'impôt sur les sociétés, en faisant apparaître distinctement, d'une part, leur valeur d'origine, et, d'autre part, les amortissements et provisions y afférents qui auraient été admis en déduction si la société ou l'organisme avaient été soumis à l'impôt sur les sociétés depuis sa création " ;
9. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions avec l'article 38 du code général des impôts et 38 quinquies de l'annexe III à ce code, que, lorsqu'une société civile imposable selon les règles applicables aux revenus fonciers décide d'opter pour l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés, elle doit, dans la mesure où aucun impôt sur le revenu n'a été établi au titre de la période d'imposition précédant immédiatement ce changement de régime, inscrire au bilan d'ouverture du premier exercice d'assujettissement à ce nouvel impôt, ses immobilisations pour leur valeur d'origine, c'est-à-dire celle à laquelle elle les avait acquises alors qu'elle était placée sous le régime fiscal des sociétés de personnes ; que, dans la mesure où la SCI DE L'YVETTE ne démontre pas s'être acquittée de l'impôt sur le revenu dont elle aurait été redevable sur ses revenus et plus-values latentes au titre de la période précédant immédiatement son changement de régime fiscal, ou qu'elle en aurait été exonérée, elle était tenue d'inscrire à son nouveau bilan ses immobilisations à leur valeur d'origine et, distinctement, les amortissements et provisions y afférents tels qu'ils auraient été admis en déduction si elle avait été soumise antérieurement à l'impôt sur les sociétés, alors qu'il résulte de l'instruction que la SCI DE L'YVETTE n'a pas procédé ainsi ; qu'il s'ensuit que les travaux exécutés par la société civile immobilière courant 2001 et dont, de surcroît, elle ne démontre pas qu'ils auraient été intégralement amortis, ne pouvaient être immobilisés à une valeur nulle au bilan d'ouverture du nouveau régime ; que, par suite, l'administration était fondée à réintégrer la minoration d'actif ainsi constatée ;
10. Considérant, par ailleurs, que la société requérante soutient que M. A...a réglé une partie des travaux, à hauteur de 150 000 euros ; que, si cette circonstance n'est pas, par elle-même, de nature à modifier le coût d'acquisition des travaux immobiliers à porter au bilan d'ouverture de la société, elle était néanmoins susceptible d'entraîner une diminution de la correction d'actif retenue par le service, sous réserve, toutefois, que la société justifie de la dette contractée à l'égard de son associé ; que, dans la mesure où cette justification n'a pas été apportée en première instance, et ne l'est pas davantage en appel, la SCI DE L'YVETTE ne saurait obtenir aucune réduction du montant de la rectification d'actif retenu, à bon droit, par le vérificateur ;
11. Considérant, enfin, que la SCI DE L'YVETTE ne peut se prévaloir utilement des décisions du Conseil d'État recensées dans la doctrine de l'administration dont elle se prévaut dès lors que le changement de régime fiscal en discussion n'a ni pour objet ni pour effet de transférer au bilan d'une entreprise un actif antérieurement détenu à titre privé ni, en conséquence, d'évaluer la valeur de cet apport au jour de l'opération de transfert ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCI DE L'YVETTE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SCI DE L'YVETTE est rejetée.
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N° 14VE01906