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10/12/2015 | FRANCE | N°13VE01683

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 10 décembre 2015, 13VE01683


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société FRANCE TELECOM, venant aux droits et obligations de la société Wanadoo, représentée par son président-directeur général, a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés, de la majoration et de l'intérêt de retard auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2001.

Par un jugement n°0708441 du 3 avril 2013, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.


Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 5 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société FRANCE TELECOM, venant aux droits et obligations de la société Wanadoo, représentée par son président-directeur général, a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés, de la majoration et de l'intérêt de retard auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2001.

Par un jugement n°0708441 du 3 avril 2013, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 5 juin 2013 et le 7 janvier 2015, la société FRANCE TELECOM, représentée par Me Meier, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n°0708441 du 3 avril 2013 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-pontoise a rejeté sa demande ;

2° de prononcer la décharge de l'imposition contestée ;

3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la double imputation du déficit de l'exercice clos en 2000 résulte de la proposition erronée du service lors du redressement en 2003 d'imputer ce déficit sur la plus-value à long terme de ce même exercice clos en 2000 et ne pouvait être évitée que par une modification du redressement alors envisagé ;

- l'imputation sur l'exercice clos en 2001 du déficit ordinaire et des amortissements réputés différés de l'exercice précédent est étrangère à l'abus de droit constaté qui n'a affecté que les plus-values à long terme et à taux réduit relevant de l'exercice clos en 2000 ;

- que le service a méconnu tant les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts que la doctrine administrative 13 N-122 du 14 juin 1996, en confirmant à son encontre une majoration de 80 %.

................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Soyez,

- les conclusions de M. Delage, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., pour la société FRANCE TELECOM.

1. Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de la société Wanadoo qui a pour activité la fourniture d'accès à internet, portant sur l'exercice clos en 2001, l'administration a remis en cause le report sur le bénéfice de cet exercice d'amortissements réputés différés et d'un déficit de l'exercice précédent pour un montant de 23 103 942 euros, qui avait annulé le bénéfice de l'exercice vérifié, au motif que les sommes reportées avaient déjà été déduites en totalité, au titre de l'exercice clos en 2000, d'une plus-value à long terme ; que, regardant ce report comme constitutif pour l'exercice clos en 2001 d'un abus de droit, l'administration a rehaussé le résultat de cet exercice ; que la société FRANCE TELECOM, venant au droits et obligations de la société Wanadoo, relève appel du jugement n°0708441 du 3 avril 2013 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés, de la majoration et de l'intérêt de retard auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2001 à la suite de ce rehaussement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : (...) / (...) b. qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus (...) / L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité dont les avis rendus font l'objet d'un rapport annuel. / Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé du redressement " ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsque l'administration use de la faculté qu'elles lui confèrent dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors qu'elle établit que ces actes ont un caractère fictif, ou, que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressée, si elle n'avait pas passé ces actes, auraient normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ; d'autre part, qu'aux termes du 1 du I de l'article 39 quindecies du code général des impôts : " Le montant net des plus-values à long terme fait l'objet d'une imposition séparée au taux de 16 % (...) Toutefois, ce montant net n'est pas imposable lorsqu'il est utilisé à compenser le déficit d'exploitation de l'exercice. Le déficit ainsi annulé ne peut plus être reporté sur les bénéfices des exercices ultérieurs. (...) " ;

3. Considérant qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur l'exercice clos en 2000, il est apparu que la société Wanadoo avait mis en oeuvre un montage artificiel par lequel ses deux filiales, les sociétés CV2F et Intelmatique, avaient procédé à des augmentations de capital intégralement souscrites par la société Cogecom, puis au rachat de leurs propres actions auprès de la société Wanadoo et enfin à l'annulation des titres rachetés, ces opérations ayant été décidées dans un court laps de temps par les assemblées générales des deux filiales, lesquelles se sont trouvées, finalement, détenues pour la totalité de leur capital social d'origine par la société Cogecom ; qu'il est constant que, par ce montage, la société Wanadoo avait dissimulé une vente d'actions à sa société mère, la société Cogecom, en ne lui cédant pas directement les titres qu'elle détenait au sein des sociétés CV2F et Intelmatique, dans le but exclusivement fiscal de se placer sous le bénéfice du régime des sociétés-mères prévu aux articles 145 et 216 du code général des impôts, afin de limiter son imposition à la quote-part de frais et charges de 5 % prévue par ces dispositions ; que l'administration, par notification de redressement en date du 17 septembre 2003, a restitué son caractère à ces opérations en réintégrant une plus-value à long terme sur la cession de titres des deux sociétés, d'un montant de 119 367 681 euros, selon la procédure de répression des abus de droit prévue à l'article précité du livre des procédures fiscales ; que, dans la même notification, l'administration a invité la contribuable à lui indiquer le traitement fiscal qu'elle entendait appliquer à cette plus-value ; qu'en application du 1 du I de l'article 39 quindecies précité du code général des impôts, la société Wanadoo a opté, comme il a déjà été dit, pour la compensation intégrale de cette plus-value à long terme avec le déficit et les amortissements réputés différés de l'exercice clos en 2000 ; que, par la suite, en 2004, lors d'une vérification de comptabilité de l'exercice clos en 2001, l'administration a constaté que ce déficit et ces amortissements réputés différés avaient été reportés sur les résultats de cet exercice clos en 2001 ; qu'estimant cette double imputation constitutive d'un abus de droit au titre de cet exercice, l'administration a assujetti la requérante à un supplément d'impôt sur les sociétés pour 2001, et lui a infligé à la majoration de 80 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts ;

4. Considérant que c'est à tort que, pour estimer rapportée la preuve de la commission d'un abus de droit en 2002 dans l'établissement des résultats de l'exercice clos en 2001, les premiers juges se sont fondés sur la circonstance que l'administration avait " tiré les conséquences de la décision de gestion " prise par la société Wanadoo en 2003, au cours de la constatation d'un abus de droit commis au cours de l'exercice clos en 2000, de déduire intégralement les amortissements réputés différés et le déficit de ce dernier exercice du montant d'une plus-value à long terme ;

5. Considérant, en premier lieu, que, pour écarter la qualification d'abus de droit, la société FRANCE TELECOM relève à juste titre que l'administration ne s'est jamais prévalue du caractère fictif des amortissements réputés différés et du déficit de l'exercice clos en 2000, dont il a, au contraire, en 2003, proposé à la société Wanadoo et admis la déduction de la plus- value à long terme résultant de la répression de l'abus de droit commis en 2000 ;

6. Considérant en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite de la répression de cet abus de droit commis en 2000, la société FRANCE TELECOM a enregistré en produits nets de participation, placés sous le régime des sociétés-mères prévu aux articles 45 et 246 du code général des impôts, les cessions de titres de ses filiales, les sociétés CV2F et Intelmatique, et a dégagé une quote-part de frais et charges de 5 % non déductible du bénéfice à taux normal de l'exercice clos en 2000 ; qu'ainsi, cette quote-part est venue réduire le déficit de cet exercice, qui a été ensuite reporté sur le bénéfice de l'exercice suivant ; que, dès lors, s'il est constant que l'abus de droit consistant à dissimuler une cession d'actions ne pouvait avoir d'autre motif que d'éluder l'imposition d'une plus-value à long terme à taux réduit réalisée par la société Wanadoo au cours de l'exercice clos en 2000, il n'a pu avoir pour objet et n'a pas eu pour effet d'augmenter le déficit au taux normal dont le report avait été imputé sur les résultats de l'exercice suivant ;

7. Considérant, en troisième lieu, que la déduction du montant de la plus-value constatée pendant le redressement des résultats de l'exercice clos en 2000, relève certes de l'option offerte et acceptée par la société Wanadoo en application du 1 du I de l'article 39 quindecies du code général des impôts ; que si cette option a eu pour effet une imputation rétroactive de ce déficit et de ces amortissements, d'une part, sur le montant de la plus-value nette imposable à taux réduit à la clôture de l'exercice 2000, d'autre part, sur le bénéfice imposable à taux normal de l'exercice clos en 2001, cette double imputation ne révèle pas pour autant l'intention de la société Wanadoo de réduire son imposition au cours de ce second exercice ; que, dès lors, s'il était loisible au service d'annuler cette double imputation en rehaussant le résultat de ce second exercice, la société FRANCE TELECOM expose sans être contredite que l'administration n'était pas fondée à recourir à cet effet à la procédure de répression des abus de droit ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société FRANCE TELECOM est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-pontoise a rejeté sa demande en décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés, de la majoration et de l'intérêt de retard auxquels la société Wanadoo a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2001 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'il y a lieu, par application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l'État qui est la partie perdante, à verser à la société FRANCE TELECOM une somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La société FRANCE TELECOM, venant aux droits et obligations de la société Wanadoo, est déchargée de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés, de la majoration et de l'intérêt de retard auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2001.

Article 2 : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 3 avril 2013 est annulé.

Article 3 : L'Etat versera à la société FRANCE TELECOM une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société FRANCE TELECOM est rejeté.

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N°13VE01683


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 13VE01683
Date de la décision : 10/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Abus de droit et fraude à la loi.

Contributions et taxes - Généralités - Amendes - pénalités - majorations.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Évaluation de l'actif - Plus et moins-values de cession.


Composition du Tribunal
Président : M. SOYEZ
Rapporteur ?: M. Jean-Eric SOYEZ
Rapporteur public ?: M. DELAGE
Avocat(s) : SCP BAKER et MCKENZIE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2015-12-10;13ve01683 ?
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